« LA MAIN GAUCHE DU SEIGNEUR » d’Edward Dmytryk ne fait certes pas partie des meilleurs films de Bogart et, bien que l’acteur n’ait que 55 ans, ont sent la fatigue de l’homme et son usure. Mais pour le fan, c’est l’unique occasion 1) de le voir en soutane 2) de l’entendre chanter en duo avec Gene Tierney 3) de l’écouter réciter un sermon en mandarin. Du pur ‘collector’, autrement dit !
Ce western chinois est loin d’être désagréable. D’abord parce que les extérieurs sont magnifiques, ensuite parce que le CinémaScope est très bien utilisé, ce qui n’était pas si fréquent à cette époque. Le scénario lui, avance tout doucement, il nous prive d’un climax qu’on attend pourtant depuis une bonne heure : quand le faux prêtre Humphrey Bogart se retrouve enfin face-à-face avec le seigneur de la guerre chinois qu’il a déserté, on s’attend à un règlement de compte à coups de poing, de flingue, de n’importe quoi. Mais pas du tout : les deux hommes s’expliquent… en jouant aux dés. C’est à la fois original et indéniablement désappointant. Bien sûr, connaissant l’archétype que Bogie a bâti pendant des années, on a du mal à croire à sa conversion subite. Certains moments comme sa prière à l’église sont même un peu embarrassants et sonnent terriblement faux. Mais l’acteur a gardé une bonne partie de son mordant, même s’il est gêné aux entournures par un rôle manifestement pas fait pour lui. À ses côtés, Gene Tierney est sous-employée, Agnes Moorehead amusante comme toujours en confidente à la langue bien pendue. Mais le bonus du film, c’est Lee J. Cobb, inénarrable dans le rôle du chef des bandits chinois ! Avec son faux crâne chauve, ses yeux bridés, son gros rire, il parvient à ne pas être ridicule, ce qui n’est pas – dans le contexte – un mince exploit. À voir donc, pour la beauté des paysages exotiques et pour l’esquisse du couple Tierney-Bogart, qu’on aurait aimé voir dans de plus adéquates circonstances. Mais c’est toujours mieux que rien !
À noter qu’une douzaine d’années plus tard, Henri Verneuil tournera « LA BATAILLE DE SAN SEBASTIAN » sur un scénario présentant de très nombreux points communs avec celui-ci.