Écrit et réalisé par Jean-Luc Godard d’après le roman d’Alberto Moravia, « LE MÉPRIS » fait partie de ces films à part, pour lesquels toutes les planètes semblent s’être alignées. Il dégage une magie intemporelle, née de la fusion entre l’image (Raoul Coutard), la BO sublime (Georges Delerue), les paysages de l’Italie de Cinecittà à Capri et le charisme de Brigitte Bardot dans le rôle de sa vie.
Bâti en longues séquences dialoguées entrecoupées de travellings autour de statues antiques, le scénario suit le tournage d’une production américaine tournée à Rome par Fritz Lang. Le producteur (Jack Palance) déçu par les rushes engage un auteur français (Michel Piccoli) pour réécrire le scénario. Celui-ci est marié à une belle jeune femme indolente qui attire l’œil rapace du mogul. Lors d’une rencontre, celle-ci cesse subitement d’aimer son époux et même… à le mépriser. Parce qu’il l’a laissée sciemment entre les griffes de Palance pour décrocher le contrat ? Parce qu’elle le voit soudain tel qu’il est ? Faible, velléitaire, veule… « LE MÉPRIS » devient alors l’histoire d’un désamour, la rapide désagrégation d’un couple aimant. Dans des décors de rêve, on assiste, lors d’une très longue dispute domestique dans un appartement, aux ultimes soubresauts de cette relation. Et c’est cruel, réaliste, à la fois indéfinissable et définitif. Le film est parsemée de détails de couleur rouge-vif (la voiture et le pull de Palance, la serviette de bain, le canapé, etc.) qui annoncent finement l’inéluctable conclusion. Bardot accapare 80% de l’intérêt, voire de la fascination, dans ce rôle de petite dactylo affable basculant dans une fatale prise de conscience. Mais Piccoli – alors peu connu – est remarquable dans un personnage complexe et, au fond, assez minable. Palance crève l’écran en producer inculte, despotique et exalté face à Lang, vieillard chenu et bienveillant, ne s’exprimant qu’en citations érudites. « LE MÉPRIS » doit énormément à sa musique, qui transcende littéralement les images et il peut se voir, se revoir encore, avec le même bonheur de cinéma. À condition, bien sûr, d’être sensible à sa petite musique.