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Archives de Catégorie: LES FILMS DE WILLIAM HOLDEN

« LES PONTS DE TOKO-RI » (1954)

Adapté d’un best-seller de James A. Michener, « LES PONTS DE TOKO-RI » de Mark Robson se déroule pendant la guerre de Corée et raconte les dernières missions d’un jeune avocat devenu pilote de bombardier et ne rêvant que de rentrer chez lui où l’attendent femme et enfants.

William Holden un peu hagard et bouffi, incarne cet anti-héros pétri de doutes, miné par un SPT carabiné, laissant la peur s’infiltrer en lui. Cela aurait pu être intéressant, mais Robson semble beaucoup plus passionné par les plans d’attaques aériennes, d’atterrissages en catastrophe sur un porte-avions, de sauvetages en hélicoptère, que par la psychanalyse de ses personnages brossés à gros traits. Le format carré de l’image est trop étriqué et la direction d’acteurs laisse à désirer : de l’exaspérant cabotin Mickey Rooney en totale roue-libre, au pauvre Fredric March tristement sous-employé dans un rôle d’amiral sentencieux qui est un cliché sur pattes et même à Grace Kelly, jouant l’épouse parfaite d’Holden dans quelques séquences avec son jeu lisse et appliqué. Difficile de trouver quelque chose d’oscarisable là-dedans. Heureusement, Charles McGraw est très bien en officier dur-à-cuire. Robson, contrairement à Billy Wilder l’année précédente dans « STALAG 17 » (déjà avec Holden en vedette), n’a pas laissé Robert Strauss vampiriser son film. Ici, il n’a même pas l’occasion d’en faire des caisses et demeure à sa place de second rôle ! De ce pensum cafardeux et étonnamment pessimiste pour un film de guerre de cette époque, on pourra sauver la dernière partie, où Holden et Rooney se retrouvent encerclés dans une tranchée boueuse par des soldats coréens. C’est peu évidemment, seuls les amateurs d’équipement militaires et de manœuvres guerrières trouveront peut-être leur compte avec ces « PONTS DE TOKO-RI » bien bavards et vieillots.

WILLIAM HOLDEN, FREDRIC MARCH, GRACE KELLY ET CHARLES McGRAW
 

« LA POURSUITE SAUVAGE » (1973)

« LA POURSUITE SAUVAGE » de Daniel Mann est un petit western opportuniste, qui pioche ses idées dans « LES 7 MERCENAIRES », « 12 SALOPARDS » ou « LA HORDE SAUVAGE » (dont il débauche d’ailleurs William Holden et Ernest Borgnine) pour aboutir à une étrange mais assez goûteuse bouillabaisse.

Ex-officier devenu rancher, Holden voit sa famille massacrée par des Comanches. Il part à la poursuite des responsables et en chemin, enrôle six forçats pour l’assister. Déjà vu et revu, bien sûr, filmé à la truelle, au point que le film a beau avoir été réellement tourné au Mexique, on se croirait à Almeria, ce salmigondis vaut un coup d’œil pour son hétéroclite distribution : Holden, un peu bouffi et fatigué, campe un anti-héros très faillible, sa « bande » est composée de Borgnine qui n’a jamais autant cabotiné (c’est dire !) qu’en charognard crasseux et agité, absolument hilarant. Woody Strode étonnamment chevelu est un ancien esclave noble et fiable, René Koldehoff spécialiste des rôles de nazis joue un Allemand givré et, last but not least, Roger Hanin se donne à fond en déserteur de l’armée de Maximilien rigolard et obsédé sexuel. Sans oublier une autre rescapée du vieil Hollywood, Susan Hayward, en infirmière mûrissante en manque d’affection. Il y a quelque chose de naïf et de presque attendrissant à voir ces brutes épaisses aux accents improbables devenir copains comme cochons et suivre leur sauveur comme de gentils toutous. « LA POURSUITE SAUVAGE » a tenté de ratisser trop large pour se qualifier parmi les meilleures bizarreries de la même période comme « UN COLT POUR TROIS SALOPARDS », par exemple. La mise en scène manque de lyrisme et la violence est filmée « à l’ancienne ». C’est, pour faire simple, indéniablement mauvais, mais – patine du temps oblige – pas si désagréable que ça à suivre.

WILLIAM HOLDEN, RENÉ KOLDEHOFF, WOODY STRODE ET ERNEST BORGNINE
 

« RACHEL ET L’ÉTRANGER » (1948)

« RACHEL ET L’ÉTRANGER » de Norman Foster ne s’apparente pas tout à fait au western, même s’il se déroule dans l’Ouest pendant les guerres indiennes. Ce n’est pas non plus un film d’aventures, ni une love story classique. C’est un curieux triangle amoureux aux personnages rudes et entiers, qui finit par balayer les rares réticences.

Récemment veuf, le fermier William Holden achète et épouse une domestique (Loretta Young) qu’il traite comme telle. Le jeune fils (Gary Gray) accueille mal l’inconnue. Seul Robert Mitchum, un trappeur errant à la voix de velours s’intéresse à elle en tant que femme et désire la racheter à son ami Holden. Sur cette trame, on s’intéresse au destin de cette Rachel intelligente et patiente, confrontée à des mâles primaires. Holden, 30 ans, est très bien en fermier psychorigide et monosyllabique, mais il se fait voler la vedette par Mitchum qui « mitchumise » à fond dans ce rôle de séducteur suave portant une jolie veste à franges. On l’aperçoit à cheval, en train de chanter a capella, dans des plans qui préfigurent « LA NUIT DU CHASSEUR ». Loretta Young, avec son étrange visage, campe une esclave soumise mais lucide, qui ne se fait aucune illusion sur les hommes. Le petit Gray se sort bien d’un rôle de tête-à-claques. « RACHEL ET L’ÉTRANGER » fait parfois penser à « LA PETITE MAISON DANS LA PRAIRIE », mais le dialogue est toujours impeccable, les séquences d’action sont bien gérées (excellente attaque de Shawnees en pleine nuit qui mettent le feu à la cabane) et les confrontations – verbales ou physiques – entre les jeunes Holden et Mitchum sont très réussies. À voir essentiellement pour ces futures icônes du western quasiment au début de leur parcours de stars.

GARY GRAY, WILLIAM HOLDEN, LORETTA YOUNG ET ROBERT MITCHUM
 

« STALAG 17 » (1953)

Adapté d’une pièce de théâtre qui met en scène, sous forme de comédie, la vie dans un camp de prisonniers allemands peuplé d’Américains, « STALAG 17 » de Billy Wilder, s’il bénéficie d’une belle réputation, ne sera pas au goût de tout le monde.

Entre les vignettes « comiques » portées par les deux clowns Robert Strauss et Harvey Lembeck, cabotins horripilants qui occupent facilement 50% du métrage, et un whodunit tiré par les cheveux (qui est le traître infiltré dans le baraquement chargé de renseigner les nazis ?), le scénario s’étire, se traîne, ne devenant réellement passionnant que dans son dernier quart d’heure. C’est sans doute par amitié pour Wilder que William Holden a accepté de tenir la vedette de son film. Car, en réalité, il apparaît assez peu, n’a aucune véritable séquence à défendre, hormis lors du dénouement. Il traverse le film avec indolence, cigare au bec, laisse toute la place à ses codétenus qui, outre les comiques troupiers déjà cités, ne sont guère brillants, à commencer par Otto Preminger en officier nazi à l’humour sadique. On reconnaît des visages familiers comme Neville Brand en brute sanguine, Peter Graves dans un personnage à facettes où il se montre excellent. Edmund Trzcinski, tenant un petit rôle de prisonnier qui gobe tout les mensonges que lui envoie sa femme par courrier, n’est autre que l’auteur de la pièce originale. On sait que Wilder aime bien les comédiens qui en font trop, mais dans « STALAG 17 », il dépasse la mesure. Chaque apparition de Strauss – et elles sont très fréquentes – est une souffrance et le son même de sa voix devient un supplice. L’équilibre entre drame et comédie n’est absolument pas respecté et le résultat fait partie des œuvres les moins emballantes de son auteur.

NEVILLE BRAND, WILLIAM HOLDEN, OTTO PREMINGER ET PETER GRAVES
 

« BREEZY » (1973)

« BREEZY » est le 3ème long-métrage réalisé par Clint Eastwood et le premier où il n’apparaît pas (hormis une fugitive apparition en clin d’œil), cédant un rôle écrit pour lui à William Holden dont l’âge, 55 ans, correspondait davantage au personnage.

Agent immobilier divorcé, cynique et macho, Holden croise la route de Kay Lenz une hippie adolescente traînant à L.A. avec sa guitare. Peu à peu, par sa fraîcheur et sa candeur, la jeune fille parvient à dégeler le ronchon et à s’installer chez lui. Une très improbable love story s’épanouit, redonnant à l’homme énergie et joie de vivre. Mais encore faut-il résister au regard des autres… « BREEZY » est une œuvre simple, sensible, très bien dialoguée, qui évite les lieux communs en donnant une réelle profondeur aux protagonistes. Avec sa « gueule » ridée, abîmée, Holden d’un naturel absolu, assume toutes les contradictions de son rôle, jusqu’à accepter de paraître franchement antipathique. Face au vieux « pro » hollywoodien, Lenz tient largement la distance malgré un personnage plus schématique. Tous les seconds rôles – pour la plupart inconnus – sont à leur place. Roger C. Carmel est excellent en copain ivrogne et libidineux, un rôle qu’aurait pu tenir Walter Matthau dans les années 50. Déjà responsable du scénario de « UN FRISSON DANS LA NUIT », Jo Heims, collaboratrice régulière d’Eastwood, impose sa griffe sur « BREEZY », et le film, sobrement filmé, sans trop de digressions, lui doit sans doute davantage qu’à son réalisateur. Émouvant, drôle, très daté puisque ancré dans son époque, « BREEZY » fait partie des films les plus atypiques de la filmo du grand Clint, mais il a bien tenu le choc des années et offre un rôle riche et profond au vieux routier Holden qu’on est toujours heureux de voir apparaître dans une œuvre de qualité.

À noter : Quand Frank et Breezy vont au cinéma ensemble pour la première fois, c’est pour voir « L’HOMME DES HAUTES PLAINES », le film précédent d’Eastwood.

WILLIAM HOLDEN, KAY LENZ ET CLINT EASTWOOD
 

« FORT BRAVO » (1953)

WILLIAM HOLDEN

Des soldats sudistes prisonniers des Nordistes dans un fort encerclé par les Indiens, une femme déchirée entre deux hommes, un officier dur à cuire, sans pitié. On croit reconnaître les prémices de « MAJOR DUNDEE » de Sam Peckinpah, mais « FORT BRAVO » de John Sturges l’avait précédé de douze ans.

Sur un scénario solide, avec des personnages bien campés, des comédiens aguerris, mais pas forcément associés au genre western, c’est un film où l’intérêt ne se relâche jamais et qui s’achève par un long morceau de bravoure, sous une pluie de flèches. On identifie immédiatement la manière qu’a Sturges de placer ses acteurs au cœur de paysages grandioses et de rendre le moindre de leurs déplacements parfaitement lisibles. Cela permet de s’immerger complètement dans l’action et d’accroître le suspense. C’est William Holden qui campe le capitaine insensible et rugueux, ce qui ne l’empêche pas de cultiver… des roses dans son jardin. Sa relation avec Eleanor Parker aussi abrupte et déterminée que lui est assez originale pour l’époque et surtout, ne réduit pas le rôle de la femme à un simple boulet à protéger. Autour d’eux, les seconds rôles sont attachants : William Demarest et Wiliam Campbell dans un duo vieux briscard-jeune recrue à la fois antagoniste et affectueux. John Forsythe et Richard Anderson sont un peu fades et on sent le manque d’une grande figure du genre pour épicer la distribution. Malgré une certaine sécheresse, qu’on retrouve souvent dans les westerns de Sturges, « FORT BRAVO » est un bon spectacle qui tend vers un certain réalisme (les tortures infligées par les Mescaleros, habilement suggérées, Holden chassant ses chevaux pour ne pas subir leur puanteur s’ils sont abattus) et ne relâche pas la pression jusqu’au dénouement qui survient in extremis. Un fleuron du genre, modeste, mais bien réel.

ELEANOR PARKER, JOHN FORSYTHE ET WILLIAM HOLDEN
 

« SABRINA » (1954)

AUDREY HEPBURN

Écrit et réalisé par Billy Wilder d’après une pièce de théâtre, « SABRINA » est une comédie douce-amère tournant autour d’une famille fortunée, de leur chauffeur et de sa fille (Audrey Hepburn) amoureuse du cadet (William Holden) depuis l’enfance et manipulée par l’aîné (Humphrey Bogart) afin que sa présence ne nuise pas au business.

Le discours – assez insistant – sur la barrière infranchissable entre les riches et les pauvres donne au scénario une certaine amertume sous ses dehors de conte de fées, mais « SABRINA » est avant tout un écrin à Miss Hepburn, qui n’a jamais été plus jolie et pétillante. Partie gamine prendre des cours de cuisine à Paris, elle revient femme du monde, « éduquée » par un vieux baron (Marcel Dalio). Les détails de cette relation seront d’ailleurs pudiquement laissés à l’imagination du public ! Longuet et prévisible, le film tient encore la route, pour la beauté de son noir & blanc, la cruauté du regard que Wilder pose sur l’espèce humaine en général, qu’elle soit nantie ou impécunieuse. Le seul vrai problème provient du casting : à 55 ans, Bogart est infiniment trop âgé pour ce personnage qui ne lui va pas du tout, qui parvient à faire fondre la naïve Sabrina. À 36 ans, Holden étonnamment teint en blond, a lui aussi au moins dix de trop pour son rôle de play-boy insouciant et paresseux. La différence d’âge entre la pure héroïne et le rugueux ‘Bogie’ devient vraiment gênante lors de l’épilogue qui réunit les deux tourtereaux dans un fougueux baiser hollywoodien. Ceci mis à part, « SABRINA » demeure un film tout à fait plaisant, surtout pour l’admirateur d’Audrey Hepburn magnifiquement photographiée en gros-plans par Charles Lang et pour son dialogue ironique et souvent abrasif, qui évite au film de sombrer dans le roman à l’eau de rose.

À noter : en 1995, Sydney Pollack a tourné un remake du film de Billy Wilder, avec en têtes d’affiche Julia Ormond, Harrison Ford et Greg Kinnear, qui ne retrouva pas le charme de la première version.

HUMPHREY BOGART, WILLIAM HOLDEN ET AUDREY HEPBURN
 

« BOULEVARD DU CRÉPUSCULE » (1950)

GLORIA SWANSON

Indéboulonnable classique du film hollywoodien sur Hollywood, « BOULEVARD DU CRÉPUSCULE » de Billy Wilder est un chef-d’œuvre d’une noirceur, d’une lucidité et d’un nihilisme sans une seule lueur d’espoir. À partir du moment où le narrateur est… un cadavre, le ton est donné !

Scénariste au chômage, William Holden rencontre par hasard Gloria Swanson, ex-star du Muet, cloîtrée chez elle, au milieu de ses souvenirs, dans l’adulation aveugle d’elle-même, épaulée par son majordome Erich von Stroheim qui veille sur elle comme un dogue. Par paresse, par manque de caractère, Holden devient le gigolo de cette femme riche mais fragile, constamment au bord du gouffre et entretient ses chimères de comeback. Sur cette trame déjà humainement complexe et riche en névroses, Wilder filme ce mélodrame comme un film d’horreur gothique. La demeure de Sunset Blvd. ressemble au château de Dracula, Swanson avec son regard halluciné, ses mouvements outrés, fait penser à une tarentule, à une succube prête à fondre sur n’importe quelle proie de passage pour se revitaliser, revenir dans le monde des vivants. La satire du monde du cinéma est d’une cruauté sans pareille. Swanson – qui joue quasiment son propre rôle – est une laissée-pour-compte du star system, une victime du progrès, anéantie par l’avènement du Parlant. Une véritable morte-vivante qui se laisse dépérir à petit feu dans la pénombre de sa crypte. Des scènes comme l’enterrement du chimpanzé ou la partie de bridge avec ses amis séniles (parmi lesquels Buster Keaton) font littéralement froid dans le dos. L’actrice porte le film sur ses épaules, surjouant en permanence, ce qui est parfaitement adapté à ce personnage et atteignant une forme de génie dans la dernière scène, la célébrissime descente d’escalier, aussi grotesque que pathétique. Holden est remarquable d’intelligence et de maturité en cynique plombé par un profond dégoût envers lui-même et Von Stroheim est époustouflant en ancien réalisateur, ancien mari, devenu le larbin zélé de la vieille star. « BOULEVARD DU CRÉPUSCULE » n’a pas pris une ride, il est toujours aussi caustique, brutal et bouleversant. Pur chef-d’œuvre.

GLORIA SWANSON, WILLIAM HOLDEN ET ERICH VON STROHEIM

 

« LA BRIGADE DU DIABLE » (1968)

Même s’il est inspiré d’un roman et écrit par un des auteurs des « 7 MERCENAIRES », « LA BRIGADE DU DIABLE » est plutôt un pâle avatar des « 12 SALOPARDS », sorti l’année précédente, dont il calque sans vergogne la première partie.

Andrew V. McLaglen réunit l’équipe habituelle de ses westerns et prouve que, s’il est un professionnel aguerri, il n’est certainement pas Robert Aldrich. Conventionnel, poussif, confit dans les plus antiques clichés du film de guerre made-in-Hollywood, « LA BRIGADE DU DIABLE », c’est l’histoire d’une troupe spéciale en 1942, composée de gibiers de potence de l’armée U.S. et de soldats canadiens surentraînés. D’abord antagonistes, les rudes gaillards vont apprendre à s’estimer et iront massacrer des « krauts » en Italie, main dans la main. C’est proprement fait, McLaglen sait manier les figurants, il parvient même à insérer une grosse bagarre de saloon comme il en a tant tourné au cinéma ou à la télé. C’est à coups de poings dans la gueule, que les troufions deviendront enfin copains ! Comme dans un bon vieux John Wayne. C’est William Holden qui joue le colonel chargé de former ces trublions. Il a l’air un peu âgé pour le rôle, voire carrément usé. Si cela conviendrait parfaitement pour son film suivant : « LA HORDE SAUVAGE », cela le rend peu crédible en militaire dur-à-cuire capable de gravir une falaise à pic à la seule force des bras. À ses côtés, Cliff Robertson est un officier canadien qui traverse le film comme un ectoplasme inexpressif, on aperçoit de vieilles figures familières comme Dana Andrews ou Michael Rennie et surtout quelques « tronches » de l’époque tels que Claude Akins en grosse brute (le genre de rôle tenu jadis par Victor McLaglen, le père du réalisateur), Luke Askew ou Richard Jaeckel (rescapé du film d’Aldrich) en acrobate au crâne rasé. Le film, malgré ces atouts, ne décolle pas avant le dernier quart, l’attaque-surprise en montagne, soigneusement réglée bien qu’infiniment trop longue. Un film carré et académique comme « LA BRIGADE DU DIABLE » donne en fait envie de revoir immédiatement « 12 SALOPARDS », autrement plus abrasif et plein de sève.

WILLIAM HOLDEN, CLAUDE AKINS, RICHARD JAECKEL, CLIFF ROBERTSON ET VINCE EDWARDS

 

« LE PONT DE LA RIVIÈRE KWAÏ » (1957)

Adapté d’un roman de Pierre Boulle, « LE PONT DE LA RIVIÈRE KWAÏ » de David Lean est un modèle de film de guerre intelligent, une sorte de fable corrosive sur les militaires, la mégalomanie, la création, l’héroïsme et l’absurdité de toutes les guerres.

En Thaïlande, un colonel japonais (Sessue Hayakawa) dirige un camp de prisonniers anglais. Il veut obliger l’officier supérieur (Alec Guinness) à construire un pont avant une date précise. Mais celui-ci refuse – malgré les tortures – à moins que ses propres hommes ne dirigent les travaux. Et c’est ainsi, pour prouver leur supériorité sur l’ennemi, pour démontrer leur savoir-faire et leur discipline, que les Britanniques, croyant œuvrer pour l’honneur de la Couronne, se rendent inconsciemment coupables de haute trahison en aidant l’ennemi dans une pulsion colonialiste. Malgré sa durée copieuse et quelques fléchissements de rythme, le film a peu vieilli et son message est toujours aussi clair. Le dénouement autour du pont bardé d’explosifs fait preuve d’un suspense époustouflant. Guinness trouve le rôle de sa vie avec ce ‘Nicholson’ psychorigide jusqu’à la démence dont les valeurs les plus élémentaires se corrompent dramatiquement par la faute d’un ego aussi hypertrophié que mal géré. À la fois touchant et odieux, il crée un personnage emblématique d’une complexité inouïe. À ses côtés, William Holden est parfait en imposteur américain opportuniste et même un peu « planqué » sur les bords, qui finit par s’investir dans sa mission. Tous les autres comédiens sont parfaits, particulièrement James Donald en médecin militaire qui semble être le seul individu lucide de tout le film. On sent bien que les rôles féminins (l’infirmière ou les « porteuses » autochtones) ont été introduits au chausse-pied dans ce « film d’hommes », mais ce n’est pas trop gênant. La séquence où les Anglais se réunissent autour d’une table avec Hayakawa, le réduisant à l’état de figurant impuissant et docile, est d’une acuité extraordinaire. Un grand film magnifiquement filmé, à revoir sans hésiter, tant son ironie féroce résonne encore aujourd’hui.

ALEC GUINNESS, WILLIAM HOLDEN ET GEOFFREY HORNE