« NOUS NOUS SOMMES TANT AIMÉS » d’Ettore Scola est un film-phare des années 70, qui balaie trente ans de l’Histoire politique italienne, à travers le destin de trois amis idéalistes. Un parcours qui débute dans le maquis pendant la WW2 et s’achèvera trois décennies plus tard, dans l’amertume la plus totale.
Nino Manfredi, ambulancier chaleureux, voit la femme de ses rêves (Stefania Sandrelli), lui échapper pour son ami Vittorio Gassman, avocat de gauche débauché par un grand patron corrompu (Aldo Fabrizi). Stefano Satta Flores, le troisième larron, est un cinéphile communiste intraitable, un loser-né. Ils vont se fâcher, se recroiser, se perdre à nouveau, dans le tourbillon d’une Italie tourmentée. Le film est parsemé de moments poétiques souvent émouvants (les apartés théâtraux où le temps se fige, la scène du parking, le dialogue entre Gassman et son épouse défunte dans une casse de voitures), mais la politique, qui aurait dû demeurer en filigrane, prend beaucoup trop de place et met l’attention à rude épreuve par moments. De plus, l’esthétique a vieilli, avec sa photo tristounette et sa BO mal mixée, trop intrusive. Mais le charme agit tout de même, grâce aux comédiens. S’ils ne parviennent pas, dans la première moitié, à faire croire qu’ils ont 25 ans, ils donnent réellement chair à leurs personnages. Manfredi surtout, d’une humanité poignante et Gassman cassant et déplaisant. Sandrelli est solaire, charmante et résiliente. Giovanna Ralli est remarquable en épouse ingrate, inculte, remodelée par son mari qui ne cesse de la rabaisser. Et Fabrizi est incroyable en « grand patron » physiquement monstrueux, qui ressemble au Jabba-the-Hutt de « STAR WARS » ! « NOUS NOUS SOMMES TANT AIMÉS » a pris un coup de vieux, c’est indéniable, mais c’est largement compensé par l’émotion qu’il suscite encore. Et la séquence du tournage de « LA DOLCE VITA » où apparaissent Fellini et Mastroianni dans leurs propres rôles, mérite à elle seule qu’on revoie cette œuvre emblématique.