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Archives de Catégorie: LES FILMS DE MARCELLO MASTROIANNI

« NOUS NOUS SOMMES TANT AIMÉS » (1974)

« NOUS NOUS SOMMES TANT AIMÉS » d’Ettore Scola est un film-phare des années 70, qui balaie trente ans de l’Histoire politique italienne, à travers le destin de trois amis idéalistes. Un parcours qui débute dans le maquis pendant la WW2 et s’achèvera trois décennies plus tard, dans l’amertume la plus totale.

Nino Manfredi, ambulancier chaleureux, voit la femme de ses rêves (Stefania Sandrelli), lui échapper pour son ami Vittorio Gassman, avocat de gauche débauché par un grand patron corrompu (Aldo Fabrizi). Stefano Satta Flores, le troisième larron, est un cinéphile communiste intraitable, un loser-né. Ils vont se fâcher, se recroiser, se perdre à nouveau, dans le tourbillon d’une Italie tourmentée. Le film est parsemé de moments poétiques souvent émouvants (les apartés théâtraux où le temps se fige, la scène du parking, le dialogue entre Gassman et son épouse défunte dans une casse de voitures), mais la politique, qui aurait dû demeurer en filigrane, prend beaucoup trop de place et met l’attention à rude épreuve par moments. De plus, l’esthétique a vieilli, avec sa photo tristounette et sa BO mal mixée, trop intrusive. Mais le charme agit tout de même, grâce aux comédiens. S’ils ne parviennent pas, dans la première moitié, à faire croire qu’ils ont 25 ans, ils donnent réellement chair à leurs personnages. Manfredi surtout, d’une humanité poignante et Gassman cassant et déplaisant. Sandrelli est solaire, charmante et résiliente. Giovanna Ralli est remarquable en épouse ingrate, inculte, remodelée par son mari qui ne cesse de la rabaisser. Et Fabrizi est incroyable en « grand patron » physiquement monstrueux, qui ressemble au Jabba-the-Hutt de « STAR WARS » ! « NOUS NOUS SOMMES TANT AIMÉS » a pris un coup de vieux, c’est indéniable, mais c’est largement compensé par l’émotion qu’il suscite encore. Et la séquence du tournage de « LA DOLCE VITA » où apparaissent Fellini et Mastroianni dans leurs propres rôles, mérite à elle seule qu’on revoie cette œuvre emblématique.

VITTORIO GASSMAN, NINO MANFREDI, STEFANIA SANDRELLI ET MARCELLO MASTROIANNI
 

« SALUT L’ARTISTE » (1973)

Écrit et réalisé par Yves Robert, dialogué par Jean-Loup Dabadie, « SALUT L’ARTISTE » est une comédie douce-amère sur les figurants courant le cacheton, les « sans-grade » du cinéma ou du théâtre, les anonymes qui avec l’âge deviennent pathétiques.

C’est dire si ce film n’est pas toujours drôle, que le regard des auteurs n’est pas forcément charitable et que la fin laisse un arrière-goût amer. On ne sait pas trop sur quel pied danser, car le scénario est décousu, les personnages ne sont pas tous sympathiques, alors que parfois, ils devraient l’être. Et puis la grosse faille, c’est aussi son plus gros atout : Marcello Mastroianni. Comment croire une seule seconde que cet acteur princier, élégant, au regard désabusé, puisse être un tel ringard, qu’il fasse des panouilles ridicules dans des films français bas-de-gamme ? Le décalage entre l’image du comédien italien et son rôle est beaucoup trop grand. Il forme un duo avec Jean Rochefort qui, quant à lui, aurait été idéal dans le rôle principal. Il n’empêche que Mastroianni est toujours un plaisir à voir jouer, qu’il a des moments formidables. Carla Gravina est émouvante dans le rôle de son ex-femme patiente, Françoise Fabian – très bien photographiée par Jean Penzer – n’a jamais été plus belle que dans ce personnage assez ingrat. Des seconds rôles comme Maurice Barrier, Évelyne Buyle ou Sylvie Joly occupent bien l’arrière-plan. On se sent dépité de ne pas aimer davantage « SALUT L’ARTISTE », malgré son écriture pointue, ses répliques qui sonnent juste et l’univers qu’il décrit avec minutie. Difficile d’expliquer pourquoi. Un manque de générosité, peut-être ? Un œil qui juge plus qu’il ne laisse vivre ses protagonistes. C’est à voir, bien sûr, pour plusieurs grandes scènes, mais il y a comme un vice de forme…

FRANÇOISE FABIAN, JEAN ROCHEFORT, MARCELLO MASTROIANNI ET CARLA GRAVINA
 

« FANTÔME D’AMOUR » (1981)

ROMY SCHNEIDER

« FANTÔME D’AMOUR » est un film tout à fait atypique dans l’œuvre de Dino Risi qui s’essaie au fantastique et même, par moments, à l’horreur, sans injecter un iota d’humour dans son scénario.

Marcello Mastroianni, bourgeois tranquille, marié sans amour à une maîtresse-femme plus âgée que lui, revoit par hasard une femme (Romy Schneider) qu’il aima il y a 20 ans, aujourd’hui devenue vieille et laide. De rencontres en révélations, de retrouvailles en mystères, il va la revoir, subitement rajeunie et rayonnante. Des assassinats se produisent, liés au passé de la jeune femme. Est-elle morte il y a trois ans comme tout le monde le pense ? Est-elle un fantôme revenu se venger ? L’histoire se tient plus ou moins, mais le charisme du duo de vedettes, la photo brumeuse de Tonino Delli Colli et la BO poignante de Riz Ortolani, parviennent à immerger le spectateur dans cette fable romantique sur la passion inassouvie, les regrets et la vieillesse qui guette. Pourtant, on sent l’auteur mal à l’aise dans cet univers plus volontiers anglo-saxon qu’italien : la longue séquence avec le prêtre sosie de Nosferatu, atrocement incarné par Michael Kroecher, est complètement grotesque et aurait dû être coupée au montage et, dans l’ensemble, le dialogue est trop explicatif et terre-à-terre, ne laissant pas parler les images. Malgré tout, l’envoûtement est là et l’émotion jaillit quand on ne l’attend pas, dans un sourire de Romy et des yeux embués de Marcello. Ils forment un duo improbable, mais étonnamment crédible et le maquillage vieillissant de l’actrice est une grande réussite avec ses cheveux gras, sa peau parcheminée et ses dents noircies. « FANTÔME D’AMOUR » est une œuvre imparfaite, parfois lourde, mais certaines scènes sont inoubliables, comme cette balade en barque sur ce qui ressemble bien au Styx et ces retrouvailles nocturnes à la fin, à la lueur jaunâtre des réverbères. À voir, ne serait-ce que par curiosité.

MARCELLO MASTROIANNI ET ROMY SCHNEIDER
 

« ADUA ET SES COMPAGNES » (1960)

SIMONE SIGNORET

Impossible de ne pas penser à « LA BELLE ÉQUIPE » (1936) en découvrant « ADUA ET SES COMPAGNES », coproduction franco-italienne d’Antonio Pietrangeli. À la différence que la bande d’amis décidant d’ouvrir un restaurant pour s’arracher à leur condition, ne sont pas des ouvriers comme chez Duvivier, mais un quatuor de prostituées au chômage.

Menées par Simone Signoret, Sandra Milo, Emmanuelle Riva et Gina Rovere, rénovent une maison en ruines et connaissent le succès avec leur cuisine. Leur vie s’arrange, l’espoir de trouver une existence normale renaît, jusqu’à ce que leur « financier », un mafioso notoire décide d’en faire un bordel. Porté par un splendide noir & blanc d’Armando Nannuzzi, filmé au plus près des visages, le film oscille sans arrêt entre la comédie optimiste et le drame réaliste. Plus on s’attache aux personnages, plus on craint le retour de la cruelle réalité et la rechute dans le caniveau. C’est émouvant, humain, sans emphase, les quatre « héroïnes » sont complexes, contradictoires, pas toujours sympathiques, mais le groupe fonctionne magnifiquement entre drôlerie et pathétique, jusqu’au dénouement totalement pessimiste et décourageant, qui renvoie, là encore, au chef-d’œuvre de Julien Duvivier. À 39 ans, Signoret trouve un de ses plus beaux rôles. Adua est à la fois autoritaire, fragile et incertaine, intelligente mais prête à se laisser gruger par le premier ringard venu (Marcello Mastroianni, génial de veulerie). Riva est elle aussi étonnante dans un quasi contremploi de « foldingue » alcoolique et imprévisible. Milo crève l’écran en nunuche aux formes rebondies et Rovere est bouleversante. Le scénario fait preuve d’un certain sadisme, en nous emmenant doucement vers une happy end dont il nous prive brutalement, pour nous rappeler que la vie n’est pas un conte de fées et qu’il est impossible d’oublier son passé et d’avancer dans l’existence. En tout cas lorsqu’on est une femme dans l’Italie des années 60. Très beau film.

SIMONE SIGNORET, MARCELLO MASTROIANNI ET EMMANUELLE RIVA
 

« DIVORCE À L’ITALIENNE » (1961)

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MARCELLO MASTROIANNI ET DANIELA ROCCA

Écrit par pas moins de sept auteurs, dont le réalisateur Pietro Germi, « DIVORCE À L’ITALIENNE » est une fable bouffonne et caustique sur la vie d’une petite ville de Sicile, et tout particulièrement celle d’un jeune noble oisif et fat (Marcello Mastroianni) rêvant d’éliminer sa femme pour épouser sa belle et virginale cousine.DIVORCE.jpg

Le film évolue au rythme languide de Mastroianni, absolument hilarant avec ses cheveux gominés, son air endormi, qui commente en voix « off » ses fantasmes de meurtre et ses tentatives de jeter sa vilaine et trop sensuelle épouse (Daniela Rocca) dans les bras d’un amant, pour pouvoir les supprimer, selon les us et coutumes locaux. Sur une BO ironique de Carlo Rustischelli, le film ne cesse de faire sourire au navrant spectacle de ces faux-amis cancaniers, de cette famille décadente et braillarde et surtout, au numéro extraordinaire de Daniela Rocca, enlaidie par un duvet au-dessus des lèvres, une perruque lui faisant un tout petit front et des sourcils trop fournis. Sa moue lascive, sa vulgarité affichée et les « Féfé ! » qu’elle susurre à un Mastroianni excédé, sont vraiment ce qu’il y a de plus réjouissant dans « DIVORCE À L’ITALIENNE ». Avec bien sûr, la présence de l’acteur de Fellini (auquel il est adressé un très joli clin d’œil via la projection au village de « LA DOLCE VITA »), qui s’est composé une silhouette et une personnalité à contremploi. Le petit tic nerveux agitant sa bouche à chaque contrariété – et il y en a beaucoup ! – est anthologique. Aux côtés des deux acteurs : Stefania Sandrelli d’une fulgurante beauté ou Lando Buzzanca, en futur beau-frère frustré. « DIVORCE À L’ITALIENNE » est un petit chef-d’œuvre de méchanceté, un regard abrasif et peu charitable sur les Siciliens et leur mentalité. Quant à l’épilogue, sur le bateau, il laisse peu d’espoir sur une possible « happy end ». Indispensable.

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STEFANIA SANDRELLI, DANIELA ROCCA ET MARCELLO MASTROIANNI

 

« LES CAMARADES » (1963)

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BERNARD BLIER, RENATO SALVATORI ET MARCELLO MASTROIANNI

Situé à Turin, à la fin du 19ᵉ siècle « LES CAMARADES », comme bien d’autres classiques de Mario Monicelli, parvient à mêler harmonieusement message politique, histoire avec un grand « H », portraits intimes de « petites gens » et même – un peu – de comédie.CAMARADES.jpg

Marcello Mastroianni, un « agitateur » socialiste, s’arrête à Turin et pousse des ouvriers déjà bien remontés, à entamer une grève pour une vie plus décente. Le mouvement est fragile, les esprits s’échauffent et la fin sera, mais on l’avait deviné dès le début, d’une lucide amertume. Outre sa reconstitution historique admirable de discrétion (on n’y fait à vrai dire, jamais attention tant elle est parfaite), le film vaut pour les dizaines de personnages qui s’y croisent, ridicules, émouvants, faillibles, mais humains et pathétiques. En tête, Mastroianni formidable en « professeur » constamment affamé et frigorifié, mais jamais battu, une sorte de gourou illuminé mais sincère et haut-en-couleur. Autour de lui, Renato Salvatori qu’on voit doucement évoluer du macho égoïste en graine de révolutionnaire, Bernard Blier en grande gueule prompt à la débandade, Folco Lulli exceptionnel en colosse coléreux, symbole de la révolte. Et dans un petit rôle, Annie Girardot dans un emploi classique de putain au grand cœur. Il y a du Zola dans ce Monicelli, mais un Zola truculent et parfois trivial, qui sait nous cueillir brutalement par des bouts de séquences bouleversants (la raclée que donne l’ado à son jeune frère pour qu’il aille à l’école et ne finisse pas comme lui, puis ce même petit garçon qu’on retrouve à la toute dernière image : simple et poignant). « LES CAMARADES » a du cœur, de l’ampleur, de l’empathie à revendre, mais ne cède pas au pathos et à la sensiblerie. Du vrai grand cinéma italien, en somme.

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ANNIE GIRARDOT, FOLCO LULLI, MARCELLO MASTROIANNI, BERNARD BLIER ET GIAMPIERO ALBERTINI

 

« FANTÔMES À ROME » (1961)

FANTASMI.jpgComment résister à un film italien des années 60 avec à son générique des noms comme Ettore Scola (scénario), Giuseppe Rotunno (photo) ou Nino Rota (musique) ? Sans compter le casting et même le sujet alliant comédie et fantastique.

« FANTÔMES À ROME » réalisé par Antonio Pietrangeli raconte le combat d’un petit groupe de revenants pour empêcher le palais de leur descendant récemment décédé, d’être démoli pour construire un centre commercial. C’est très charmant, parfois poétique, parfois cocasse, mais force est de reconnaître que le scénario est anémique, qu’il ne s’y passe pas grand-chose et que le développement du pitch de départ est minimal. Les acteurs en totale liberté, font l’essentiel du travail : Marcello Mastroianni en grande forme dans un rôle de séducteur poudré papillonnant et aussi de jeune oisif tête-à-claques héritant de la demeure, Sandra Milo hilarante en oie blanche pas très futée et se suicidant tous les soirs, Vittorio Gassman – qui apparaît tard dans l’action – en fantôme susceptible d’un peintre moyennement renommé et la sublime Belinda Lee en arriviste sans cœur. Hélas, tous ces talents réunis ne suffisent pas à éviter que l’ennui ne s’installe et ne fasse que s’épaissir à mesure que l’histoire progresse. Pas de surprise, aucune volte-face ou révélation, tout se déroule paresseusement, aimablement, sans la moindre aspérité. On parvient à rester jusqu’au bout pour l’ambiance romaine des sixties, pour des détails pittoresques, des petits rôles attachants (la clocharde se prenant pour la reine, le plombier mal embouché), mais « FANTÔMES À ROME » n’est pas de ces films qui impriment la mémoire et aurait probablement mérité un réalisateur plus caustique, car il possédait un vrai potentiel.

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VITTORIO GASSMAN, MARCELLO MASTROIANNI ET BELINDA LEE

 

« HUIT ET DEMI » (1963)

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MARCELLO MASTROIANNI

« Je n’ai plus rien à dire, mais je tiens tout de même à le dire », déclare le réalisateur Marcello Mastroianni dans un éclair de lucidité, en pleine préparation de son nouveau film qu’il rechigne à démarrer.OTTO2

Véritable intrusion dans le cerveau d’un créateur à l’inspiration tarie, pollué par son passé, « HUIT ET DEMI » est une œuvre vertigineuse, aussi émouvante que grotesque, qui n’épargne rien ni personne, pas même le protagoniste, frère jumeau de Federico Fellini. Alors qu’il n’a « rien à dire », celui-ci au lieu de se taire fait de ses états d’âme le sujet-même de son film. La mise en abyme est extraordinaire, d’une complexité inouïe. En pleine crise existentielle, ‘Guido’ ne distingue plus la réalité de ses fantasmes, ni de ses bribes de souvenirs. Il est traqué par ses fantômes, hanté par ses mensonges, ses impostures. Un personnage magnifique, dans lequel Mastroianni dans un de ses plus beaux rôles, déploie toute sa classe dévoyée et lasse. Autour de lui, des femmes, rien que des femmes : son épouse amère, humiliée (Anouk Aimée), sa maîtresse dodue et vulgaire (Sandra Milo, formidable), une starlette anglaise (Barbara Steele) et une vedette souriante et solaire (Claudia Cardinale) qui n’existe probablement que dans son imagination. C’est un film fascinant, kaléidoscopique, épuisant, sur l’impuissance et la folie du monde du show business. Certaines scènes s’impriment à jamais dans la mémoire, comme la samba de la grosse Eddra Gale sur la plage, la rêverie puérile du harem ou le cocktail final qui s’achève – et ce n’est que justice – en un grand numéro de cirque. La BO sublime de Nino Rota laissait courir l’analogie depuis les premières images.

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ANOUK AIMÉE ET CLAUDIA CARDINALE

On ne raconte pas « HUIT ET DEMI » et on n’a nul besoin de l’analyser, comme le démontre l’insupportable personnage du critique français qui suit Guido partout et étouffe ce qui lui restait d’inspiration, tel un affreux Jiminy Cricket castrateur. C’est une œuvre parfaite, folle et angoissante comme un rêve dont on n’arrive pas à ressortir. Un des sommets de la carrière de Fellini.

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BARBARA STEELE

 

« LA DOLCE VITA » (1960)

dolce2« LA DOLCE VITA » (le titre français « LA DOUCEUR DE VIVRE » n’est pratiquement jamais utilisé) est une œuvre de transition dans la carrière de Federico Fellini, entre les films intimistes de ses débuts et son cinéma en roue-libre dont on devine ici les prémices.

Dans la Rome décadente des années 60, le film suit quelques jours de la vie de Marcello Mastroianni, écrivain raté et journaliste mondain balloté par les événements, qui se traîne de soirées lugubres en balades nocturnes et alcoolisées, jusqu’à l’hébétude. On ne se souvient généralement que de la première partie, celle où Anita Ekberg starlette américaine en goguette, se baigne dans la fontaine de Trévise. Mais ce n’est en fait qu’une petite parcelle de ce scénario bâti en longs tableaux de plus en plus mortifères et désespérants et qui forme une mosaïque de presque trois heures. De rencontre en rencontre, on voit Marcello se déliter complètement, lâcher prise, pour devenir ce qu’il est fondamentalement : un bouffon pathétique, un pique-assiette sans talent, un de ces « fantômes » errants au petit matin dans les allées d’un château décati, ou sur une plage où s’échouent les monstres marins. Et sans doute les rêves et les illusions… Le dernier regard échangé entre un Marcello trop fardé, grotesque et une pure jeune fille au sourire d’ange, est d’une incroyable portée émotionnelle. Très lent, « LA DOLCE VITA » n’est pas le film festif promis par le titre. C’est le portrait sans fard d’une société-spectacle en décrépitude, qui n’a aujourd’hui rien perdu de son acuité, bien au contraire. La BO de Nino Rota enrobe les images, créant une ambiance à la fois clownesque et triste. À l’image de son antihéros à la dérive. Autour d’un Mastroianni magistral de justesse et de sobriété, Yvonne Furneaux est excellente dans le rôle de sa fiancée névrosée, Annibale Ninchi superbe en père aussi pitoyable que son fils, Alain Cuny crée un personnage puissamment inquiétant sous ses airs d’homme du monde et bon père de famille. On reconnaît aussi Anouk Aimée, Magali Noël, l’ex-Tarzan Lex Barker en has-been U.S. venu s’abimer, comme tant d’autres, à Cinecitta. Loin de se résumer à quelques clichés mythiques ancrés dans l’inconscient collectif (« Marcello ! Marcello ! »), « LA DOLCE VITA » est un instantané cruel d’une époque, qui laisse un arrière-goût un peu écœurant. À ne surtout pas voir un soir de cafard !

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MARCELLO MASTROIANNI, ANITA EKBERG ET YVONNE FURNEAUX

 

« LES FLEURS DU SOLEIL » (1970)

MARCELLO MASTROIANNI ET SOPHIA LOREN

MARCELLO MASTROIANNI ET SOPHIA LOREN

Quand le film commence, on craint le pire : Sophia Loren et Marcello Mastroianni sont clairement trop âgés pour leurs rôles et les jolis plans de couchers de soleil font redouter un gros mélo touristique et ripoliné.FLEURS

Mais « LES FLEURS DU SOLEIL » vaut beaucoup mieux que cela. Et le premier tiers, fait de scènes amusantes entre les deux amants, visiblement semi-improvisées, s’il dure un peu trop longtemps, sert néanmoins à rendre crédible et même bouleversant tout le reste du film. Grâce à la mise-en-scène fluide et élégante de Vittorio De Sica, toute au service du scénario et des acteurs, le film transcende le mélodrame pour devenir une œuvre sobre et noble sur la guerre qui détruit tout, jusqu’aux sentiments, sur la force des femmes, la faiblesse des hommes et sur les mauvais aiguillages qui gâchent toute une existence. Le film est porté à bout de bras par la Loren, magnifique en Napolitaine déterminée et va-de-la-gueule, fidèle jusqu’à l’obsession. Elle a des moments extraordinaires comme cette rencontre avec un Italien pendant une sortie d’usine à Moscou ou ce face-à-face muet avec ce mari tant recherché, sur un quai de gare. Là, l’actrice atteint à la vraie grandeur. Dans un personnage plus effacé et aussi plus ingrat, Mastroianni trouve tout de même le moyen de donner chair à cet « Antonio » fragile et paumé. Leurs retrouvailles se déroulent dans un appartement privé d’électricité et les fait ressembler à des fantômes. Et la pénombre dissimule leur vieillissement aux yeux de l’autre. Sublime idée ! Les deux monstres sacrés sont bien secondés par Lyudmila Saveleva très touchante dans le rôle délicat de « l’autre femme ». « LES FLEURS DU SOLEIL » est un beau film, entièrement centré sur son sujet, sans aucune fioriture ou intrigue secondaire. Une femme, un homme, la guerre… C’est tout, c’est déjà beaucoup. Et la conclusion – une fois de plus sur un quai de gare – laisse sur une note d’une infinie tristesse.

SOPHIA LOREN ET LUDMILA

SOPHIA LOREN ET LYUDMILA SAVELEVA