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Archives de Catégorie: LES FILMS DE ROBERT DUVALL

« POLICE CONNECTION » (1973)

Écrit et réalisé par Howard W. Koch, « POLICE CONNECTION » (un grand bravo à l’opportunisme imbécile du titre français !) est – à l’instar de « FRENCH CONNECTION », inspiré des souvenirs d’Eddie Egan, flic new-yorkais incorruptible.

Avatar de Popeye Doyle lui-même avatar d’Egan, Robert Duvall, qui a pris quelques kilos pour le rôle, joue Eddie Ryan, un flic de terrain qui s’est fait confisquer sa plaque pour excès de violence et voit son co-équipier assassiné. Il poursuit illégalement l’enquête et découvre qu’il trempait dans un trafic d’armes pour les révolutionnaires portoricains. Ryan décide alors d’avoir la peau du caïd Henry Darrow. Le scénario est très banal, mais parfaitement enraciné dans les problématiques des seventies, le personnage de Duvall est un raciste convaincu, sans même le « pittoresque » d’un Popeye pour le rendre un minimum attachant. Ce réalisme se retrouve dans la réalisation et la photo, qui évoquent les séries TV de l’époque comme « KOJAK » ou « POLICE STORY », mixées avec le look documentaire de Friedkin. Cela fonctionne la plupart du temps, malgré des longueurs parfois pénibles (la poursuite inévitable entre un bus et des voitures volées qui plombe le rythme). Autour de Duvall, au sommet de son art en demi-teintes, la toujours magnifique Verna Bloom jouant sa girl friend malheureuse, Egan lui-même en supérieur hiérarchique mal à l’aise et Henry Darrow excellent en précurseur élégant de Tony Montana. « BADGE 373 » (boycottons le titre français) est un bon polar hard boiled et linéaire, décrivant par le menu les procédures policières et dénonçant la corruption et les conséquences de la politique américaine à l’étranger. Un peu longuet, nous l’avons dit, mais il vaut définitivement le coup d’œil.

ROBERT DUVALL, VERNA BLOOM ET EDDIE EGAN
 

« THE PALE BLUE EYE » (2022)

Écrit et réalisé par Scott Cooper d’après un roman de Louis Bayard, « THE PALE BLUE EYE » mixe fiction et réalité dans l’enceinte de West Point où un détective (Christian Bale) enquête sur le meurtre de cadets. Il s’associe à l’un d’eux qui n’est autre que le jeune Edgar Poe (Harry Melling).

Responsable de beaux films comme « HOSTILES » ou « LES BRASIERS DE LA COLÈRE », déjà avec Bale en vedette, Cooper adopte un parti-pris d’extrême austérité : photo sous-exposée, visages parfois indiscernables, ambiance de désolation glacée et rend l’adhésion difficile. C’est lent, à peu près dépourvu de rythme ou de suspense et la nature même du héros – un ex-policier veuf et dépressif – ne rend pas le spectacle très réjouissant. Bale n’est pas en cause, il joue son rôle en retrait, en oblique, laissant la vedette à Melling parfait en souffre-douleur romantique et exalté. On se demande un peu pourquoi « inviter » des stars pour à peine les filmer. On pense à Charlotte Gainsbourg en prostituée, Gillian Anderson en épouse acariâtre du médecin ou pire, Robert Duvall jouant un mystérieux spécialiste de l’occulte dans deux courtes scènes, nommé… Pépé ! Toby Jones et Timothy Spall (de plus en plus maigre) sont très bien dans des rôles qu’ils pourraient jouer dans leur sommeil. Ambitieux, intrigant sur le papier, mais trop rapidement décevant et languide, « THE PALE BLUE EYE » vaut le coup d’œil, en fait, pour l’énorme twist narratif qui survient dans le dernier quart et remet habilement en question l’enquête de A jusqu’à Z, voire le scénario tout entier. Un gimmick certes, mais qui ranime subitement le film alors qu’on ne s’y attendait plus.

CHRISTIAN BALE, GILLIAN ANDERSON, TOBY JONES ET HARRY MELLING
 

« TOUT… SAUF EN FAMILLE » (2008)

« TOUT… SAUF EN FAMILLE » de Seth Gordon est une comédie de Noël suivant la journée d’un couple fantasque (Reese Witherspoon et Vince Vaughn) qui a toujours évité les fêtes en famille et se retrouve obligé, pendant une journée, de visiter tous leurs parents dans un marathon délirant qui va les remettre en question.

Le postulat en vaut un autre, mais le scénario est une véritable bouillie, passant de la bouffonnerie la plus grossière à l’émotion la plus forcée. La réalisation, quant à elle, ne vaut guère mieux que celle d’un épisode de « FRIENDS ». Les deux vedettes sont extrêmement mal assorties, ne serait-ce que physiquement, par la différence de taille et peu douées pour les improvisations. Entre la famille de catcheurs à moitié débile, le vieux père macho et les bigots, on ne sait plus ce qui est le plus désolant. Le plus surprenant est que le film aligne une brochette de « pointures » qui n’ont clairement rien à faire là : Robert Duvall, Mary Steenburgen, Jon Voight ou Sissy Spacek tiennent des seconds rôles caricaturaux indignes d’eux. Particulièrement Duvall en vieux « beauf » imbécile. Alors oui, Witherspoon est très à l’aise dans les passages du rire aux larmes, oui on peut sourire çà et là à des situations grotesques, mais que ce film est lourd et sans grâce. On peut d’ailleurs supposer qu’il a subi de nombreuses retakes, car dans plusieurs séquences, Witherspoon apparaît amaigrie et porte une perruque trop blonde pas très « raccord ». Probablement des retournages longtemps après, pour étoffer son rôle et rallonger le film. On n’espérait pas grand-chose d’un film comme « TOUT… SAUF EN FAMILLE », mais au moins qu’il utilise son prestigieux casting au mieux de ses capacités. Ce n’est évidemment pas le cas. Et hormis le plaisir de revoir ces têtes connues, mieux vaut éviter soigneusement cette comédie jamais drôle.

JON VOIGHT, REESE WITHERSPOON, VINCE VAUGHN ET ROBERT DUVALL
 

« CONVERSATION SECRÈTE » (1974)

TERI GARR ET GENE HACKMAN

Écrit et réalisé par Francis Coppola entre les deux premiers « PARRAIN », « CONVERSATION SECRÈTE » aurait pratiquement pu être tourné par Alan J. Pakula tant il s’intègre dans cette mouvance paranoïaque de l’Amérique des seventies.

Le héros n’en est pas un. C’est un spécialiste des écoutes, un espion free lance, hanté par le souvenir d’un triple meurtre consécutif à ses enregistrements. Aussi quand on lui demande de suivre un jeune couple, il suspecte que quelque chose de terrible pourrait leur arriver à leur tour. Lent et froid, tourné dans des décors naturels immenses et sans vie, le film immerge dans l’esprit tourmenté de cet homme sans identité en dehors de son activité professionnelle, sans amis, sans femmes qu’il sache retenir. C’est un des grands rôles de Gene Hackman alors dans la plus belle partie de sa longue carrière. Avec son physique de M. Tout le monde, ses vêtements passe-murailles, il incarne Harry Caul comme s’il n’était qu’une pièce de son propre équipement. Dire qu’on s’attache à lui serait beaucoup dire, mais on finit par le comprendre, et à le suivre jusqu’au dénouement en forme de twist qui le dévastera une bonne fois pour toutes. Coppola donne la priorité à la bande-son, mélange les bruits de ville, les bandes magnétiques, les voix intérieures. Le film devient rapidement suffocant et constitue une des vraies réussites de l’auteur. Autour d’un Hackman omniprésent : John Cazale excelle en collègue inopérant, Harrison Ford intrigue en bureaucrate au calme glacial. On voit aussi Teri Garr en copine lassée par les silences de Caul et Elizabeth MacRae remarquable en prostituée chaleureuse à la douceur trompeuse. On aperçoit également Robert Duvall dans un caméo, jouant le PDG peu avenant, commanditaire des enregistrements. « CONVERSATION SECRÈTE » suinte l’insécurité, la peur des autres, la confiance évaporée, c’est une œuvre compacte et sans échappatoire, encore tout à fait valide à revisiter de nos jours.

JOHN CAZALE, GENE HACKMAN, HARRISON FORD ET ROBERT DUVALL
 

« CHUTE LIBRE » (1993)

« CHUTE LIBRE » de Joel Schumacher a toutes les apparences d’un film de vigilante, mais quand le protagoniste s’entend traiter de « justicier » par un néo-nazi caricatural qui le considère en égal, il se rebiffe, persuadé qu’il est un good guy dans son bon droit.

Le film est une fable sur une Amérique en décomposition et prend pour héros Michael Douglas, citoyen lambda qui fait un violent burnout et traverse L.A. à pied, semant la terreur sur son passage. D’abord réjouissant et indéniablement cathartique, son périple commence à inquiéter quand on se rend compte que notre « héros » est un raciste xénophobe, un tyran domestique et finalement un forcené prêt à tuer sa propre famille dont il a été exclu. C’est progressivement que « CHUTE LIBRE » prend une tonalité sombre et dérangeante, à mesure que Douglas révèle sa face cachée de psychopathe. L’acteur, métamorphosé par une coupe de cheveux style marines et de vilaines lunettes, a rarement été meilleur, aussi pathétique que repoussant. Face à lui, un cast remarquable : Robert Duvall formidable en vieux flic intelligent au bord de la retraite, Rachel Ticotin en co-équipière loyale, Raymond J. Barry en commissaire odieux, Barbara Hershey en ex-épouse harcelée ou Tuesday Weld en femme hystérique et pénible du policier. Seul Frederic Forrest, dans le rôle du nazi, en fait des tonnes dans un personnage quasi-symbolique. « CHUTE LIBRE » est un film qui donne à réfléchir sur l’identité de ce fameux « justicier » si cher à la fiction américaine, sur un pays fragmenté, qui semble en guerre perpétuelle avec lui-même et qui génère, par sa culture de violence, des monstres comme ce « D-fens » transformé en machine-à-tuer à force de frustrations et d’humiliations quotidiennes. Sans doute pas le film le plus subtil sur le sujet, mais certainement le meilleur qu’ait signé le controversé Schumacher, d’une efficacité qui n’a aucunement faibli après 30 ans.

MICHAEL DOUGLAS, BARBARA HERSHEY ET ROBERT DUVALL
 

« GERONIMO » (1993)

WES STUDI

Écrit par John Milius, réalisé par Walter Hill (une association qui semblait inévitable), « GERONIMO » relate les derniers mois de la nation Apache Chiricahua et la dérisoire rébellion du chef Geronimo avant un humiliant exil en Floride.

Narré à travers le récit en voix « off » d’une jeune recrue de l’U.S.-Cavalry témoin et acteur des événements, le film dramatise des faits réels sans emphase ni fantaisie et appelle les choses par leur nom. Le péché originel de l’Amérique est décrit froidement, lucidement, sans discours angélique pour autant. Mais l’homme blanc, le « white eye » n’en sort certainement pas grandi. Esthétiquement, c’est une des plus belles réussites de Hill, malgré quelques coquetteries bien peu nécessaires (ces affreux filtres rouges très à la mode dans les années 90 ou ces inserts redondants en noir & blanc) et son film – qui s’est étonnamment bonifié avec les années – est ample, noble et infiniment triste. Dans le rôle-titre, Wes Studi est magnifique, presque minéral, en guerrier écrabouillé par la marche de l’Histoire. Un gros-plan de son visage extraordinaire vaut tous les pamphlets. Et voir Geronimo enfin incarné par un véritable Native change immédiatement la donne. Jason Patric est excellent en officier sincère et idéaliste et Matt Damon parfait en naïf qui perd ses illusions une à une. Robert Duvall est superbe en scout usé jusqu’à la corde mais encore combatif. Il tient le même rôle que John McIntire dans « BRONCO APACHE » en 1954. Et puis le plaisir de revoir Gene Hackman en général tiraillé entre son devoir et son cœur. Un beau cast d’ensemble qu’on sent réellement investi. À peine pourra-t-on regretter que le scénario « oublie » Geronimo pendant de trop longues minutes, ce qui éparpille un peu l’intérêt. Mais « GERONIMO » est une belle leçon d’Histoire, bien plus qu’un western d’ailleurs, qui rappelle que les Indiens n’étaient pas de simples sauvages bons à éradiquer à la Winchester. Beau film.

MATT DAMON, JASON PATRIC, ROBERT DUVALL ET GENE HACKMAN

 

« L’INVASION DES PROFANATEURS » (1978)

DONALD SUTHERLAND ET JEFF GOLDBLUM

« L’INVASION DES PROFANATEURS » de Philip Kaufman est la seconde adaptation du roman de Jack Finney, après le classique de Don Siegel tourné en 1955 en plein maccarthisme.

C’est un film qui a admirablement bien vieilli, son propos apparaissant encore plus pertinent aujourd’hui qu’à sa sortie. Les aliens qui sont venus effectuer un « grand remplacement », le monde civilisé qui se déshumanise, les relations humaines qui se délitent, le totalitarisme qui s’installe en silence, et même l’invasion elle-même qui fait plus qu’évoquer un virus inextinguible, on est en plein 21ᵉ siècle ! Kaufman fait d’abord monter la paranoïa par touches subtiles, par de minuscules détails du quotidien qui se mettent à dérailler, avant de lâcher la bride à une apocalypse insidieuse puisque, vue de l’extérieur, indécelable. Son film évoque un cauchemar de plus en plus étouffant, dont il est impossible de s’extirper. Sa réalisation fait parfois penser au style des premiers films canadiens de David Cronenberg et le travail sur la bande-son et la photo (Michael Chapman) est admirable. Donald Sutherland est excellent en quidam courageux transi d’amour pour sa collègue, la ravissante Brooke Adams, Jeff Goldblum très drôle en « poète maudit » casse-pied, et on s’amusera du choix de Leonard Nimoy en psy cartésien refusant de croire aux extra-terrestres, lui qui fut le plus célèbre Vulcain dans « STAR TREK ».  Il serait vain de comparer cette invasion avec celle de Siegel, ce sont deux œuvres aussi passionnantes l’une que l’autre, ancrées dans les peurs de leur époque et parvenant à générer une angoisse profonde sans jamais céder aux facilités ou aux outrances du genre. À revoir donc, avec le recul du temps et l’évolution de notre monde, et pour ce dernier plan terrible, à glacer les sangs.

BROOKE ADAMS, DONALD SUTHERLAND ET LEONARD NIMOY

À noter : trois caméos sympathiques, ceux de Don Siegel en chauffeur de taxi et de Kevin McCarthy, qui fut le héros de son film. Ainsi que Robert Duvall qui apparaît brièvement en prêtre sur une balançoire au tout début du film, un clin d’œil à son réalisateur de « LA LÉGENDE DE JESSE JAMES », six ans plus tôt.

 

« NETWORK – MAIN BASSE SUR LA TV » (1976)

PETER FINCH

« NETWORK – MAIN BASSE SUR LA TV » de Sidney Lumet, passe aujourd’hui pour un des chefs-d’œuvre du réalisateur et une réussite majeure des années 70. C’est une charge virulente contre la télévision et l’asservissement qui en découle, un cri de révolte puissant et dérisoire, d’une terrible lucidité.

Le scénario, et surtout les dialogues, de Paddy Chayefsky font tout l’intérêt du film et certaines séquences sont incroyablement prémonitoires vues au prisme du 21ᵉ siècle. Ce qui est plus difficile, en revanche, c’est la surabondance de répliques-qui-tuent, qui se transforment parfois en logorrhée verbale ininterrompue et peuvent faire décrocher, surtout quand le spectacle dure deux heures. Lumet n’a pas non plus spécialement soigné la forme : la photo est assez laide, les cadrages sont parfois approximatifs, les flous abondent. C’est un peu dommage, car le fond est fascinant, le scénario pousse les curseurs à fond. Dans ce monde clos, hystérique, où les terroristes sanguinaires deviennent les rois de l’audimat, où on finit par assassiner en « live » pour crever les plafonds d’audience et où on confie une émission prime time à un fou furieux dépressif, seuls subsistent deux êtres humains à peu près… humains : William Holden, producteur à l’ancienne épuisé, Beatrice Straight son épouse bafouée guidée par ses émotions. Tous les autres sont des monstres cathodiques : Faye Dunaway (« La télé incarnée », lui dit Holden), productrice obsessionnelle, survoltée, véritable machine-tueuse, Robert Duvall excellent en boss cassant et odieux, et bien sûr Peter Finch, ex-présentateur du journal de 20 heures qui craque totalement après son licenciement et commence à entendre des voix. Parmi les seconds rôles, on reconnaît Ned Beatty dans une séquence anthologique et un jeune Lance Henriksen en avocat dans une figuration. « NETWORK », négligé dans la forme, mais toujours pertinent dans le fond, ennuie parfois, passionne souvent et mérite d’être revu pour son message d’avertissement que personne, bien entendu, n’a su entendre.

WILLIAM HOLDEN, FAYE DUNAWAY ET ROBERT DUVALL

 

« DU SILENCE ET DES OMBRES… » (1962)

PAUL FIX ET GREGORY PECK

Écrit par Horton Foote, d’après le roman autobiographique de Harper Lee, réalisé par le passionnant Robert Mulligan, « DU SILENCE ET DES OMBRES… » (beau titre français, qui n’a rien à voir avec l’original : « TUER LE MERLE MOQUEUR ») fait aujourd’hui partie des grands classiques U.S. des années 60, traitant frontalement du racisme et de la haine ordinaire.

L’histoire, c’est celle d’un avocat généreux du vieux Sud (Gregory Peck) qui accepte de défendre un Noir (Brock Peters) accusé d’avoir violé une femme blanche. Mais c’est surtout le point de vue adopté qui est original : tout est vu à travers le regard de Scout (Mary Badham) la fille de six ans de Peck, qui a grandi sans mère, et qui va apprendre la tolérance à travers ce procès éprouvant et s’apercevoir peu après que le croque-mitaine local, le fils demeuré d’un voisin, est peut-être un ange-gardien. Tourné en noir & blanc, le film prend son temps pour développer ses thèmes, appelle les choses par leur nom, ne cède jamais aux bons sentiments et parvient à transcender son sujet. Il faut dire que Peck trouve là le rôle de sa vie. Débarrassé de sa raideur habituelle, il fait preuve d’une sensibilité et d’une humanité rarement vues à l’écran et porte le film sur les épaules, partageant la vedette avec l’exceptionnelle petite Badham. L’ensemble du cast est d’ailleurs remarquable : Brock Peters en accusé innocent, sans recours devant ce jury de blancs haineux, le débutant Robert Duvall qui n’apparaît qu’à la fin et n’a pas une ligne de dialogue dans le rôle de ‘Boo’ « l’idiot du village » au cœur sensible, et surtout James Anderson absolument magistral dans le rôle de l’accusateur, un plouc défiguré par la haine, vivante incarnation du mal qui ronge le sud de l’Amérique. Son dernier face à face avec Peck est d’une tension inouïe. « DU SILENCE ET DES OMBRES… » est une œuvre sans défaut, un plaidoyer subtil et sincère dans lequel il faut entrer et se laisser porter, aidés par l’excellente voix « off » de Kim Stanley, jouant Scout à l’âge adulte.

ROBERT DUVALL, MARY BADHAM, PHILIP ALFORD ET JAMES ANDERSON

 

« BULLITT » (1968)

STEVE McQUEEN

Que reste-t-il un demi-siècle après de « BULLITT » de Peter Yates, en dehors de l’icônisation de Steve McQueen (le col-roulé, le holster) et de la poursuite en voiture dans San Francisco ?

Il reste un bon polar au scénario complexe et elliptique mais qui demeure très anecdotique (une histoire de témoin-clé, de sosie, de procureur ambitieux, de flic incorruptible) et surtout l’atmosphère des sixties. Grâce aux cadrages dynamiques quoiqu’un peu chichiteux, à la photo brut-de-pomme de William A. Fraker et surtout à la BO incomparable de Lalo Schifrin, parmi ses meilleures, on est littéralement immergé dans une Amérique disparue, dont le film parvient à capter l’essence. Nous l’avons dit, le scénario tient la route sans rien révolutionner, mais le choix de McQueen dans le rôle-titre hisse « BULLITT » parmi les classiques « séminaux » du cinéma U.S. En policier laconique, fermé à double-tour sur son job, il incarne un archétype qui mena tout droit à Dirty Harry et demeure encore valide aujourd’hui. Mais il n’est pas dépeint en « héros » et ses paradoxes et ambiguïtés transparaissent sous son masque impassible. Pourquoi tue-t-il sa proie à la fin ? Par légitime défense ? Pour cracher au visage de ce système qu’il méprise ? Parce qu’il est un tueur-né comme le suggérait sa petite amie (Jacqueline Bisset) ? Le dernier regard de McQueen dans le miroir en dit long sans donner de réponse. Autour de la star, un cast impressionnant : Robert Vaughn en sénateur visqueux et planche-pourrie, qui traduit magnifiquement l’antipathie réciproque l’opposant à Bullitt, son exact contraire. Don Gordon excellent en co-équipier imperturbable, Simon Oakland parfait en capitaine fiable et même Robert Duvall dans un petit rôle de chauffeur de taxi observateur. Alors qu’il est presque devenu un symbole des années 60, « BULLITT » a très bien vieilli, a gardé une grande partie de son impact et, oui la fameuse poursuite en voiture, est toujours frappante, même si elle dure un peu trop longtemps. Mais c’était la première en son genre !

STEVE McQUEEN, ROBERT VAUGHN, DON GORDON, JACQUELINE BISSET ET ROBERT DUVALL