Adapté par Aurenche & Bost du chef-d’œuvre d’Émile Zola : « L’assommoir », réalisé par René Clément, « GERVAISE » symbolise parfaitement cette fameuse « qualité France » balayée par la Nouvelle Vague et qui a pourtant si bien passé l’épreuve des ans.
Excessivement déprimant, le film retrace la destinée d’une jolie blanchisseuse (Maria Schell) qui se met à son compte et voit sa boutique dévorée de l’intérieur par son mari ivrogne (François Périer) et son ex-amant (Armand Mestral) venu s’installer sous leur toit. Manœuvrée par sa pire ennemie (Suzy Delair), Gervaise va connaître la déchéance et finalement la clochardisation. Rien d’optimiste dans cette histoire, juste la minutieuse description de la petitesse humaine, de la médiocrité, de la jalousie, dans un Paris du 19ᵉ siècle magnifiquement reconstitué en studio. Malgré son confinement dans quelques décors, « GERVAISE » connaît de grands moments comme cette bagarre d’une violence inouïe entre Schell et Delair dans un lavoir, comme la crise de delirium tremens de Périer ou ce dîner de fête où le piège se referme sur la naïve Gervaise. De grands moments de cinéma, magistralement réalisés par le maestro Clément, qui dirige ses acteurs avec une grande finesse : Périer n’a jamais été meilleur qu’en brave type balourd détruit par l’alcool, jusqu’à devenir pathétique et répugnant, Delair d’une méchanceté de chaque seconde, ou Mestral véritable parasite professionnel. Malgré son accent allemand, Maria Schell est une superbe Gervaise, radieuse et optimiste, combative, mais « trop belle pour eux ». Sa lente descente aux enfers est le sujet même du film. À noter la présence périphérique mais de plus en plus sensible des enfants de Gervaise : Étienne qui deviendra le héros de « GERMINAL » et la petite Nana. Vraiment du travail d’orfèvre. À voir donc ce « GERVAISE » à la facture impeccable, en sachant que ce n’est vraiment pas une partie de plaisir et que la vision de l’Humanité est d’une telle noirceur qu’on en ressort quelque peu rincé.