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Archives de Catégorie: LES FILMS DE ROY SCHEIDER

« LE FESTIN NU » (1991)

« Exterminez toute pensée rationnelle », prévient la citation de William S. Burroughs au début du film adapté et réalisé par David Cronenberg. « LE FESTIN NU » est certainement l’œuvre la plus bizarre et inclassable du Canadien, tout comme l’était d’ailleurs le roman autobiographique de Burroughs.

Après avoir accidentellement tué sa femme (Judy Davis), Peter Weller, romancier raté, s’enfonce dans un délire de plus en plus immersif, qui le voit devenir agent secret en Afrique du nord, aux ordres de sa machine à écrire transformée en cafard géant parlant par l’anus. Tout ce qu’on voit à l’écran est tellement étrange, décalé, sans limite dans la dérive cauchemardesque, qu’on peut se laisser entraîner et même submerger. La photo de Peter Suschitzky est magnifique, tout comme le sont les décors de studio de Carol Spier, totalement dépaysants. En fait, le film tente de retracer de façon visuellement choquante le processus mental qui mène à l’écriture. Embourbé dans la drogue, l’alcool, l’auteur hallucine, s’égare, pour retrouver dans la douleur et la folie, l’envie de créer. Le film dure deux heures, il n’est pas facile d’accès et se répète parfois, mais l’univers qu’il dépeint est aussi exotique que grotesque, aussi malsain que drôle au second degré. Weller, acteur fade et neutre par excellence, est idéalement distribué dans ce rôle de témoin de sa propre déchéance, Davis est égale à elle-même en junkie exaltée, Ian Holm glauque à souhait et Roy Scheider fait deux apparitions mémorables en deus ex machina. En illustrant l’œuvre d’un autre, Cronenberg signe peut-être son film le plus « cronenberguien ». Les corps se mélangent, se déchirent, le sexe est ambigu, répugnant parfois et les personnages semblent évoluer dans un no man’s land aux confins des enfers. À voir, assurément.

PETER WELLER, JUDY DAVIS ET ROY SCHEIDER
 

« L’IDÉALISTE » (1997)

MATT DAMON ET CLAIRE DANES

Écrit et réalisé par Francis Ford Coppola d’après un roman de John Grisham, « L’IDÉALISTE » est un courtroom drama des plus conventionnels, rehaussé par le savoir-faire du réalisateur et par une distribution où le moindre petit rôle est tenu par un acteur connu.

Avocat naïf et débutant à Memphis, Matt Damon mène trois dossiers de front, dont un monumental : le procès d’une firme d’assurances qui escroque ses clients et va jusqu’à provoquer des décès. Le film est long – plus de deux heures – mais jamais ennuyeux, les personnages sont parfaitement campés et les décors bien mis en valeur. Coppola néglige les gros-plans de visages, se concentrant sur les plans généraux cadrés de façon quasi-géométrique. Damon est parfait en novice qui apprend le métier « à la dure », Danny DeVito joue son sidekick ridicule mais compétent, Danny Glover est excellent en juge ironique, Claire Danes touchante en femme battue, Mickey Rourke flamboyant en avocat playboy. On a aussi le plaisir de revoir Teresa Wright très âgée, Mary Kay Place, Virginia Madsen et Roy Scheider remarquable en PDG ignoble. Mais c’est Jon Voight qui se taille la part du lion dans son rôle de défenseur de la firme, requin du barreau cynique et sans état d’âme, aussi odieux que charismatique. Quelle présence ! « L’IDÉALISTE » n’a rien d’un film de Coppola, il aurait pu être tourné par n’importe quel cinéaste compétent de l’époque, mais c’est du bon cinéma hollywoodien carré et calibré pour faire des entrées et le travail est soigné. La photo de John Toll ajoute une touche d’esthétisme sans ostentation et la BO d’Elmer Bernstein est d’un classicisme intemporel. À voir donc, cet « IDÉALISTE » sans surprise, mais qui tient en haleine et finit même par émouvoir.

JON VOIGHT, MARY KAY PLACE, MATT DAMON, RED WEST, DANNY GLOVER ET ROY SCHEIDER
 

« LA MORT AUX ENCHÈRES » (1982)

« LA MORT AUX ENCHÈRES » aurait été réalisé par Alfred Hitchcock en 1955 avec disons… James Stewart et Grace Kelly, sans doute aurait-il eu ses chances de devenir un classique du suspense.

Écrit et filmé par Robert Benton, meilleur scénariste que réalisateur, ce n’est qu’un pâle « à la manière de » qui se voudrait « glacé et sophistiqué », mais qui n’est à l’arrivée qu’un grand vide sur pellicule qui gaspille deux beaux comédiens. Roy Scheider, psy new-yorkais, rencontre la maîtresse (Meryl Streep) d’un patient récemment assassiné. Il tombe amoureux d’elle, mais tout porte à croire qu’elle serait la meurtrière et qu’elle aimerait bien faire la peau de notre héros. Focalisé sur ce pauvre scénario et rien d’autre, développant à peine les personnages secondaires, « LA MORT AUX ENCHÈRES » est un film creux et ennuyeux, dont on comprend aisément les grosses ficelles et dont les références permanentes à l’œuvre de « Hitch » deviennent vite fastidieuses. Les cheveux gris-blonds, débarrassé de son éternel bronzage, Scheider suit le mouvement sans se donner beaucoup de peine. On l’a rarement vu aussi absent et mal distribué. Streep, visiblement pas dirigée, se laisse aller à ses pires maniérismes dans un emploi de femme fatale absolument pas dans ses cordes. Son monologue sur la mort de son père est horripilant. Autour d’eux, on aperçoit Jessica Tandy en maman psy de Roy, Josef Sommer en flash-back dans le rôle de la victime et l’intéressante Sara Botsford. On peut passer le temps avec la photo délicate et subtile de Nestor Almendros, profiter d’élégants extérieurs de Big Apple, mais ça ne suffit évidemment pas à accrocher à ce quasi-pastiche sans âme, truffé de « comme par hasard » énormes et se concluant par un affrontement ridicule, qui rappelle « UN FRISSON DANS LA NUIT ». Dommage, quand on voit les noms réunis sur l’affiche !

MERYL STREEP, ROY SCHEIDER, JESSICA TANDY ET SARA BOTSFORD
 

« PAIEMENT CASH » (1986)

Adapté par Elmore Leonard de son propre roman, « PAIEMENT CASH » est signé John Frankenheimer. À seulement 56 ans, sa carrière jadis brillante, est au plus bas depuis une décennie et c’est pour la Cannon qu’il réalise ce polar au budget anémié.

C’est dur de voir autant de gens talentueux se fourvoyer à ce point. Dès les premières notes d’une affreuse BO, on sait qu’on est partis pour souffrir. Victime d’un trio de maîtres chanteurs (John Glover, Clarence Williams III et Robert Trebor), le riche industriel Roy Scheider doit payer pour qu’une infidélité ne soit pas révélée à sa femme (Ann-Margret) qui se lance en politique. Le scénario est poussif, incertain, il s’embourbe fréquemment, survole à peine les rôles principaux pour se complaire avec le trio de crapules, tous plus nuls les uns que les autres, l’Oscar étant réservé à l’insupportable Trebor en roue-libre, rivalisant de grimaces avec un Glover constamment exorbité. Scheider, déjà lifté à 54 ans, l’air absent, ne parvient pas à rendre son personnage un tant soit peu sympathique et se laisse insulter et bousculer pendant toute la durée du film, à l’exception de l’épilogue d’ailleurs copieusement plagié sur celui du « FLINGUEUR ». Ann-Margret n’est guère plus à son avantage en épouse cocue. On aperçoit – très rapidement – Doug McClure en procureur moustachu. Il n’y a pas grand-chose à sauver de « PAIEMENT CASH » dont la réputation semble pourtant avoir grandi avec les années. On notera une nette propension du réalisateur à filmer de jeunes femmes dénudées à forte poitrine. Mais, probablement par manque d’argent et de temps, sa mise-en-scène manque de dynamisme, son montage est relâché faute de matériel (ces interminables plans-séquences fixes !). S’il démarre plutôt bien pendant une vingtaine de minutes, le film s’affaisse ensuite sans rémission. Dommage…

LONNY CHAPMAN, ROY SCHEIDER, ANN-MARGRET, DOUG McCLURE (EN PHOTO) ET CLARENCE WILLIAMS III

 

« KLUTE » (1971)

KLUTE.jpg« KLUTE » d’Alan J. Pakula est ce que les Américains appellent un « film séminal » des années 70, un polar d’une totale noirceur (dans tous les sens du terme), qui capture sur pellicule les névroses urbaines de l’époque, la dégénérescence d’un New York à l’abandon et la perte de tout repère moral.

Le sujet est simple : Donald Sutherland dans le rôle-titre, est un privé d’une petite ville de Pennsylvanie, qui part à « Big Apple » à la recherche de son meilleur ami disparu depuis un an. Il rencontre Jane Fonda, prostituée qui croisa la route de ce dernier et qui est harcelée par un voyeur invisible. Mais au lieu de se focaliser sur l’enquête policière à proprement parler, les auteurs prennent le risque de dévoiler très tôt l’identité du coupable, anéantissant volontairement une source fondamentale de suspense. « KLUTE » glisse donc du film noir au portrait de deux êtres incompatibles : le flic pudique et intègre et la « pute » instable, passant sa vie chez le psy. Le charisme et le talent des deux acteurs compense aisément l’absence d’investigation, et la complexité des personnages passionne de bout en bout. Le rythme est extrêmement lent (autre parti-pris risqué pour ce qui est présenté comme un « film de genre »), la photo de Gordon Willis très étonnante : d’énormes zones d’ombres d’où se détachent des détails éclairés. Une image en parfaite adéquation avec la BO de Michael Small qui évoque la musique de certains films d’horreur et qui est pour beaucoup dans l’ambiance cauchemardesque du film. Ajoutons une alchimie formidable entre Fonda aussi touchante qu’exaspérante et Sutherland, impassible et taiseux, des seconds rôles de qualité comme Roy Scheider très bien en « mac » vaniteux et déplaisant ou Charles Cioffi tout à fait répugnant, et « KLUTE » s’impose comme un authentique classique, ancré dans son époque, et témoin de ses mentalités. Indémodable.

JANE FONDA, DONALD SUTHERLAND ET ROY SCHEIDER
 

« COHEN & TATE » (1988)

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ROY SCHEIDER

Écrit et réalisé par Eric Red, l’auteur de « HITCHER », « COHEN & TATE » est un polar extrêmement original, rappelant un peu « THE HIT » (1984) de Stephen Frears, et mettant en scène deux tueurs à gages : un vieux de la vieille (Roy Scheider) et un jeune loup (Adam Baldwin), chargés de livrer un jeune garçon (Harley Cross) à la mafia, après avoir assassiné sa famille.COHEN copie.jpg

Le film est un mélange de road movie et de huis clos, principalement situé dans l’habitacle d’une voiture en mouvement. Les deux ‘hitmen’ ne s’aiment pas et l’otage va en profiter pour les monter l’un contre l’autre, jusqu’à l’explosion finale. C’est court, compact, sans fioriture superflue. La tension ne baisse jamais, en grande partie grâce à Scheider dans un de ses meilleurs rôles. Avec son sonotone, son visage figé, ravagé, il crée un personnage effrayant et presque humain par instants. Il parvient à attirer la sympathie, malgré ce qu’il est et ce qu’il fait. Face à lui, Baldwin est très bien en gouape imbécile et sanguinaire, qui se transforme sur la fin en sorte de monstre grognant et éructant échappé d’un cauchemar. Un vraiment beau tandem d’acteurs. Dommage alors que le jeune Cross ne soit pas tout à fait à la hauteur d’un rôle complexe et potentiellement fascinant de tireur de ficelles en culottes courtes. Peu expressif, souvent irritant, il ne fait pas grand-chose de son personnage, qui aurait mérité plus de finesse et de perversité. Même à neuf ans ! Dakota Fanning a bien souvent prouvé que c’était possible. Malgré quelques menus défauts, un budget visiblement minuscule (un peu trop de plans flous trahissent le manque de moyens), « COHEN & TATE » est une série B intelligente, jusqu’au-boutiste et constamment surprenante, qu’on peut savourer à répétition, ne serait-ce que pour la formidable performance de Scheider au sommet de son art.

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ADAM BALDWIN, HARLEY CROSS ET ROY SCHEIDER

 

« 2010 – L’ANNÉE DU PREMIER CONTACT » (1984)

2 010.jpg« 2010 – L’ANNÉE DU PREMIER CONTACT », écrit, réalisé et même… photographié par Peter Hyams, se veut une sequel du « 2001 » de Kubrick, tournée 16 ans plus tard. Le scénario est, et ce, dès les premières images, tellement raccroché au film original, qu’il n’arrive jamais à trouver sa propre identité.

Si on veut être méchant, on dirait que « 2010 » ressemble à un double épisode de la série TV « COSMOS 1999 » tourné clandestinement dans les décors du chef-d’œuvre de 1968. C’est statique, bavard, confiné, d’une maladresse souvent sidérante. Quelle idée de vouloir expliquer à tout prix ce qu’on ne faisait que pressentir ou deviner dans le Kubrick ? Tout devient plat, naïf et édifiant, comme ce message lénifiant pour la paix sur terre et la fraternité entre les hommes, qui sous-tend toute l’histoire. Le retour de Keir Dullea dans le rôle de ‘Bowman’ ne fait qu’empirer les dégâts. C’est vraiment le genre d’idée qu’il n’aurait jamais fallu avoir ! Que reste-t-il, alors ? Roy Scheider, déjà. Dans la première partie, il retrouve exactement son look des « DENTS DE LA MER » (il a même des dauphins vivants dans son living-room !), ce qui le rend instantanément familier et sympathique. Il reprend le personnage créé par William Sylvester dans « 2001 ». Il n’a pas grand-chose à faire, à part prendre un air anxieux, ce qu’il fait très bien. À ses côtés, une Helen Mirren de 39 ans en officier russe et des visages familiers comme John Lithgow, Bob Balaban ou Dana Elcar. Ce n’est donc pas un film indispensable, même pour le fan complétiste de l’univers d’Arthur C. Clarke. Ce n’est que la suite scolaire et bien-pensante d’un grand film presque abstrait dont il brouille un peu le souvenir avec ses gros sabots.

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ROY SCHEIDER ET HELEN MIRREN

 

« LES DENTS DE LA MER » (1975)

JAWS.jpgQu’on aime ou pas le cinéma de Steven Spielberg, « LES DENTS DE LA MER » adapté d’un médiocre best-seller de Peter Benchley, demeure le film qui l’installa une bonne fois pour toutes dans la cour des grands et qui a redéfini les règles du film d’horreur et de suspense pour les décennies à venir.

Le film a étonnamment peu vieilli, dans son fond ou dans sa forme. Porté par un sens inné du cadrage, un montage en mouvement permanent, et bien sûr par la BO mythique de John Williams, Spielberg s’installe dans une réalité foisonnante (la vie familiale des Brody ou la description de la foule du 4 juillet dans la petite station balnéaire d’Amity), où tout le monde parle en même temps et où la frayeur surgit de nulle part, sous la forme – à peine entrevue – d’un grand requin blanc qui s’attaque aux vacanciers. La grande réussite du scénario est de ne s’être pas contenté de faire peur et de filmer les assauts du squale, mais de se concentrer sur un formidable trio de protagonistes d’égale importance : le shérif Roy Scheider, récemment débarqué de New York, aquaphobe et balloté par les politiciens locaux (Murray Hamilton magnifique en maire faux-jeton et irresponsable), l’océanographe Richard Dreyfuss, jeune homme fougueux et émotif et surtout le pêcheur Robert Shaw, grande gueule, obsédé par un besoin inconscient de vengeance contre tout ce qui porte aileron. Incompatibles, antagonistes, ils se retrouvent au milieu de l’océan sur un (trop) petit bateau, face au monstre qui semble leur en vouloir personnellement. Toute la partie située à bord de « l’Orca » est ce qu’il y a de meilleur dans le film, y compris le célèbre monologue de Shaw sur le naufrage de l’Indianapolis qui venait de livrer la bombe d’Hiroshima : immense moment de tension, uniquement basé sur le dialogue et la puissance d’évocation du comédien. Spielberg parvient avec simplicité et sans emphase, à créer une aura de toute-puissance malfaisante autour de son requin. C’est un Moby Dick aux dents acérées qui affronte Shaw, descendant du capitaine Achab, jusqu’à la choquante conclusion. « LES DENTS DE LA MER » est un film parfait (le réalisateur a fait plus ambitieux, mais a-t-il fait mieux ?), une œuvre-phare du cinéma U.S. qu’on peut revoir indéfiniment en y découvrant toujours quelque chose de neuf à admirer.

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ROY SCHEIDER, MURRAY HAMILTON, RICHARD DREYFUSS ET ROBERT SHAW

 

« ROY SCHEIDER : A FILM BIOGRAPHY »

« ROY SCHEIDER : A FILM BIOGRAPHY », publié en 2002 par McFarland et écrit par Diane C. Kachmar, retrace le très étrange parcours d’un comédien qui marqua les années 70 grâce à plusieurs énormes succès comme « FRENCH CONNECTION », « LES DENTS DE LA MER » ou « MARATHON MAN », connut le grand rôle de sa vie avec « ALL THAT JAZZ ! », avant de disparaître peu à peu dans les tréfonds des sequels inutiles (« LES DENTS DE LA MER : 2ème PARTIE » ou « 2010 ») et les DTV de plus en plus obscurs.ROY.jpeg

Le livre, assez succinct, révèle toutefois une personnalité plus compliquée qu’on aurait pu le penser. Comédien cérébral, amoureux du théâtre, il a longtemps essayé d’échapper à l’archétype du personnage de flic dans lequel il était enfermé. De grands rôles lui ont échappé, comme le prêtre dans « L’EXORCISTE » ou Michael – finalement incarné par Robert De Niro – dans « VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER ». Il s’est souvent fâché avec les studios et les réalisateurs, a connu de bonnes relations avec Bob Fosse ou John Frankenheimer. Mais sa collaboration avec William Friedkin s’est avérée décevante. Le réalisateur ayant publiquement déclaré que Scheider n’avait pas l’étoffe d’une star et qu’il aurait préféré Steve McQueen dans « LE CONVOI DE LA PEUR », sous-entendant qu’il était responsable de l’échec commercial du film !

À la lecture de cet ouvrage, on sent que Scheider est passé tout à côté d’une grande carrière. Il s’imaginait en héritier de Bogart, voire de Cary Grant, mais n’est pas parvenu à capitaliser sur ses premiers succès au box-office. Un peu triste donc, ce parcours en dents de scie, pour un acteur singulier, à la forte présence physique, mais qui n’a jamais joué les machos. Son aura s’est dissipée au début des années 90 et sa fin de carrière est vraiment catastrophique, à deux ou trois exceptions près.

Au fait, le saviez-vous ? C’est Roy Scheider qui a improvisé la célébrissime réplique de « JAWS » : « We’re gonna need a bigger boat ».

 

« QUE LE SPECTACLE COMMENCE ! » (1979)

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ROY SCHEIDER

Grand chorégraphe de Broadway, Bob Fosse a tourné six longs-métrages dont « CABARET » et « LENNY ». « QUE LE SPECTACLE COMMENCE ! » est son avant-dernier film, produit cinq ans avant sa mort. Et c’est bien de cela qu’il parle : de la mort prochaine de Bob Fosse ! Ou tout du moins de son transparent alter-ego ‘Joe Gideon’.JAZZ.jpeg

Le scénario éclaté en kaléidoscope, entre flash-backs, rêves de morphine, fantasmes sexuels et répétitions de spectacles, rend parfaitement la sensation de tourbillon permanent que fut la vie de cet « homme pressé », toujours au bord du burnout. Les numéros musicaux – très nombreux – s’insèrent bien dans ce style narratif, et si le film semble piétiner parfois, il n’en parvient pas moins à immerger, à soûler et à donner une bonne idée de l’homme. Il faut bien avouer que le choix de Roy Scheider pour jouer (plus ou moins) Bob Fosse, est plutôt déroutant. Figure incontournable du polar urbain et du film d’aventures des seventies, l’acteur a été modifié physiquement (amaigri, barbu, teint en roux, sans aucun bronzage chose rare chez lui) pour être crédible dans ce rôle d’artiste égoïste, narcissique, suicidaire et insupportable. Il lui manque peut-être un grain de folie authentique, une rage intérieure, pour y parvenir totalement, mais il fait une belle prestation et endosse un vrai contremploi. Autour de lui, Leland Palmer est très bien dans le rôle de son ex-femme et on reconnaît des têtes familières comme John Lithgow, Ben Vereen, Sandahl Bergman ou CCH Pounder. Jessica Lange incarne une vision angélique et douce de la Mort elle-même, qui attend patiemment son heure. Aujourd’hui, le film paraît un peu long, parfois lourd (le portrait caricatural des producteurs est trop appuyé, sans nuances), voire un peu complaisant. Mais il n’en demeure pas moins que « QUE LE SPECTACLE COMMENCE ! » est un bel achèvement – surtout dans le contexte cinématographique de l’époque – un film torrentiel et intime à la fois, qui entrouvre une porte sur l’âme tourmentée d’un créateur prêt à tout donner pour son art. Même sa propre vie.

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ROY SCHEIDER, LELAND PALMER ET BEN VEREEN