
ARLETTE BONNARD ET ROMY SCHNEIDER
Claude Sautet et son coscénariste Jean-Loup Dabadie, portraitistes clairvoyants et sans complaisance du mâle français fragilisé des années 70, se penchent avec « UNE HISTOIRE SIMPLE » sur son pendant féminin avec le personnage de ‘Marie’, dessinatrice industrielle confrontée au vieillissement, à la solitude, à la veulerie des hommes. Ce qui fascine d’emblée en revoyant le film quarante ans plus tard, c’est à quel point le panorama du monde du travail, de la précarité, ressemble à la France des années 2000. En offrant le rôle principal à Romy Schneider, son égérie, Sautet change radicalement de point-de-vue. La femme idéalisée des « CHOSES DE LA VIE » ou de « CÉSAR ET ROSALIE » perd son auréole glamour pour s’ancrer dans une réalité certes moins jolie à contempler, mais d’autant plus émouvante et concrète. L’actrice n’a peut-être jamais été meilleure.
Si les hommes demeurent à l’arrière-plan, filtrés par le regard tendre mais lucide de leurs femmes, Sautet retrouve tout de même ses marques : groupes d’amis en week-end, maison de campagne, cafés enfumés, alcool et cigarettes. Il n’a rien perdu de ce génie singulier qui consiste à faire exister un nombre étonnant de personnages en même temps, à leur donner un passé véritable à chacun, un parcours. Son casting – à l’exception de Sophie Daumier qui semble échappée d’un autre film – est d’une rare homogénéité : Arlette Bonnard superbe en meilleure amie de Marie, Bruno Cremer magnifique en ex-mari séduisant mais pas si courageux qu’il ne paraît, Claude Brasseur parfait dans son meilleur rôle en ‘loser’ pathétique, et Roger Pigaut sur la corde raide menant au suicide, Madeleine Robinson. Tout le monde est à sa place, quelle que soit l’importance de son rôle.
« UNE HISTOIRE SIMPLE » n’est pas une œuvre joyeuse, il y plane un sentiment constant d’échec, une tentation de se retirer du jeu, la peur de se retrouver seul, laissé pour compte de la société. Cela s’achève heureusement par une image sereine, la promesse incertaine d’un avenir (un peu) moins sombre. Mais un avenir sans hommes ! Entre femmes solidaires… C’est un très beau film, d’une richesse thématique que dément une forme simple, parfaitement lisible. Claude Sautet est définitivement un des grands maîtres du cinéma français, toutes époques confondues.

BRUNO CREMER, ROMY SCHNEIDER ET CLAUDE BRASSEUR