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Archives de Catégorie: LES FILMS DE GENE HACKMAN

« CARNAGE » (1972)

« CARNAGE » de Michael Ritchie démarre sur les images d’un abattoir où un homme est (littéralement) haché menu puis transformé en chapelet de saucisses. La suite garde ce côté choquant et écœurant, qui devient la marque de fabrique du film et sa spécificité.

Pour clore son tryptique hard boiled entamé avec « À BOUT PORTANT » et « LE POINT DE NON-RETOUR », Lee Marvin incarne un hitman de Chicago chargé d’abattre un éleveur de Kansas City (Gene Hackman) qui fait du trafic de mineures qu’il vend comme du bétail. Un point de départ radical qui tourne court assez vite par la faute d’un scénario mal construit, sans enjeu véritable, qui se traîne pendant une bonne demi-heure avant de se réveiller vers la fin pour un showdown bien sanglant et truffé d’images-choc (la poursuite avec la moissonneuse, la fusillade dans le champ de tournesols). Tourné juste après « FRENCH CONNECTION » qui n’était pas encore sorti, le film offre un rôle épisodique à Hackman de grosse brute taurine, amateur de tripes frites baignant dans la graisse. Le face à face avec Marvin est donc frustrant et n’a rien du duel de géants promis par l’affiche. Le grand Lee traverse le film dans son beau costume, avec un calme olympien. C’est toujours un plaisir de le voir manier les armes lourdes et arborer son demi-sourire narquois. Il forme un couple étrange mais intéressant avec Sissy Spacek jouant une orpheline qu’il sauve du marché aux esclaves. Les seconds rôles n’ont rien d’exceptionnel mais remplissent bien leur office. À noter la présence au début du film, dans un rôle de gangster, d’Eddie Egan, l’ex-flic dont Hackman venait de tenir le rôle dans « FRENCH CONNECTION » ! « CARNAGE » avait tout pour plaire, mais Ritchie manque de punch, de sens du cadre et d’humour noir pour en faire un classique de la série B seventies. Cela reste plaisant grâce à Marvin, encore dans sa grande période, qui vaut à lui seul le déplacement.

À noter : la longue séquence de poursuite dans les champs annonce très nettement celle du film d’Yves Boisset : « CANICULE », où Marvin revivait la même situation.

LEE MARVIN, ANGEL TOMPKINS, SISSY SPACEK ET GENE HACKMAN
 

« BONNIE ET CLYDE » (1967)

« BONNIE ET CLYDE » d’Arthur Penn, inspiré de faits réels, a ouvert des portes dans le cinéma U.S., transformé la violence au cinéma (impacts de balles, ralentis, avant Peckinpah) et a été très longtemps plagié. Pas étonnant donc, qu’il ait aujourd’hui sévèrement vieilli et que ses défauts ressortent davantage que ses qualités.

Le parcours suicidaire d’un couple de braqueurs de banques dans les années 30 part d’un scénario éclaté et sans colonne vertébrale. Penn mélange les styles (comique dans la séquence avec Gene Wilder, onirique pendant la visite de Bonnie chez sa mère) et s’efforce de mythifier ses « héros ». Si Warren Beatty et Faye Dunaway ont fait une grande partie le succès du film, ce choix de casting est un contre-sens absolu : pourquoi choisir deux gravures de mode pour jouer des « hillbillies » au visage ingrat, tels qu’ils étaient dans la réalité ? À fond dans la « Méthode », l’irritant Beatty en fait des tonnes et rappelle Paul Newman dans « LE GAUCHER » du même Penn. Plus sobre, Dunaway ne joue que sur une seule tonalité maussade. Ils sont éclipsés par les seconds rôles, tous exceptionnels : Michael J. Pollard en acolyte poupin et admiratif, Gene Hackman en frangin pas très malin et surtout Estelle Parsons magnifique en épouse de celui-ci, nunuche bête à pleurer, à la voix stridente. On imagine sans peine le choc qu’a dû produire « BONNIE ET CLYDE » à sa sortie, il y a 55 ans. Hélas, la magie, la surprise, se sont évaporées pour laisser place à un film poussif, qui donne l’impression de tourner en rond, de n’aller nulle part et de nous forcer à suivre les pérégrinations d’une bande d’imbéciles dangereux et irresponsables dans une Amérique en décomposition. Le film a, bien sûr, ses moments, tout comme la photo de Burnett Guffey, mais dans ce genre de biopic gangstérien, on a fait tout de même mieux avant et… depuis.

FAYE DUNAWAY, MICHAEL J. POLLARD, WARREN BEATTY, GENE HACKMAN, DENVER PYLE, EVANS EVANS ET GENE WILDER
 

« LES PLEINS POUVOIRS » (1997)

Écrit par William Goldman d’après un roman, réalisé par Clint Eastwood, « LES PLEINS POUVOIRS » avait tous les atouts pour devenir un thriller politique âpre et sinueux, d’autant qu’il était doté d’une distribution en or massif. À l’arrivée, et même si le film n’est pas sans mérite, on a la sensation d’avoir été lésé.

Un cambrioleur assiste à un meurtre sordide impliquant le président des U.S.A. (Gene Hackman) et se retrouve traqué par la police, les services secrets et un tueur à gages (Richard Jenkins) engagé par le vieil époux (E.G. Marshall) de la victime. Le film dure deux heures, il prend son temps, mais demeure en surface, paraît naïf et approximatif par moments dans son déroulement « policier » et s’avère bien léger pour un scénario du grand Goldman. Bien sûr, ce n’est pas déplaisant, mais c’est simpliste, illogique, les ellipses sont rudes et les relations entre personnages caricaturales à souhait. Reste le bonheur de revoir des acteurs qu’on aime en pleine force de l’âge : Eastwood d’abord, ultra-cool en monte-en-l’air Fregoli au charme flegmatique, très bien entouré par Ed Harris en flic souriant, Scott Glenn en bodyguard présidentiel bourrelé de remords, Hackman veule et pleutre en président bien glauque, Laura Linney en fille de Clint. Mais c’est la toujours surprenante Judy Davis qui hérite du rôle le plus juteux : celui du bras-droit présidentiel, une harpie hystérique qu’elle joue à l’extrême limite de la comédie. Elle ne passe pas inaperçue ! « LES PLEINS POUVOIRS » laisse la sensation d’un travail inachevé, bâclé par moments (un reproche qu’on a souvent fait au réalisateur Eastwood, concernant ses œuvres les plus mineures), jamais vraisemblable, maintenu à flot par quelques morceaux de bravoure réussis et une brochette de comédiens vraiment exceptionnelle.

CLINT EASTWOOD, GENE HACKMAN, JUDY DAVIS, ED HARRIS ET SCOTT GLENN
 

« LES PARACHUTISTES ARRIVENT » (1969)

« LES PARACHUTISTES ARRIVENT » inspiré d’un roman de James Drought, est le dernier des cinq films que John Frankenheimer tourna avec Burt Lancaster en tête d’affiche et c’est une plutôt belle sortie de scène pour le tandem.

Cette tranche d’Americana décrit le quotidien d’un trio de parachutistes acrobatiques présentant des spectacles de ville en ville, menant une vie de nomades sans attaches. L’un (Lancaster) atteindra bientôt l’âge limite, l’autre (Gene Hackman) est l’organisateur, le comptable, le troisième (Scott Wilson) est le jeunot. Ils s’arrêtent dans la ville natale de ce dernier, où les attend la tragédie et la fin de leur mode de vie. C’est un film réaliste, terriblement pessimiste, sans aucun artifice hollywoodien. La province est sinistre, triste à mourir, les aventures d’un soir sont déprimantes. Alors qu’il disparaît bien avant la fin, le personnage de Lancaster est le plus fascinant : discret et peu bavard, il se sent vieillir et semble habité d’un « death wish » qui rien ne saura dissiper. Il retrouve Deborah Kerr, sorte de Mme Bovary mal mariée, après « TANT QU’IL Y AURA DES HOMMES » et leur scène d’amour sera étonnamment plus déshabillée, mais moins glamour que la précédente. Hackman est remarquable en « beauf » sympathique, Wilson parfait. Parmi les seconds rôles, on retient Sheree North en strip-teaseuse sans illusion et sachant se contenter de peu et Bonnie Bedelia en étudiante compatissante. William Windom compose un bien trouble cocu complaisant. Les cadrages dynamiques coutumiers du réalisateur font merveille, la direction d’acteurs et sans faille, d’une finesse inouïe et les séquences de cascades aériennes font de l’effet même si elles sont un peu longuettes à l’arrivée. À voir donc, ce beau film triste, ancré dans une réalité peu reluisante, rarement montrée dans le cinéma U.S. Et puis… pour le grand Burt, cela va sans dire.

BURT LANCASTER, DEBORAH KERR, SHEREE NORTH, BONNIE BEDELIA ET GENE HACKMAN
 

« FRENCH CONNECTION II » (1975)

Tourné à Marseille, cinq ans après le chef-d’œuvre de William Friedkin, « FRENCH CONNECTION II » de John Frankenheimer a toujours été sous-évalué parce qu’automatiquement comparé à l’original. C’est pourtant une sequel qui ne démérite pas et certainement un des meilleurs films du réalisateur, qui délaisse ici ses effets de style habituels et ses cadrages trop voyants, pour un réalisme âpre.

Envoyé dans la cité phocéenne pour débusquer « Frog One » qui lui avait échappé à New York quatre ans plus tôt, Gene Hackman se retrouve isolé, déraciné, malmené par ses collègues français et finalement kidnappé par Fernando Rey qui le bourre d’héroïne jusqu’à en faire un junkie. Aidé par le flic Bernard Fresson, « Popeye » va remonter la pente et se venger. Un scénario simplissime, mais des personnages formidables, des décors inédits et des séquences d’action d’anthologie, comme l’inondation des cales d’un paquebot, la poursuite finale sur les quais et le sevrage « à la dure » de notre héros en pleine déchéance. Le film comporte quelques longueurs pas très dommageables, mais les face à face entre Hackman et Fresson, qui joue jeu égal avec l’Américain, ce qui n’est pas un mince exploit, sont magnifiques. De vraies leçons de comédie. Rey est assez inquiétant dans un registre moins sophistiqué que dans le n°1, les seconds rôles hexagonaux comme Philippe Léotard sont très bien exploités. On aperçoit Ed Lauter en général U.S. complice du narcotrafiquant. Mais, évidemment, la vraie raison d’être du film, c’est le retour d’Hackman dans le rôle de sa vie. Avec son petit chapeau ringard, sa chemise hawaïenne et son air hargneux, il renfile la défroque de Doyle comme s’il ne l’avait jamais quittée. Le long passage où il est drogué pendant plusieurs semaines dans un hôtel pouilleux est probablement ce qu’il a fait de meilleur dans sa vie. On n’oubliera pas sa rencontre avec une vieille Anglaise (Cathleen Nesbitt) droguée jusqu’à l’os, les mains déformées par l’arthrose. « FRENCH CONNECTION II » a admirablement bien vieilli grâce au dynamisme de la mise-en-scène. Le genre de film où toutes les planètes étaient alignées.

GENE HACKMAN, ED LAUTER, FERNANDO REY ET BERNARD FRESSON
 

« IMPITOYABLE » (1992)

ANNA THOMSON ET CLINT EASTWOOD

« IMPITOYABLE » est le 18ᵉ film réalisé par Clint Eastwood et probablement son chef-d’œuvre à égalité avec « CHASSEUR BLANC, CŒUR NOIR ». C’est un western qui, prenant le relais de Sergio Leone et Sam Peckinpah, transcende le genre tout en le clôturant.

Le scénario de David Webb Peoples s’efforce de montrer l’Ouest tel qu’il était : ni légendaire, ni héroïque, ni baroque. Juste boueux, sordide et violent, à l’image de ces prostituées traitées comme du bétail, charcutées au couteau par des ivrognes, ces pistoleros mythomanes, ces tueurs sanguinaires qui ont oublié leur passé parce qu’ils étaient constamment ivres-morts. L’anecdote ? Après qu’une des leurs ait été mutilée par un cowboy, des « entraîneuses » offrent une prime pour abattre le voyou et son acolyte. Un jeune homme myope comme une taupe (Jaimz Woolvett) embauche deux ex-desperados (Eastwood et Morgan Freeman) devenus fermiers, pour l’épauler et toucher les 1000 $. Dès sa première apparition, grisonnant, décharné, rampant dans la gadoue, Clint tient à montrer qu’il n’est plus « L’homme sans nom ». Il ne sait plus monter à cheval, n’arrive plus à tirer, se ridiculise devant ses enfants. L’improbable trio parvient dans la ville du shérif Gene Hackman, d’où tout est parti. Refusant obstinément toute glorification de la violence, « IMPITOYABLE » explose la saga du Far-West à travers le personnage d’un écrivain (Saul Rubinek) suivant comme une groupie les légendes de l’Ouest qu’il contribue à mythifier, quand bien même ce ne sont que des brutes sanguinaires et imbibées de mauvais whisky. Hackman lui-même n’est qu’un sadique étoilé sûr de son bon droit, pire encore que les hors-la-loi qu’il aime massacrer à coups de bottes. La réalisation, fluide et sans effet, d’Eastwood est parfaitement calibrée, la photo (Jack N. Green) est belle sans esthétisme superflu et le final apocalyptique ne cède pas au grand spectacle. Quelques répliques restent en mémoire (« Innocent de quoi ? », « Ça nous pendait au nez à tous, petit ») et la distribution achève de faire du film un classique : Anna Thomson au visage tailladé, bouleversante, Frances Fisher, Anthony James en immonde patron du bordel, Freeman bien sûr, impérial et Richard Harris en gunman grandiloquent humilié par Hackman dans une scène d’une violence inouïe. À voir et revoir donc, ce film dur et âpre, qui règle ses comptes avec un genre tout entier dont Eastwood fut pourtant un des piliers. Magnifique !

CLINT EASTWOOD, ALINE LEVASSEUR, SHANE MEIER, MORGAN FREEMAN ET GENE HACKMAN
 

« CONVERSATION SECRÈTE » (1974)

TERI GARR ET GENE HACKMAN

Écrit et réalisé par Francis Coppola entre les deux premiers « PARRAIN », « CONVERSATION SECRÈTE » aurait pratiquement pu être tourné par Alan J. Pakula tant il s’intègre dans cette mouvance paranoïaque de l’Amérique des seventies.

Le héros n’en est pas un. C’est un spécialiste des écoutes, un espion free lance, hanté par le souvenir d’un triple meurtre consécutif à ses enregistrements. Aussi quand on lui demande de suivre un jeune couple, il suspecte que quelque chose de terrible pourrait leur arriver à leur tour. Lent et froid, tourné dans des décors naturels immenses et sans vie, le film immerge dans l’esprit tourmenté de cet homme sans identité en dehors de son activité professionnelle, sans amis, sans femmes qu’il sache retenir. C’est un des grands rôles de Gene Hackman alors dans la plus belle partie de sa longue carrière. Avec son physique de M. Tout le monde, ses vêtements passe-murailles, il incarne Harry Caul comme s’il n’était qu’une pièce de son propre équipement. Dire qu’on s’attache à lui serait beaucoup dire, mais on finit par le comprendre, et à le suivre jusqu’au dénouement en forme de twist qui le dévastera une bonne fois pour toutes. Coppola donne la priorité à la bande-son, mélange les bruits de ville, les bandes magnétiques, les voix intérieures. Le film devient rapidement suffocant et constitue une des vraies réussites de l’auteur. Autour d’un Hackman omniprésent : John Cazale excelle en collègue inopérant, Harrison Ford intrigue en bureaucrate au calme glacial. On voit aussi Teri Garr en copine lassée par les silences de Caul et Elizabeth MacRae remarquable en prostituée chaleureuse à la douceur trompeuse. On aperçoit également Robert Duvall dans un caméo, jouant le PDG peu avenant, commanditaire des enregistrements. « CONVERSATION SECRÈTE » suinte l’insécurité, la peur des autres, la confiance évaporée, c’est une œuvre compacte et sans échappatoire, encore tout à fait valide à revisiter de nos jours.

JOHN CAZALE, GENE HACKMAN, HARRISON FORD ET ROBERT DUVALL
 

« LE GRAND DÉFI » (1986)

GENE HACKMAN

Signé par le réalisateur de TV David Anspaugh, « LE GRAND DÉFI » est ce qu’on appelle un « film de sport », véritable genre aux U.S.A. généralement consacré au base-ball ou au football (américain, bien sûr). Ici, il s’agit de basket et nous sommes en 1951 au sein du collège d’un bled paumé du Midwest.

Au bout du rouleau, l’ex-marin Gene Hackman est nommé coach de l’équipe locale par un vieil ami (Sheb Wooley) et rencontre l’hostilité immédiate d’à peu près tout le monde. On connaît par cœur le schéma de ces films : le solitaire irréductible aux méthodes personnelles, que la population et ses propres basketteurs raillent et méprisent, la collègue (Barbara Hershey) qui le hait au premier regard, les pétitions pour le virer du collège, etc. Et puis… les premières victoires, l’estime naissante, l’opiniâtreté qui finit par payer et même… Barbara qui finit par lui tomber dans les bras. On nage dans le cliché le plus pur, sans que rien ne vienne gripper cette mécanique si bien rodée. Pourtant, ce n’est pas un spectacle désagréable. D’abord parce que Hackman est un sacré comédien. S’il abuse un peu de ses petits rires nerveux, une de ses marques de fabrique, il parvient à créer un personnage humain, crédible et évolutif avec un métier consommé. Il est très bien entouré par Dennis Hopper en ex-champion local, devenu un poivrot invétéré en quête de rédemption, Chelcie Ross parfait en jaloux pernicieux. Tous les jeunes formant l’équipe sont excellents. Ce qui frappe le plus dans « LE GRAND DÉFI », ce ne sont paradoxalement pas les scènes sportives, mais la description minutieuse de la vie rurale dans l’Amérique de l’après-guerre et des mentalités jamais caricaturées. C’est, malgré son classicisme à toute épreuve, et l’impression qu’il appartient à une autre époque de Hollywood, une œuvre tout à fait estimable, qui exploite intelligemment tout ce qui faisait la singularité et le charisme de Gene Hackman.

BARBARA HERSHEY, DENNIS HOPPER ET GENE HACKMAN
 

« GERONIMO » (1993)

WES STUDI

Écrit par John Milius, réalisé par Walter Hill (une association qui semblait inévitable), « GERONIMO » relate les derniers mois de la nation Apache Chiricahua et la dérisoire rébellion du chef Geronimo avant un humiliant exil en Floride.

Narré à travers le récit en voix « off » d’une jeune recrue de l’U.S.-Cavalry témoin et acteur des événements, le film dramatise des faits réels sans emphase ni fantaisie et appelle les choses par leur nom. Le péché originel de l’Amérique est décrit froidement, lucidement, sans discours angélique pour autant. Mais l’homme blanc, le « white eye » n’en sort certainement pas grandi. Esthétiquement, c’est une des plus belles réussites de Hill, malgré quelques coquetteries bien peu nécessaires (ces affreux filtres rouges très à la mode dans les années 90 ou ces inserts redondants en noir & blanc) et son film – qui s’est étonnamment bonifié avec les années – est ample, noble et infiniment triste. Dans le rôle-titre, Wes Studi est magnifique, presque minéral, en guerrier écrabouillé par la marche de l’Histoire. Un gros-plan de son visage extraordinaire vaut tous les pamphlets. Et voir Geronimo enfin incarné par un véritable Native change immédiatement la donne. Jason Patric est excellent en officier sincère et idéaliste et Matt Damon parfait en naïf qui perd ses illusions une à une. Robert Duvall est superbe en scout usé jusqu’à la corde mais encore combatif. Il tient le même rôle que John McIntire dans « BRONCO APACHE » en 1954. Et puis le plaisir de revoir Gene Hackman en général tiraillé entre son devoir et son cœur. Un beau cast d’ensemble qu’on sent réellement investi. À peine pourra-t-on regretter que le scénario « oublie » Geronimo pendant de trop longues minutes, ce qui éparpille un peu l’intérêt. Mais « GERONIMO » est une belle leçon d’Histoire, bien plus qu’un western d’ailleurs, qui rappelle que les Indiens n’étaient pas de simples sauvages bons à éradiquer à la Winchester. Beau film.

MATT DAMON, JASON PATRIC, ROBERT DUVALL ET GENE HACKMAN

 

« FRANKENSTEIN JUNIOR » (1974)

MARTY FELDMAN

Il fallait que Mel Brooks et son coscénariste Gene Wilder aiment énormément les films Universal de Frankenstein, pour en réussir en équilibristes de l’humour et avec une telle maestria, un hommage/pastiche aussi irrespectueux, admiratif et iconoclaste, frisant souvent le mauvais goût tout en respectant l’œuvre d’origine.

Tourné dans un noir & blanc qu’on croit ressuscité des années 30, scénarisé avec soin, surtout pour une parodie aussi débridée, « FRANKENSTEIN JUNIOR » est et demeure un film délectable, hilarant et picturalement maîtrisé à 100%. C’est le chef-d’œuvre de Brooks, qui fera d’autres tentatives de ce genre par la suite, sans jamais retrouver cet état de grâce. Les gags visuels, les apartés-caméra, l’humour à répétition, les auteurs ne se privent de rien pour arriver à leur but : faire rire tout en laissant le spectateur nostalgique d’un certain cinéma. Côté distribution, c’est un feu d’artifices : Wilder a un timing parfait en descendant d’abord honteux puis hystérique de Frankenstein, Marty Feldman est extraordinaire en Igor à la bosse baladeuse, faisant office de parasite irrésistible dans la plupart des plans, Teri Garr est charmante en servante coquine, Peter Boyle grandiose en « monstre » à l’énorme schwanstucker et Madeline Kahn fait des étincelles en mondaine découvrant le doux mystère de la vie. Gene Hackman a un caméo formidable en vieil ermite aveugle plus que maladroit. Une mention à Cloris Leachman, récemment disparue, en vieille gouvernante inquiétante dont le seul nom (« Frau Blücher ») fait hennir d’effroi les chevaux. Même à distance ! Difficile d’expliquer l’incessant bonheur que procure « FRANKENSTEIN JUNIOR », tant il tient à une harmonie parfaite de la somme de ses éléments. C’est une œuvre à part entière, l’égal des films de James Whale et consorts, à voir et revoir régulièrement pour se remonter le moral si besoin.

GENE WILDER, MADELINE KAHN, PETER BOYLE ET CLORIS LEACHMAN