Difficile de ne pas ressentir une nette influence de « RESERVOIR DOGS » sorti trois ans plus tôt, dans « USUAL SUSPECTS », le 2ᵉ long-métrage de Bryan Singer, qui pousse la logique tarantinienne à fond, en compliquant son scénario jusqu’à l’abstraction, jouant avec vérité et mensonge jusqu’au vertige.
C’est la banale histoire du braquage d’un paquebot, organisé par l’invisible Keyzer Söze, pour éliminer des rivaux dans le trafic de drogue en utilisant cinq voleurs qui ont une dette envers lui. Ça paraît simple dit comme ça, mais c’est infiniment plus compliqué ! La construction en flash-backs est à la limite de la compréhension, les dialogues sont cryptiques, le jeu des comédiens est constamment décalé. L’un d’entre eux est-il Söze ? Pourquoi cet avocat anglais (Pete Postlethwaite) a-t-il un nom japonais ? Söze existe-t-il réellement ou n’est-il qu’un croque-mitaine issu d’une légende urbaine ? Les questions sont intéressantes, c’est indéniable, le film demeure assez prenant pendant un certain temps, puis devient progressivement soûlant, laissant apparaître la totale gratuité de l’aventure, son absence d’épaisseur humaine. Il faut voir « USUAL SUSPECTS » comme un jeu aux règles mal définies, une balade dans un monde factice peuplé de silhouettes sans épaisseur, heureusement bien typées par d’excellents interprètes : Gabriel Byrne ex-flic imprévisible, Chazz Palminteri en agent du FBI moins malin qu’il ne paraît, Kevin Spacey dans le rôle le plus gratifiant du film, un infirme apparemment vulnérable et surtout Benicio Del Toro savoureux en malfrat gay à l’accent absolument indéchiffrable. Il est hilarant. À sa sortie, « USUAL SUSPECTS » avait marqué les esprits et installé Singer dans le peloton de tête des réalisateurs à suivre. Un quart de siècle plus tard, le film semble en apesanteur, sans substance, mais l’épilogue, vraiment malin, vaut à lui seul le détour.