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Archives de Catégorie: LES FILMS DE BENICIO DEL TORO

« USUAL SUSPECTS » (1995)

Difficile de ne pas ressentir une nette influence de « RESERVOIR DOGS » sorti trois ans plus tôt, dans « USUAL SUSPECTS », le 2ᵉ long-métrage de Bryan Singer, qui pousse la logique tarantinienne à fond, en compliquant son scénario jusqu’à l’abstraction, jouant avec vérité et mensonge jusqu’au vertige.

C’est la banale histoire du braquage d’un paquebot, organisé par l’invisible Keyzer Söze, pour éliminer des rivaux dans le trafic de drogue en utilisant cinq voleurs qui ont une dette envers lui. Ça paraît simple dit comme ça, mais c’est infiniment plus compliqué ! La construction en flash-backs est à la limite de la compréhension, les dialogues sont cryptiques, le jeu des comédiens est constamment décalé. L’un d’entre eux est-il Söze ? Pourquoi cet avocat anglais (Pete Postlethwaite) a-t-il un nom japonais ? Söze existe-t-il réellement ou n’est-il qu’un croque-mitaine issu d’une légende urbaine ? Les questions sont intéressantes, c’est indéniable, le film demeure assez prenant pendant un certain temps, puis devient progressivement soûlant, laissant apparaître la totale gratuité de l’aventure, son absence d’épaisseur humaine. Il faut voir « USUAL SUSPECTS » comme un jeu aux règles mal définies, une balade dans un monde factice peuplé de silhouettes sans épaisseur, heureusement bien typées par d’excellents interprètes : Gabriel Byrne ex-flic imprévisible, Chazz Palminteri en agent du FBI moins malin qu’il ne paraît, Kevin Spacey dans le rôle le plus gratifiant du film, un infirme apparemment vulnérable et surtout Benicio Del Toro savoureux en malfrat gay à l’accent absolument indéchiffrable. Il est hilarant. À sa sortie, « USUAL SUSPECTS » avait marqué les esprits et installé Singer dans le peloton de tête des réalisateurs à suivre. Un quart de siècle plus tard, le film semble en apesanteur, sans substance, mais l’épilogue, vraiment malin, vaut à lui seul le détour.

CARL BRESSLER, GABRIEL BYRNE, KEVIN SPACEY, CHAZZ PALMINTERI ET BENICIO DEL TORO
 

« PERMIS DE TUER » (1989)

PERMISSecond et dernier 007 avec Timothy Dalton, « PERMIS DE TUER » de John Glen est un Bond très atypique et hélas, pas dans le bon sens du terme.

Tout se déroule dans les mêmes paysages exotiques, le vieux « Q » devient un agent de terrain, Bond se fait virer des services secrets pour pouvoir assouvir une vengeance personnelle. Il semble avoir perdu – en même temps que son permis de tuer – toutes ses compétences habituelles. Dalton propose en effet un 007 ordinaire, pas spécialement doué, qui passe son temps à se faire assommer, ligoter, malmener et qui ne doit d’avoir la vie sauve que grâce aux interventions d’un vieillard cacochyme et d’une jeune femme amoureuse ! Dépassant les deux heures, le film pâtit d’un scénario souvent aberrant, beaucoup plus proche du polar d’action que du film d’espionnage. Aussi s’y ennuie-t-on énormément, surtout dans le dernier quart, quand l’histoire se réduit à un enchaînement fatigant de poursuites en avion, en hélico, en poids-lourd, au milieu des explosions de missiles. Parmi les points positifs, deux « Bond girls » vraiment très séduisantes : Carey Lowell et Talisa Soto qui sont un plaisir pour l’œil. Des méchants pittoresques comme Robert Davi, Anthony Zerbe, Don Stroud et le tout débutant Benicio Del Toro en homme-de-main sadique qui sort du rang avec une belle assurance. L’ami de la CIA apparaît sous les traits un peu âgés de David Hedison. Il n’y a pas grand-chose à dire de ce « PERMIS DE TUER » qui semblait amorcer un virage pas très enthousiasmant dans la saga de James Bond, lequel sera heureusement rectifié à partir de l’arrivée de Pierce Brosnan. Les deux apparitions de Dalton (qui ont leurs fans, précisons-le) demeurent comme des parenthèses déconnectées du reste de la franchise, privant 007 de tout humour, de tout charisme. Qui a envie d’un M. Tout-le-monde en guise de super-espion ?

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TIMOTHY DALTON, TALISA SOTO, ROBERT DAVI, BENICIO DEL TORO ET CAREY LOWELL

 

« AVENGERS : INFINITY WAR » (2018)

On a beau avoir apprécié les deux premiers films signés Joss Whedon, force est de reconnaître qu’ils font figures de pauvres séries B anémiées comparés à « AVENGERS : INFINITY WAR » d’Anthony et Joe Russo. À vrai dire, on peine à se souvenir d’un film d’un tel gigantisme.INFINITY.jpg

Les superhéros reforment leur groupe pour affronter « Thanos », un géant omnipuissant (Josh Brolin en motion capture) qui s’est donné pour mission de « réguler » la population de l’univers en massacrant la moitié de ses habitants. Nos avengers sont épaulés par les personnages d’autres franchises comme « BLACK PANTHER », « SPIDER-MAN » ou « LES GARDIENS DE LA GALAXIE », ce qui fait pas mal de monde sur l’écran, surtout si on compte les méchants, tous plus spectaculaires les uns que les autres.

Nul n’est besoin d’avoir vu tous les films Marvel, ni même d’apprécier les comics pour se laisser happer par ce film monstrueux, constamment en mouvement, qui parvient à faire coexister des séquences d’action colossales, des décors en CGI stupéfiants, avec du second degré et – tant qu’à faire – des drames shakespeariens. On se laisse porter, légèrement soûls au bout de 149 minutes bourrées jusqu’à la gueule, mais dont on ne louperait pas une seconde. La longue quête du film de superhéros parfait semble être arrivée à terme. On espère juste que l’éradication de personnages mythiques à la fin, littéralement réduits en cendres, ne sera que temporaire ! Le casting est quasiment surpeuplé, outre un Mark Ruffalo incapable de redevenir Hulk, d’une Scarlett Johansson blondie, d’un Robert Downey, Jr. Amaigri, on a également droit à deux stars de télé comme Danai Gurira et Peter Dinklage en… nain géant, des « guest » fugitives comme William Hurt et Idris Elba, Benicio Del Toro et bien sûr Stan Lee en chauffeur de bus. Mais tous sont éclipsés par Brolin, exceptionnel en méchant de haut-vol, aussi terrifiant que pas tout à fait haïssable. Il a de jolies scènes avec Zoe Saldana.

Ce 3ème  volet est une pierre blanche dans l’Histoire de la SF au cinéma et un spectacle total.

 

« SICARIO – LA GUERRE DES CARTELS » (2018)

SOLDADO.jpgTourné trois ans après « SICARIO » de Denis Villeneuve, « SICARIO – LA GUERRE DES CARTELS » fait se retrouver l’agent de la CIA Josh Brolin, chargé de déclencher par n’importe quel moyen, même les pires, une guerre entre les cartels de Mexico. Benicio Del Toro reprend également son rôle de flingueur assoiffé de vengeance.

La vraie trouvaille du scénario est d’avoir inversé les trajectoires des deux personnages : Del Toro redevient peu à peu humain au contact d’une jeune fille kidnappée, tandis que Brolin laisse craquer le vernis de civilisation qui l’entravait encore. On imagine qu’un 3ème film déjà annoncé, mettra les deux hommes face-à-face. Mais le vrai plus de cette sequel qui parvient, par bien des points, à surpasser l’original, c’est la présence du réalisateur italien Stefano Sollima aux commandes. Auteur des formidables « SUBURRA » au cinéma et « GOMORRA » à la TV, il dynamise ces deux heures de violence et de suspense d’admirable façon, ne laissant s’installer aucune plage d’ennui et traitant son sujet avec un souci de réalisme quasi « organique ». Certaines séquences, comme le calvaire de Del Toro gravement blessé dans le désert ou l’arrestation à deux hélicoptères, sont d’une maîtrise époustouflante. Grand réalisateur, vraiment. Autour du tandem Brolin/Del Toro, aux gueules de plus en plus burinées, à la présence physique compacte et minérale, qui se complètent magnifiquement, de bons seconds rôles comme la jeune Isabelle Moner en otage, Jeffrey Donovan, Matthew Modine et Catherine Keener étonnamment éteinte dans un rôle de « chef » sans état d’âme. « SICARIO – LA GUERRE DES CARTELS » est un très beau film d’action, une âpre immersion dans un monde où se mêlent le trafic d’êtres humains aux frontières, le terrorisme et les enfants-tueurs, un panorama glaçant de notre 21ᵉ siècle en décomposition. Sans oublier, cerise sur le gâteau, une petite pointe d’émotion.

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ISABELLE MONER, BENICIO DEL TORO ET JOSH BROLIN

 

« THOR – LE MONDE DES TÉNÈBRES » (2013)

« THOR – LE MONDE DES TÉNÈBRES » d’Alan Taylor est le second film de la franchise (bien que le personnage central apparaisse dans d’autres productions Marvel. Oui c’est un peu confus !) et il permet de retrouver, deux ans plus tard, le fils d’Odin et à peu près tous ses compagnons.THOR2

Cette fois-ci, le scénario s’apparente davantage à de l’heroic fantasy qu’à de la science-fiction pure et dure. En fait, on dirait un mélange de « GAME OF THRONES » et de « STAR WARS ». C’est à la fois simple et incompréhensible : un méchant Elfe noir (sic !) attend que tous les mondes s’alignent (re-sic !) pour retrouver « l’Éther », une substance dévastatrice, et ainsi annihiler l’univers tout entier, y compris bien sûr la planète de Thor. S’ensuit une succession de bagarres plus épiques les unes que les autres et la mort – parfois temporaire – de quelques protagonistes.

Ce n’est pas vraiment ennuyeux, guère passionnant non  plus, il faut bien le dire. Les CGI omniprésents sont réussis, mais finissent par fatiguer l’œil et à rendre tout cela uniforme et sans relief. On passe d’un système solaire à l’autre en un clin d’œil, on détruit des cités entières, on se balance des rayons d’énergie à la figure et… on s’en fiche un peu ! On peut noter que Chris Emsworth n’a pas teint ses sourcils en blond pour ce second opus ce qui lui donne un air moins sot, que Natalie Portman et Rene Russo font un peu moins tapisserie, qu’Anthony Hopkins semble bien fatigué, qu’Idris Elba a dû être très bien rémunéré pour accepter un rôle aussi inepte et que Stellan Skarsgård s’est sûrement bien amusé à jouer son savant à moitié fou, circulant en slip-kangourou. Tom Hiddleston parvient à apporter une certaine densité à son ‘Loki’ imprévisible et tête-à-claques, aussi increvable qu’un Michael Myers.

À voir d’un œil distrait donc, comme la grosse BD animée qu’il est, « THOR – LE MONDE DES TÉNÈBRES » se clôt – évidemment ! – sur une fin ouverte. À noter que le petit épilogue, à la fin du générique, permet de retrouver Benicio Del Toro.

 

« TRAQUÉ » (2003)

BENICIO DEL TORO

Depuis « TO LIVE AND DIE IN L.A. » en 1985, William Friedkin avait enchaîné les projets bizarres, les films décevants, des téléfilms moyens. Aussi son retour en fanfare avec « TRAQUÉ » quelque 18 ans plus tard, ravit-il ses admirateurs fidèles contre vents et marées.HUNTED copie

Qu’est-ce que « TRAQUÉ » ? C’est simple, on prend le postulat de départ du premier « RAMBO », on en retire le folklore stallonien, le patriotisme, les one liners et la musique « héroïque » et on confie la mise-en-scène à un grand réalisateur plutôt qu’à un bon faiseur. Et le résultat est un film compact, organique, en mouvement perpétuel. La confrontation d’une sauvagerie inouïe entre un ex-soldat « gone loco » transformé en psychopathe et l’homme qui l’a « formé » à devenir une machine à tuer. Le thème est puissant, les symboles freudiens abondent et les séquences d’action sont d’une violence époustouflante. Mais ce qui marque le plus dans « TRAQUÉ », ce sont les face-à-face pourtant peu bavards entre Benicio Del Toro extraordinaire dans ce rôle de tueur en série programmé pour massacrer sans état d’âme et incapable d’appuyer sur la touche off une fois revenu à la vie civile et son mentor Tommy Lee Jones, assumant jusqu’au bout sa réelle responsabilité. Les deux hommes, également amoureux de la nature et des animaux, lutteront jusqu’à la mort. Le Dr. Frankenstein et le golem qu’il a créé. Juste aboutissement du destin du « maître » qui a enseigné à des centaines de soldats à tuer à mains nues, sans jamais avoir ôté lui-même la vie. Les extérieurs de l’Oregon sont magnifiquement exploités par un Friedkin régénéré et par la photo froide du grand Caleb Deschanel. Jones est dans une incroyable forme physique à 57 ans et Del Toro, monstrueux mélange de Rambo et du colonel Kurtz, donne une dimension quasi surnaturelle à ce guerrier désaxé semblant évoluer dans son cauchemar intérieur. À leurs côtés, Connie Nielsen n’a pas grand-chose à défendre en fliquette tenace. Dans son genre, « TRAQUÉ » est un authentique chef-d’œuvre du cinéma d’action intelligent, à réévaluer dans l’œuvre de son réalisateur.

TOMMY LEE JONES, CONNIE NIELSEN ET BENICIO DEL TORO
 

« WOLFMAN » (2010)

WOLFMAN

EMILY BLUNT ET BENICIO DEL TORO

« WOLFMAN » est le remake du classique de 1941 : « LE LOUP-GAROU » dont il reprend les grandes lignes du scénario signé Curt Siodmak. Le film est sorti en salles dans une durée de 103 minutes et a connu un director’s cut de 119 minutes. C’est celui-ci qui est chroniqué ici.WOLFMAN2

Signée du pourtant peu emballant Joe Johnston, cette version s’avère tout à fait enthousiasmante. L’imagerie d’abord, qui retrouve la splendeur des chefs-d’œuvre Universal grâce à l’utilisation invisible des CGI et aussi à une bonne dose de poésie qui renvoie à « LA BELLE ET LA BÊTE » original. La réalisation, la photo de Shelly Johnson, la BO magnifique de Danny Elfman, les cadrages qui retrouvent la puissance des dessins de Bernie Wrightson, tout s’accorde pour créer une ambiance envoûtante, semi-rêvée, une esthétique de l’horreur très singulière. Benicio Del Toro est parfait dans le rôle de ‘Talbot’, acteur shakespearien dont le sang tzigane porte une malédiction ancestrale. Anthony Hopkins, très sobre et concentré, insuffle une belle ambiguïté à ce personnage de patriarche d’abord rassurant et progressivement de plus en plus terrifiant. L’ultime face-à-face entre père et fils est impressionnant. À leurs côtés, Emily Blunt parvient à n’être pas que décorative comme c’est trop souvent le cas dans ce genre de film et Hugo Weaving joue un flic (celui qui enquêtait sur Jack l’Éventreur !) malchanceux. Notons les brèves, mais émouvantes apparitions de Geraldine Chaplin en Gitane. À noter – mais uniquement dans la version longue – le court caméo de Max Von Sydow en vieux gentleman dans un train, qui offre sa canne à pommeau d’argent à Talbot : l’incarnation du Destin ? En dépit de digressions (l’internement à l’asile) un peu longues, mais malgré tout intéressantes, « WOLFMAN » séduit par son mélange de classicisme et d’un vrai désir de raviver les vieux mythes. Les décors (qu’ils soient virtuels ou « en dur ») sont splendides et les scènes de violence d’une brutalité frisant le ‘gore’ pur et simple. Une belle surprise donc, probablement sous-estimée à sa sortie, mais qui vaut largement d’être réévaluée à la hausse.

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ANTHONY HOPKINS ET MAX VON SYDOW

 

« 21 GRAMMES » (2003)

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NAOMI WATTS

« 21 GRAMMES » est le premier film à gros budget d’Alejandro González Iñárritu, qui embrasse avec un brio indéniable la destinée de trois individus, réunis dans le malheur par un accident de voiture.21 2

Benicio Del Toro, ouvrier qui a trouvé refuge dans la religion a tué sans le vouloir la famille de Naomi Watts qui accepte de faire don du cœur de son mari à Sean Penn, cardiaque et quasi-mourant. La réunion improbable de ces trois êtres torturés, déchirés, en quête de rédemption, va être racontée de façon complètement éclatée – selon l’habitude du réalisateur – en mosaïque, en puzzle dont les pièces se recollent progressivement, sans tenir compte de la chronologie. Ici, seule prévaut l’émotion, la plus brute possible. Sur plus de deux heures, on n’a guère l’occasion de souffler. Grâce à une distribution haut-de-gamme réunissant la crème des acteurs des années 2000, le film immerge dans un drame suffocant, inéluctable sur lequel plane en permanence l’ombre de la mort imminente. Sean Penn a réellement l’air malade, on en souffre pour lui ! Naomi Watts parvient à traduire la souffrance de son personnage jusqu’au malaise. Les face-à-face entre les deux comédiens font des étincelles. Del Toro impose sa masse de brutalité animale, toujours prête à exploser, Charlotte Gainsbourg tient le rôle le moins intéressant, le moins bien intégré au récit. De grands acteurs occupent l’arrière-plan : Eddie Marsan en prêtre exalté, Danny Huston en mari défunt, Melissa Leo parfaite en épouse prête à tout pardonner, etc. « 21 GRAMMES » en demeurant sur la même tonalité dramatique de la première à la dernière image, peut éventuellement lasser, voire rebuter. Le spectacle de ces individus livides, hagards, condamnés à plus ou moins brève échéance, n’a rien de bien réjouissant. Mais le film s’achève malgré tout sur une étincelle d’espoir, ténue certes, mais bien présente.

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SEAN PENN, BENICIO DEL TORO, MELISSA LEO ET EDDIE MARSAN

 

« ÉTAT SECOND » (1993)

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JEFF BRIDGES

Le premier quart d’heure de « ÉTAT SECOND » est une pure merveille. On découvre peu à peu, pas à pas, les conséquences d’un crash aérien en suivant les traces d’un survivant (Jeff Bridges) qui semble guider quelques passagers hébétés, tel Moïse dans le désert. L’utilisation de la bande-son, le montage sont remarquables.fearless3

Pour parler en acronymes, Peter Weir décrit le PTS (Post traumatic stress) d’une NDE (Near death experience). Complètement métamorphosé par l’accident, l’architecte Bridges pense d’abord qu’il est mort et revenu en fantôme et qu’il est donc devenu invulnérable. Après s’être pris pour Moïse, il devient christique pour aider une jeune femme (Rosie Perez) qui a perdu son bébé, à retrouver le goût de vivre. Tout cela au détriment de sa propre famille qu’il délaisse tout à son « trip » mental qui le mène aux confins de la folie. Excellent choix que Bridges pour ce rôle complexe qui marche littéralement « à côté de ses pompes ». Il joue cela avec une telle foi, une telle intensité qu’il finit par nous faire croire à ses pouvoirs surnaturels. Le flash-back dans l’avion où – juste avant le crash – il accepte subitement dans une illumination l’idée de mourir, est ce qu’il a fait de plus émouvant et profond à l’écran. Autour de lui, un beau casting : Rosie Perez à fleur de peau, étonnante malgré une voix suraiguë très crispante, Isabella Rossellini en épouse dépassée par les événements, John Turturro en psy timoré, Tom Hulce et Benicio Del Toro. « ÉTAT SECOND » n’est pas exempt de longueurs et de lourdeurs (l’interminable séquence du centre commercial la veille de Noël qui casse sérieusement le rythme), il semble parfois faire du sur-place, mais le sujet est vraiment passionnant et original et on reste scotché à l’écran, attendant avec appréhension le moment où le rêve s’achèvera et où la mort reprendra ses droits. À voir donc, ne serait ce que pour Bridges qu’on a rarement vu aussi impliqué et identifié à un personnage. Et pour quelques scènes vraiment émouvantes, comme cette visite inopinée à la première femme de sa vie, alors qu’il est encore sous le choc.

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ISABELLA ROSSELLINI, JEFF BRIDGES ET ROSIE PEREZ

 

« THE PLEDGE » (2001)

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JACK NICHOLSON

Adapté d’un polar suisse, « THE PLEDGE » est, de loin, le meilleur film réalisé par Sean Penn, une œuvre complexe, tourmentée, obsédante qui s’enfonce progressivement dans le cauchemar, s’émancipant des passages obligés d’un genre qu’il est censé illustrer.pledge2

Sur la piste d’un tueur en série de fillettes, le vieux flic Jack Nicholson promet à la mère de la dernière victime (Patricia Clarkson, superbe) de retrouver l’assassin. Il jure même sur le salut de son âme. Est-ce à cause de cela qu’il fait mine d’ignorer son départ à la retraite et poursuit l’enquête ? Qu’il achète une station-service pour surveiller les va-et-vient des suspects potentiels ? Qu’il y accueille une jeune femme (Robin Wright) et aussi et surtout sa fille pour qu’elle serve d’appât ? Qu’il commence à entendre des voix dans sa tête ? Le paradoxe de ce suspense psychologique suffocant, c’est que Nicholson a beau avoir raison à 100% depuis le début et suivre la bonne méthode (celle du pêcheur à la ligne qu’il est), il n’en est pas moins en train de devenir complètement fou. Et même presque aussi monstrueux que celui qu’il traque, puisqu’il joue plus ou moins consciemment avec les sentiments, voire la vie, de deux innocentes qu’il manipule. La conclusion sera terrible, désespérée, d’une sombre ironie, d’une noirceur sans échappatoire. Autour d’un Nicholson omniprésent, d’une rigueur sans la moindre faille, d’une intensité extraordinaire, Penn a réuni de bons acteurs comme Benicio Del Toro en Indien attardé mental, Aaron Eckhart en flic tête-à-claques et une brochette de stars dans des caméos comme Helen Mirren, Vanessa Redgrave, Harry Dean Stanton et surtout Mickey Rourke bouleversant dans une courte séquence. À vrai dire, leurs apparitions sont plus distractives qu’autre chose, et le film aurait fort bien pu s’en passer, mais on est toujours content de les retrouver. « THE PLEDGE » réunit la plupart des qualités de précédents films de Penn et pratiquement aucun de leurs défauts. Le scénario est parfaitement vissé, les ambiances sont magnifiquement captées par la photo de Chris Menges, et Nicholson qui a campé tant de cinglés dans sa carrière, en donne ici une variante des plus réalistes et émouvantes. Un superbe film à tous points-de-vue.

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JACK NICHOLSON, ROBIN WRIGHT ET MICKEY ROURKE