RSS

Archives de Catégorie: LES FILMS D’ALAIN DELON

« QUELLE JOIE DE VIVRE » (1961)

« QUELLE JOIE DE VIVRE » est le second des quatre films que René Clément tourna avec Alain Delon. Et il s’avère aussi peu connu qu’il est incongru dans la filmo des deux hommes. C’est une copro italo-française, mais 100% reliée à l’Histoire de l’Italie, puisqu’il décrit la lutte, en 1922, entre les fascistes, bientôt au pouvoir, et les anarchistes.

Contre toute attente, c’est une comédie, elle dure deux heures et désarçonne du début à la fin. Par amour pour une jolie fille (Barbara Lass), le naïf et fougueux Delon s’immisce dans une famille d’imprimeurs anarchistes qu’il était censé trahir, mais à laquelle il s’attache. Le reste est un véritable vaudeville avec ses quiproquos, ses malentendus, ses énormes ficelles. Le comique n’a jamais convenu à Delon qui s’agite beaucoup, fait des mines et joue les timides, face à de vieux routiers italiens comme Gino Cervi en patriarche bonhomme, Paolo Stoppa en infâme barbier délateur et dans de petits rôles : Ugo Tognazzi barbu, en poseur de bombes au langage inintelligible et Gastone Moschin en prêtre. On reconnaît même Clément lui-même en général français dans quelques plans. La jeune Miss Lass est bien mignonne et joue parfaitement les oies blanches facilement grugée par Delon qui se fait passer pour un leader anarchiste légendaire. La comédie est forcée de bout en bout – après tout, le sujet ne prête pas spécialement à rire – et le ton oscille entre la pantalonnade désordonnée et le (discret) pamphlet antifasciste. On se demande vraiment ce qui a pu attirer Clément dans un tel projet, complètement à part du reste de sa carrière et s’achevant dans une avalanche de gags ridicules autour de bombes laissées au milieu de la foule. Qui a bien pu trouver ça drôle ? Même à l’époque…

ALAIN DELON, BARBARA LASS, GINO CERVI, AROLDO TIERI, UGO TOGNAZZI ET CARLO PISACANE
 
Image

AUJOURD’HUI, IL A 88 ANS…

 

« CHRISTINE » (1958)

ROMY SCHNEIDER

Écrit et réalisé par Pierre Gaspard-Huit, d’après un roman d’Arthur Schnitzler, « CHRISTINE » est le 3ème film d’Alain Delon et marque sa rencontre avec la jeune star Romy Schneider. Ceci pour la petite histoire. Pour le reste, c’est un mélo poussiéreux aux décors de bonbonnière, situé en 1906 à Vienne.

Delon, séduisant officier, a pour maîtresse Micheline Presle une femme mariée à un vieux baron qu’elle cocufie allègrement. La jeune homme rencontre Romy, une virginale chanteuse, dont il tombe amoureux. Après moult chassés-croisés, l’affaire se résoudra tragiquement lors d’un duel suivi d’un suicide. Si le début évoque irrésistiblement les pâtisseries germaniques qui firent la gloire de la jeune comédienne, la suite s’assombrit progressivement sans que la réalisation change de style. « CHRISTINE » est mièvre, parfois ridicule, et si on parvient – difficilement – à rester jusqu’au bout, c’est pour voir ce « couple mythique du 7ème Art » (comme on dit) encore juvénile et balbutiant. Elle fraîche et au jeu appliqué, lui encore gauche et la voix mal posée. Mais ils forment effectivement un joli couple de jouvenceaux. Autour d’eux, Jean-Claude Brialy cabotine sans retenue en meilleur copain efféminé mais doté d’une fiancée, Presle est très bien en « couguar » venimeuse et François Chaumette apparaît en rival délateur. On ne sait trop que dire sur ce film d’un autre âge, pierre blanche de la carrière de Delon qui s’installait déjà comme tête d’affiche et jeune premier idéal des années 60. En tant que pièce de musée désuète, « CHRISTINE » vaut le coup d’œil, mais principalement pour les fans du jeune couple et les amateurs de l’œuvre de Schnitzler. Autrement, on peut largement s’en passer !

ALAIN DELON ET MICHELINE PRESLE
 

« BIG GUNS – LES GRANDS FUSILS » (1973)

« BIG GUNS – LES GRANDS FUSILS » de Duccio Tessari est une co-production franco-italienne, une série B mafieuse tournée à Milan et Copenhague qui détone un peu dans la filmo alors florissante d’Alain Delon.

Le scénario – la vengeance d’un tueur contre ses patrons qui ont causé la mort de sa famille – a été vu mille fois et c’est généralement des vedettes locales comme Franco Nero ou Maurizio Merli qui écopaient du rôle principal. Évidemment, la présence d’un Delon surqualifié suscite la curiosité, ainsi qu’une distribution internationale très cossue. Mais il ne faut pas s’attendre à des miracles. L’histoire laisse rapidement la place à des poursuites en voiture interminables, des exécutions sanglantes, des scènes de torture complaisantes (les femmes, et tout particulièrement Carla Gravina, en prennent pour leur grade !) et Delon, sorte de fantôme de son propre samouraï, déambule l’air étrangement lointain, sans même froncer les sourcils. Les scènes dont il est absent – et elles sont étonnamment nombreuses – sont pénibles et pesantes. Les vétérans Richard Conte, Anton Diffring, Umberto Orsini et… Roger Hanin, ne peuvent pas faire grand-chose de leurs rôles de caïds et arracher leurs interventions à l’ennui ni à la redondance. Quelques moments surnagent, çà et là, comme ceux où Delon retrouve ses parents dans son village natal, comme la toute fin à l’église, sèche, brutale, inattendue, confirmant que « un traître, c’est toujours un ami ». « BIG GUNS » n’a pas bien passé l’épreuve des années. La photo et la BO sont d’une égale laideur et le film s’étire sur 112 minutes (dans sa version internationale chroniquée ici) donnant envie d’en ôter au moins 30. Vraiment curieux donc, que Delon ait prêté son nom et qu’il ait même produit ce petit polar incolore qui n’apporte rien à sa gloire.

À noter : c’est un des cinq tueurs à gages que l’acteur ait incarnés dans sa carrière. Il en jouait un tout jeune dans son premier film : « QUAND LA FEMME S’EN MÊLE », ensuite il y eut « LE SAMOURAÏ », « BIG GUNS », « SCORPIO » et enfin « LE CHOC ».

CARLA GRAVINA, ALAIN DELON, CARLA CIAÒ, RICHARD CONTE, UMBERTO ORSINI ET ERIKA BLANC
 
Image

AUJOURD’HUI, IL A 87 ANS…

 

« LE TOUBIB » (1979)

ALAIN DELON

Adapté d’un roman de Jean Freustié par le souvent fiable Pierre Granier-Deferre, « LE TOUBIB » est un exemple rare de film d’anticipation au cœur du cinéma français. En fait, il se situe dans le futur (1983 !), pendant… la 3ᵉ guerre mondiale !

On ne sait pas trop ce qui cloche dans ce projet, fabriqué par de bons professionnels, joué par une distribution impeccable, mais en fait, c’est très simple : dès les premières images, dès les premières répliques, beaucoup trop littéraires, relatant le conflit… on n’y croit pas. Pas une seconde. Il est vrai que l’image est plate, le décor de l’unité médicale de la Croix Rouge, où se déroule l’essentiel de l’action, peu crédible et que le tout a quelque chose de naïf dans son message anti-guerre qui enfonce des portes ouvertes. Le rôle d’Alain Delon est un mix de son médecin militaire blasé de « ADIEU L’AMI » et de son homme blessé dépressif du « PROFESSEUR ». L’acteur delonise à fond, occupe l’espace avec son métier habituel, mais semble parfois à la dérive. Il est bien entouré par Bernard Giraudeau en comic relief sympathique, Jean-Pierre Bacri en anesthésiste, Catherine Lachens amusante en cantinière truculente ou Michel Auclair en « patron » qui s’écoute parler. La jeune Véronique Jannot s’en sort plutôt bien, même si son couple avec Delon est très déséquilibré à tous points de vue. Çà et là, quelques scènes surnagent (la grotte pleine de cadavres calcinés a même des faux-airs de film d’horreur), mais « LE TOUBIB » n’ose jamais plonger franchement les mains dans le sang et les tripes ni aller jusqu’au bout du cynisme à la façon d’un « M*A*S*H* ». La réalisation demeure proprette, sans images trop choquantes et l’histoire d’amour prend trop de place. On sent par ailleurs que le réalisateur adore filmer les véhicules de l’armée mis à sa disposition, qu’ils soient aériens, terrestres ou même amphibies. Cela aussi est chronophage et présente peu d’intérêt. C’est toutefois une tentative méritoire qui sort des sentiers battus sans aboutir hélas, à un résultat très probant.

VÉRONIQUE JANNOT, ALAIN DELON ET JEAN-PIERRE BACRI
 

« L’HOMME PRESSÉ » (1977)

Le roman « L’HOMME PRESSÉ » a beau avoir été écrit par Paul Morand en 1941, l’adaptateur a beau être, lui aussi, un Académicien, le film qu’en a tiré Édouard Molinaro – on l’a beaucoup dit et c’est vrai – ressemble surtout à une retranscription à peine transposée de la personnalité survoltée de son producteur et interprète : Alain Delon.

Le scénario colle à ce personnage de marchand d’art constamment à cran, entre deux avions, deux ventes, qui ne prend le temps de rien et entraîne ses proches dans sa course folle. L’histoire en elle-même n’a pas grande importance, seule compte l’étude de caractère et surtout la fusion consentie de l’acteur avec son rôle. Si on est fasciné par Delon, ce personnage peut apparaître comme l’aboutissement de son style de jeu cassant, impérieux, perpétuellement en mouvement. On peut tout de même trouver qu’il sourit un peu trop, ce qui n’a jamais été son fort, mais force est de reconnaître qu’il a des moments exceptionnels, comme ce gros-plan à la toute fin, pendu à son téléphone et l’expression changeante de son visage lors de l’aller-retour assez cocasse en Afrique. À ses côtés, la présence de Mireille Darc, égale à elle-même, ajoute évidemment à la confusion entre fiction et réalité. Michel Duchaussoy est excellent en secrétaire loyal et malin, parfait contrepoids à la frénésie delonienne. On retrouve avec plaisir des seconds rôles d’époque comme André Falcon, Marco Perrin, Christian Barbier ou Billy Kearns que Delon tuait dans « PLEIN SOLEIL ». « L’HOMME PRESSÉ » manque d’arrière-plan social ou personnel, la focalisation abusive sur Delon finit par lui nuire, au même titre que la photo tristounette. Mais c’est à voir pour le complétiste de l’acteur qui avance ici à visage découvert.

ALAIN DELON ET MICHEL DUCHAUSSOY
 

DELON/BELMONDO DANS : « LA BELLE ET LES GANGSTERS » !

Quel est ce film totalement inconnu où un Alain Delon moustachu semble se confronter à Jean-Paul Belmondo pour les beaux yeux d’une pin-up blonde ?

Le film sort bientôt en DVD en Allemagne, heureusement sous son titre français correctement traduit : « SOIS BELLE ET TAIS-TOI », petit polar anodin des années 50, où les deux stars des seventies n’avaient que de petits rôles de délinquants juvéniles et surtout, affichent facilement quinze ans de moins ! Les véritables vedettes du film sont complètement oubliées par cette jaquette décomplexée, même le nom de la pin-up (Mylène Demongeot) n’est pas mentionné ! Quant à la « tagline » : « La belle et les gangsters », elle prend également des libertés avec le contenu de l’œuvre.

 

« PARIS BRÛLE-T-IL ? » (1966)

PHILIPPE MARCH, JEAN-PAUL BELMONDO, MARIE VERSINI, PIERRE DUX ET ALAIN DELON

Tourné seulement 20 ans après la libération de Paris, par René Clément, « PARIS BRÛLE-T-IL ? », inspiré d’un roman français est une énorme production internationale, au casting pharaonique, écrite par Gore Vidal et un jeune Francis Ford Coppola.

Construit en mosaïque, allant d’un groupe d’individus à l’autre (et il y en a beaucoup, des groupes !), qu’il s’agisse de résistants, de soldats alliés ou d’occupants allemands. Le choix de ne prendre que des stars ou des visages connus pour tenir la multitude de rôles, aide certes à ne pas s’y perdre, mais force est de reconnaître que la crédibilité en prend un coup. Au milieu des images d’archives, des séquences de fusillades, on voit subitement débarquer Alain Delon, Jean-Paul Belmondo, Yves Montand et Simone Signoret, etc. Sans compter les « ricains » complètement incongrus comme Kirk Douglas qui ne fait aucun effort pour ressembler au général Patton, Glenn Ford, Robert Stack, Anthony Perkins ou Orson Welles, le seul à avoir un personnage à peu près développé. Une sorte de continuité narrative est maintenue à travers Pierre Vaneck, Gert Fröbe et surtout Bruno Cremer formidable d’autorité en colonel Rol Tanguy. Mais qui a eu l’idée bizarre de donner deux rôles différents à Claude Rich, dont le général Leclerc ? Le film est beaucoup trop long, très inégal, et on passe plus de temps à dénombrer les stars (tiens ! Piccoli avec une perruque, oh ! Trintignant en infâme collabo ! Mais ce n’est pas Patrick Dewaere en figurant, là ?) qu’à bien assimiler les tenants et aboutissants de l’événement historique décrit pourtant par le menu. Le film est littéralement porté, transcendé par l’exceptionnelle BO de Maurice Jarre qui lui insuffle des bouffées d’un lyrisme libérateur et par plusieurs séquences d’affrontements dans les rues désertes de Paris, extrêmement bien mises en scène. Cela ne fait tout de même pas un ensemble très homogène, car le film oscille entre la superproduction à la « JOUR LE PLUS LONG » et la reconstitution historique rigoureuse façon « LA BATAILLE DU RAIL », du même Clément. À tenter assurément, mais le temps paraît parfois très long.

KIRK DOUGLAS, BERNARD FRESSON, BRUNO CREMER ET YVES MONTAND

 

« LE DIABLE ET LES DIX COMMANDEMENTS » (1962)

Julien Duvivier a débuté sa carrière de réalisateur au temps du Muet, a réalisé quelques-uns des plus beaux fleurons du cinéma français d’avant-guerre et encore plusieurs chefs-d’œuvre lors des décennies suivantes. Aussi serait-on tenté de considérer « LE DIABLE ET LES DIX COMMANDEMENTS » comme un faux-pas fâcheux et de l’oublier définitivement. Nobody’s perfect.

C’est un film à sketches avec comme fil rouge le Diable (représenté par un pauvre serpent maigrichon à la voix « off » exaspérante), montrant son pouvoir sur les faibles femmes et hommes. Et… c’est un échec sur toute la ligne ! Malgré un générique éblouissant, les plumes habituellement acérées de Henri Jeanson et Michel Audiard (entre autres), rien ne fonctionne. Les historiettes toutes empreintes de misogynie, s’enchaînent dans une uniforme médiocrité. Que retenir vraiment ? Des bribes çà et là : Alain Delon apprenant que sa vraie mère est une actrice (Danielle Darrieux) frivole et idiote, Louis De Funès plus grimaçant que jamais en braqueur de banques, Charles Aznavour en prêtre voulant venger sa sœur prostituée par un Lino Ventura méchant comme une teigne. À la rigueur… Mais il faut encaisser le cabotinage désinhibé  de Michel Simon en roue-libre, Fernandel dans le rôle de… Dieu (ou presque) jouant du sous-Giono. On notera les minuscules apparitions de Mireille Darc ou Claude Piéplu, Jean Carmet en clochard. C’est un véritable défilé ! Mais pourquoi ? On ne sourit jamais, tous les segments semblent plus interminables les uns que les autres et on ne retrouve jamais le sens du cadrage si personnel de Duvivier qui semble très mal à l’aise avec le format Scope. Quand on a signé « LA FIN DU JOUR », « LA BANDERA » ou « VOICI LE TEMPS DES ASSASSINS », il est certain qu’on a le droit de se vautrer de temps en temps. La fin de carrière de Duvivier n’a aucune commune mesure avec ses grandes années, aussi tirera-t-on un voile pudique sur ce « DIABLE… » bien lamentable.

LINO VENTURA, CHARLES AZNAVOUR, LOUIS DE FUNÈS, JEAN-CLAUDE BRIALY, ALAIN DELON ET DANIELLE DARRIEUX

À noter : pour sa récente sortie en Blu-ray, un 8ème sketch jusque-là inédit a été rajouté au montage. Le pire peut-être, avec Henri Tisot et Dany Saval. On comprend parfaitement qu’il ait été coupé à l’époque !