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Archives de Catégorie: LES FILMS DE DENZEL WASHINGTON

« L’ATTAQUE DU MÉTRO 1 2 3 » (2009)

Tourné plus de 40 ans après « LES PIRATES DU MÉTRO » (1974) dont il est le remake, « L’ATTAQUE DU MÉTRO 1 2 3 » de Tony Scott pourrait servir de sujet de thèse sur le bouleversement du cinéma U.S., en comparant les deux scénarios et l’esthétique des deux films.

La trame établie par Brian Helgeland suit fidèlement celle des seventies, mais elle est considérablement enrichie par des personnages plus approfondis, des situations plus complexes et des motivations très différentes pour détourner ce métro new-yorkais. En pleine possession de ses moyens, Scott maîtrise brillamment son filmage à multiples caméras, le montage aligne frénétiquement des plans de deux ou trois secondes à peine et il y a à peu près un effet visuel ou sonore par changement de plan. C’est éreintant, soûlant, mais impossible de détourner les yeux. Succédant au flic feignasse du film original, Denzel Washington campe un technicien courageux, mais pas totalement exempt de tout péché, ce qui rend ses confrontations téléphoniques avec le méchant John Travolta bien plus intéressantes. Celui-ci hélas, s’est fait un look impossible et poursuivait allègrement sa période « en roue libre » ce qui s’avère lassant à la longue. John Turturro est excellent en négociateur, James Gandolfini est parfait en maire mal-aimé et Luis Guzmán est un des pirates, à peine identifiable sous ses lunettes et son pansement au nez. Alors lequel des deux films est-il meilleur ? Le réaliste, cracra et linéaire du siècle dernier ou cette version années 2000 survoltée, truffée de chausse-trappes et de séquences d’action spectaculaires ? Difficile de trancher. Quoi qu’il en soit, la juxtaposition des deux films donne largement de quoi réfléchir sur l’évolution du cinéma populaire.

DENZEL WASHINGTON, JOHN TRAVOLTA ET JOHN TURTURRO
 

« FLIGHT » (2012)

« FLIGHT » de Robert Zemeckis démarre comme un film-catastrophe avec un crash aérien très impressionnant de réalisme, agrippant le spectateur de la façon la plus primitive et efficace qui soit. Mais c’est l’après-accident qui constitue l’essentiel du film.

Pilote d’élite qui sauve la plupart des passagers de son appareil en détresse, Denzel Washington d’abord fêté en héros, se voit soumis à une enquête qui révèle sa personnalité addictive. En effet, l’homme est addict à tout, ou presque : alcool principalement, mais aussi cocaïne, tabac et passe littéralement ses journées à boire, jusqu’à plusieurs litres de vodka ou whisky quotidiennement. Alors bien sûr, il a signé un exploit, mais avait-il le droit de voler en état d’ébriété et complètement stoned ? « FLIGHT » est donc le portrait en profondeur d’un homme détruit, destructeur, et lamentable, voire légèrement écœurant. Magnifique performance de Washington qui a pris quelques kilos, a modifié sa démarche et enchaîne les tics de la bouche peu ragoûtants. Il est bien entouré : la belle Kelly Reilly en junkie attachante, les excellents Don Cheadle, Tamara Tunis, Bruce Greenwood et Melissa Leo. Seul le numéro extravagant et over the top de John Goodman en dealer cabotin n’a rien à faire dans ce film-là. Grosse faute de goût ! Hormis la première demi-heure assez spectaculaire, « FLIGHT » est en réalité une sorte de gros téléfilm à budget confortable, qui déroule son message moralisateur voire religieux de façon scolaire et solennelle. Ça n’ôte rien au formidable travail de Washington en héros fissuré et à la maîtrise de Zemeckis. Mais, effectivement, il n’y a pas 36 façons de traiter ce genre de sujet.

DENZEL WASHINGTON, KELLY REILLY ET DON CHEADLE
 

« GLORY » (1989)

« GLORY » d’Edward Zwick peut apparaître au premier abord comme un énième film cocardier sur la guerre de sécession, à la différence (énorme) qu’il glorifie un bataillon nordiste mené par des officiers blancs mais entièrement composé de Noirs.

Le déroulement du scénario est extrêmement conventionnel, au point qu’on devine rapidement quelle sera l’évolution des personnages principaux et même l’issue de leur aventure. Mais c’est tellement bien fait et manifestement sincère dans son message antiraciste, qu’on se laisse entraîner, portés par la photo splendide du vétéran Freddie Francis, par la BO de James Horner et par la maîtrise de séquences de bataille, toutes plus saisissantes les unes que les autres. Matthew Broderick trouve le rôle de sa vie en jeune colonel idéaliste qui acquiert peu à peu le respect de ses troupes. Il y a quelques pourris de compétition comme les excellents Bob Gunton et Cliff De Young, mais le film se focalise sur les soldats. Tous d’anciens esclaves prêts à sacrifier leur vie pour retrouver leur dignité d’homme. Ils sont incarnés par la fine-fleur des acteurs « afro-américains » : Morgan Freeman magnifique en leader-né, intelligent et lucide, Denzel Washington littéralement rongé par la haine et la rancœur, qu’on voit évoluer doucement jusqu’à devenir (littéralement) un porte-drapeau. Et André Braugher dans le rôle le plus fouillé, celui d’un Noir éduqué, élevé parmi les Blancs qui va, au contact de la guerre et de ses semblables, réinventer ses racines. S’il fallait trouver une faille à « GLORY », c’est d’être à ce point concentré sur ces quelques individus, au point d’occulter complètement les centaines d’autres soldats seulement révélés – à notre grande surprise – lors de l’héroïque assaut final. Mais ce n’est qu’un détail ! « GLORY » est un beau et noble film.

MATTHEW BRODERICK, JIHMI KENNEDY, DENZEL WASHINGTON, MORGAN FREEMAN ET ANDRÉ BRAUGHER
 

« LE TÉMOIN DU MAL » (1998)

Avant de disparaître des radars, Gregory Hoblit a réalisé trois films intéressants à la fin des années 90 : « PEUR PRIMALE », « FRÉQUENCE INTERDITE » et le présent « LE TÉMOIN DU MAL », écrit par Nicholas Kazan (« COMME UN CHIEN ENRAGÉ »).

« LE TÉMOIN DU MAL » commence comme une banale chasse au serial killer à Philadelphie, avant de progressivement se transformer en film fantastique, où un flic (Denzel Washington) affronte un ange déchu nommé Azazel, capable de se transférer de corps en corps, par simple effleurement. L’ennemi est donc protéiforme, insaisissable et quasi invincible. Il détruit la vie de notre héros, anéantit sa famille, jusqu’à la confrontation finale. Il faut du talent et de la conviction pour faire avaler ce postulat mystique, à la limite du n’importe quoi, mais miraculeusement… ça fonctionne ! C’est extrêmement bien photographié (Newton Thomas Sigel) et cadré, le montage est serré, le dialogue souvent inspiré (on pense à cette discussion métaphysique entre Washington et son coéquipier John Goodman le soir, au bureau) et les comédiens sont épatants. Outre Denzel, qu’on a rarement vu aussi décontracté et sympathique, qui rend par son implication le scénario presque crédible, Goodman dans son emploi préféré de « bon pote » rigolard », il y a également l’excellente Embeth Davidtz en spécialiste des anges (sic !), Donald Sutherland dans un rôle indigne de lui de commissaire obtus. Elias Koteas apparaît peu dans un rôle de condamné à mort, mais il électrise tout le prologue. Il est clair qu’il en fallait peu pour que ce film tombe dans la série B bas-du-front teintée de satanisme, mais tout le monde a pris son job très au sérieux pour signer une œuvre singulière, très prenante par moments et qui parvient même à faire réfléchir sur le sens de la vie !

DONALD SUTHERLAND, DENZEL WASHINGTON, JOHN GOODMAN ET ELIAS KOTEAS
 

« FENCES » (2016)

Écrit par August Wilson d’après sa propre pièce de théâtre, « FENCES » 3ᵉ long-métrage réalisé par Denzel Washington, est un film copieux de plus de deux heures, situé – malgré quelques modestes aérations – dans l’arrière-cour d’une maison, au cœur d’un quartier noir de Pittsburgh dans les années 60.

Washington joue un ex-champion de base-ball devenu éboueur. Alcoolique, véritable tyran domestique, il trompe sa femme (Viola Davis), opprime ses deux fils et abreuve tout le monde de ses logorrhées verbales incessantes. On pense fréquemment à « MORT D’UN COMMIS VOYAGEUR » dans ce portrait d’un « raté » aussi exaspérant que pitoyable et l’acteur/réalisateur qu’on n’a jamais vu aussi extraverti, se donne à fond pour brosser ce portrait complexe, paradoxal, souvent haïssable d’un « pauvre type » qui s’aliène peu à peu toute sa famille. Le parti-pris de l’auteur est de ne pas renier les origines théâtrales de son œuvre : on s’échappe rarement de la maison et de son jardinet où se déroulent toutes les confrontations, avec comme symbole de l’échec cette vieille balle de base-ball suspendue à une branche par une ficelle. Le texte a beau être souvent brillant, cruel et lucide, la durée semble excessive et on se surprend à bâiller tant il est répétitif. Mais le film vaut largement d’être vu pour son extraordinaire distribution. Outre Washington à son meilleur, on est fasciné par la richesse de jeu de Viola Davis, femme soumise, confiante, aliénée par ses tâches ménagères, dont le monde s’écroule quand elle apprend la trahison de son seigneur et maître. Ses affrontements avec lui sont d’une violence de sentiments peu commune. Autour du couple, Mykelti Williamson est remarquable en frère revenu amoindri physiquement et mentalement de la WW2 et Stephen McKinley Henderson est formidable en vieux copain. À voir pour la richesse du dialogue, pour la prouesse des comédiens, « FENCES » ne dépasse jamais sa condition de théâtre filmé.

DENZEL WASHINGTON ET VIOLA DAVIS
 

HAPPY BIRTHDAY, DENZEL !

DENZEL WASHINGTON, FIGURE MAJEURE DU HOLLYWOOD CONTEMPORAIN, ALTERNANT BLOCKBUSTERS ET FILMS D’AUTEUR
 
 

« UNE AFFAIRE DE DÉTAILS » (2021)

Écrit et réalisé par John Lee Hancock, « UNE AFFAIRE DE DÉTAILS » est un nouveau descendant de « SE7EN », situé dans les années 90 et contant – une fois de plus ! – une chasse au serial killer à L.A.

L’ex-flic Denzel Washington revient en ville, alors qu’une série de meurtres de jeunes femmes s’accélère. Cela lui rappelle une enquête jamais résolue, qui le poussa à démissionner, et il décide d’aider le jeune policier (Rami Malek), contre l’avis de tous. Le film dure deux bonnes heures et Hancock a fait le pari de la lenteur, de l’introspection et de l’ambiguïté. De fait, le scénario contient quelques excellentes idées (l’incertitude permanente quant à l’identité du tueur, la révélation du péché originel de Washington, la barrette rouge, etc.) mais hélas, autant de maladresses tout à fait surprenantes et difficilement excusables : certains rouages grincent terriblement, d’autres sont d’une naïveté incroyable. Cela se laisse regarder sans passion, ni trop d’ennui, grâce à Denzel. À 67 ans, blanchi et légèrement empâté, il compose un personnage attachant de limier hanté par le passé, en quête d’une impossible rédemption. Mais son duo avec Malek ne fonctionne pas très bien, à cause du jeu décalé du second. Celui-ci compose un rôle de flic arrogant, aux réactions incompréhensibles, en grimaçant énormément, compliquant ce qui n’avait nul besoin de l’être. Heureusement, Jared Leto n’a jamais été meilleur qu’en détraqué et suspect n°1, malsain et inquiétant, mytho machiavélique ou assassin sadique… Ne surtout pas attendre monts et merveilles de « UNE AFFAIRE DE DÉTAILS » donc, qui gaspille ses atouts en plongeant tête baissée dans tous les clichés du genre et en étirant son anecdote trop mince en une durée injustifiable. C’est le premier film en tout cas, où on voit clairement Denzel Washington entrer dans une nouvelle phase de son parcours : les emplois à la Morgan Freeman.

DENZEL WASHINGTON, JARED LETO ET RAMI MALEK
 

« L’AFFAIRE ROMAN J. » (2017)

Écrit et réalisé par Dan Gilroy dont c’est le 2ᵉ film, « L’AFFAIRE ROMAN J. » brosse le portrait d’un homme singulier (Denzel Washington), un avocat qui a passé toute sa carrière à l’ombre de son médiatique associé. À la mort soudaine de celui-ci, il se rend compte que son idéalisme intransigeant l’a peut-être fait passer à côté des vrais plaisirs de la vie.

Ce qui frappe d’emblée, c’est l’apparence physique de Washington, qui s’abîme complètement dans son rôle, modifiant sa démarche, ses expressions faciales et son poids, pour incarner une sorte « d’autiste savant » qui a gardé un pied dans les années 70 et vit comme un vieux militant de base, avec son walkman et ses vêtements informes. La composition est brillante, nuancée et s’avère l’atout principal du film. Car s’il est intelligemment écrit, si les enjeux psychologiques sont puissants (il suffit d’un seul faux-pas pour compromettre les idéaux de toute une vie de sacrifices), « L’AFFAIRE ROMAN J. » est hélas, assez laborieux, voire ennuyeux. Les tunnels dialogués s’enchaînent et les répliques – trop écrites – sont parfois absconses. De plus, pour intéressant qu’il soit, Roman n’est pas particulièrement sympathique ni attachant. C’est le talon d’Achille de l’interprétation honnête de l’acteur qui, à force de réalisme, lui ôte tout charisme. L’ensemble des seconds rôles est irréprochable, avec une mention à l’inégal Colin Farrell, ici à son meilleur, dans un personnage improbable de requin du barreau dur et cynique, qui finit, au contact de Roman, par se retourner comme une crêpe et par se transformer en adepte du pro bono ! Très, très difficile à gober, dirons-nous. Long et lent, bavard à l’extrême, « L’AFFAIRE ROMAN J. » ne passionnera vraiment que les fans de Denzel Washington, seule raison de ne pas lâcher le film en route.

DENZEL WASHINGTON ET COLIN FARRELL

 

« UNSTOPPABLE » (2010)

« UNSTOPPABLE » est le dernier des 13 longs-métrages réalisés par Tony Scott, et s’il semblait anecdotique, voire anodin à sa sortie, il permet dix ans plus tard de se rendre compte à quel point l’homme était un virtuose de l’image, un technicien hors-pair et un maître du tournage à multiples caméras et du montage. Nul ne l’a égalé depuis.

L’histoire – inspirée de faits réels – est plus que simple : en Pennsylvanie, un énorme train sans conducteur et transportant des produits toxiques inflammables (tant qu’à faire), fonce vers des zones habitées. Deux cheminots, un vieux de la vieille (Denzel Washington) et une bleusaille dépressive (Chris Pine) décident de tout faire pour le stopper au péril de leur vie, alors que la hiérarchie leur met des bâtons dans les roues. On pense aux films-catastrophe urbains des seventies du style « LE TOBAGGAN DE LA MORT » ou « UN TUEUR DANS LA FOULE ». Mince anecdote qui remplit à peine ses 98 minutes, mais le savoir-faire de Scott supplée aisément à cela. Il filme le train comme un Godzilla de métal dévorant tout sur son passage, la bande-son annihile tout recul, tout sens critique : c’est un Grand-8 visuel et sonore dont le rythme ne cesse de s’accélérer. Et la multitude de points de vue donne une réelle ampleur à l’aventure. Bien sûr, c’est inhérent au genre, les à-côtés (les deux filles bimbos complètement décérébrées de Denzel et l’épouse au physique de pin-up de Chris) sont un brin embarrassants, mais la complicité naissante entre les deux héros est très bien menée par les deux acteurs en pleine forme. À leur côtés, Rosario Dawson est excellente en responsable du chemin de fer et Kevin Dunn endosse le rôle ingrat du directeur pleutre et irresponsable. « UNSTOPPABLE » n’a rien d’un grand film, et oui, Tony Scott a fait beaucoup mieux et surtout plus ambitieux. Mais une décennie après, il demeure un spectacle jouissif et haletant qui fait encore plus regretter son décès prématuré.

DENZEL WASHINGTON, ROSARIO DAWSON ET CHRIS PINE

 

« COUVRE-FEU » (1998)

SIEGE.jpgIl faut d’abord replacer « COUVRE-FEU » d’Edward Zwick dans son contexte, c’est-à-dire trois ans avant le 11 septembre 2001, pour réaliser à quel point son scénario est prémonitoire, pertinent et culotté.

Une série d’attaques terroristes sur le sol américain faisant des centaines de victimes, entraîne la loi martiale, cédant le pouvoir à un général fasciste sur New York. FBI et CIA s’affrontent, pendant que les poseurs de bombes sont prêts à tout pour faire libérer leur leader, lui-même formé par l’Agency. Oui évidemment, cela rappelle quelque chose ! Le film est passionnant parce qu’il adopte tous les points-de-vue, fait exister des personnages faillibles, hantés par leurs échecs, et montre à quoi pourrait ressembler une guerre juste avant l’an 2000. C’est extrêmement bien filmé et monté, la tension ne baisse jamais et les enjeux sont colossaux. En agent du FBI opiniâtre, Denzel Washington est égal à lui-même et incarne parfaitement l’Américain droit dans ses bottes. Annette Bening a le rôle le plus complexe, donc le plus accrocheur, en espionne aux sentiments ambigus et contradictoires. Seul Bruce Willis semble être une mauvaise idée de casting en général intransigeant, un rôle qui aurait nécessité davantage que ses éternelles mimiques. Un Ed Harris, par exemple. Tony Shalhoub est particulièrement remarquable en Libanais travaillant pour le FBI, mais pris dans la tourmente raciste. Parce qu’il appelle les choses par leur nom, mais qu’il plaide intelligemment pour le refus de l’amalgame (un discours encore une fois très en avance sur son temps), « COUVRE-FEU » n’a pas pris la moindre ride et plonge en immersion dans le monde qui commençait seulement à émerger et devait se révéler trois ans plus tard. Une œuvre lucide donc et intelligente, ce qui ne gâte rien.

SIEGE2

DEBZEL WASHINGTON, ANNETTE BENING ET BRUCE WILLIS