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Archives de Catégorie: LES FILMS DE DIANE KEATON

« À LA RECHERCHE DE MR. GOODBAR » (1977)

Écrit et réalisé par Richard Brooks d’après le best-seller de Judith Rossner, « À LA RECHERCHE DE MR. GOODBAR » télescope le savoir-faire d’un tough guy hollywoodien de 65 ans avec l’Amérique de l’après-Vietnam et de l’avant-SIDA.

Est-ce le panorama réaliste d’une jeunesse livrée à elle-même ? D’une perte des valeurs qui faisaient « l’America great » ? Le portrait d’une jeune femme opprimée par sa famille et son enfance traumatisante et qui se libère trop vite, trop fort ? Ou est-ce la vision réactionnaire et partiale d’un homme, Brooks, confronté à une génération qu’il juge sans la comprendre ? Tout à la fois, probablement. Centré sur Diane Keaton, qui enseigne le jour à des enfants sourds-muets et la nuit, se transforme en nymphomane cocaïnée, le scénario ressemble à une longue chute libre, de plus en plus sordide, de plus en plus sinistre. Les amants de Keaton sont, pour la plupart, des détraqués, des losers de tous milieux. C’est un monde sans amour, sans joie que s’évertue à dépeindre Brooks et la fin est une véritable descente aux enfers sous une lumière stroboscopique. Le film est trop long, trop répétitif, le message trop lourd et Keaton, omniprésente se laisse aller à ses tics de jeu sans aucune retenue. Parmi les seconds rôles, il faut subir le cabotinage narcissique du jeune Richard Gere, déjà insupportable, le jeu très Actors Studio de Tuesday Weld en sœur dévoyée. Tom Berenger est excellent en ex-taulard gay et tourmenté, véritable ange de la mort. On aperçoit Brian Dennehy en infirmier. « GOODBAR » a vieilli, l’enchaînement de tubes disco est lassant, les séquences fantasmées sont trop nombreuses et vaines. Le film, invisible depuis des décennies, gâche le souvenir qu’on pouvait en avoir.

À noter : lors de sa première rencontre avec Gere dans un bar, Keaton est en train de lire « LE PARRAIN » de Mario Puzo, elle qui incarna Kay dans le film de 1972.

DIANE KEATON, RICHARD BRIGHT ET TOM BERENGER
 

« SIMPLES SECRETS » (1996)

Adapté d’une pièce de théâtre, « SIMPLES SECRETS » de Jerry Zaks a pour particularité de réunir un casting cinq étoiles pour un film qui évoque ces « movies of the week » diffusés à la télé et centrés généralement sur la famille, la maladie, la vieillesse…

C’est dire que cela ne remonte pas le moral ! Diane Keaton, vieille fille vivant avec son père et sa tante à moitié gâteux tous les deux, apprend qu’elle est atteinte de leucémie. Seule une greffe de moelle peut la sauver et c’est sa sœur Meryl Streep qu’elle n’a pas vue depuis 20 ans, qui peut la lui donner. Un sujet bateau, à l’émotion souvent trafiquée, mais qui fait parfois mouche grâce au métier de ses vedettes auxquelles il faut ajouter Leonardo DiCaprio excellent en neveu rebelle et névrosé, Hume Cronyn très réaliste en père mourant et retombé en enfance, Robert De Niro en médecin distrait : il n’a pas suffisamment de temps pour développer un véritable personnage. Il parvient tout de même à arracher un sourire dans les moments avec son frère abruti (Dan Hedaya) qu’il vient d’engager comme secrétaire. Tout est prévisible dans « SIMPLES SECRETS » (« LA CHAMBRE DE MARVIN » en v.o.) et ce ne sont pas les aérations artificielles (une balade en voiture, une visite à Disneyworld) qui effacent le côté théâtral des dialogues. On peut le voir éventuellement, pour retrouver ces grands comédiens encore jeunes et en pleine possession de leurs moyens. Si Streep ne fait rien qu’elle n’ait déjà fait avant, elle s’efface derrière Keaton, drôle et lumineuse, dans un rôle sans épaisseur auquel elle apporte vie et émotion. Son monologue sur la noyade du seul amour de sa vie serre la gorge par la précision de son jeu tout en ruptures. Un film nullement honteux donc, mais qui a du mal à imprimer la mémoire, à voir comme un passe-temps un brin cafardeux.

HUME CRONYN, DIANE KEATON, MERYL STREEP, LEONARDO DI CAPRIO ET ROBERT DE NIRO
 

« MORNING GLORY » (2010)

« MORNING GLORY », réalisé par Roger Michell qui signa le sympathique « COUP DE FOUDRE À NOTTING HILL », est une comédie se voulant acide sur l’univers de la TV et, tout spécialement, des émissions du matin, sorte de cimetière pour has-beens en fin de parcours.GLORY.jpg

Rachel McAdams, jeune productrice naïve mais ambitieuse, se voit donner pour mission de redresser l’audience d’une de ces émissions antédiluviennes, avant que celle-ci ne soit annulée. Pour ce faire, elle engage Harrison Ford, vieille gloire jetée aux oubliettes, qui se montre particulièrement difficile. C’est tout ? C’est tout ! Le sujet avait du potentiel, mais Michell choisit de jouer la carte de la « rom-com » (comédie romantique), suit sagement un scénario tellement bourré de clichés, qu’on le dirait écrit par un logiciel, et dirige paresseusement son casting. La très jolie McAdams n’offre que deux expressions : le grand sourire enfantin ou l’embarras catastrophé. C’est toujours mieux que le vieux Ford, qui traîne une tête d’enterrement et grimace à tout-va dans un rôle de ronchon égotique qu’on dirait écrit pour Jack Nicholson. Seuls s’en sortent à peu près Diane Keaton très drôle en présentatrice énergique à la langue acérée et Jeff Goldblum en directeur de chaîne blasé et déplaisant. Ce n’est pas grand-chose, « MORNING GLORY ». Une enfilade de lieux-communs sans la moindre surprise, une comédie qui ne fait pas rire, une love story (entre l’héroïne et son collègue le toujours fiable Patrick Wilson) dépourvue d’étincelles, et par ci, par là, quelques répliques amusantes et un ou deux face à face saignants entre Diane Keaton et Harrison Ford, qui laissent deviner ce qu’aurait pu être ce film en de meilleures mains.

À noter : l’expression « Morning glory » sert à définir de façon « poétique » l’érection matinale chez le mâle anglo-saxon.

 

« ANNIE HALL » (1977)

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DIANE KEATON

Woody Allen a juste 40 ans quand il tourne « ANNIE HALL » et, très symboliquement, c’est le premier film de sa maturité de réalisateur, après cinq longs-métrages « d’échauffement ».annie

Sous ses dehors de comédie sentimentale, « ANNIE HALL » est la très autobiographique autopsie d’une relation amoureuse, depuis la rencontre jusqu’à la rupture et même un peu au-delà. Chronologiquement déconstruit en puzzle (Allen a souvent admis que le film trouva sa structure au montage après de nombreuses coupes), le film – même s’il demeure un des plus drôles de l’auteur – n’en dégage pas moins une poignante mélancolie. Celle des occasions manquées, des regrets, du passé dont on n’arrive pas à s’extirper. Tous les thèmes alleniens sont déjà présents, à commencer par le « pygmalionisme » : Woody, stand-up comedian connu, rencontre Diane Keaton (dont le véritable nom est… Hall, rappelons-le !), jeune femme fantasque et naïve du Wisconsin, qu’il va entreprendre d’instruire et de transformer en pure névrosée new-yorkaise, jusqu’à ce que la charmante farfelue du début, se mue progressivement en intellectuelle gavée de psychanalyse qui finit par s’émanciper. Allen utilise des méthodes de narration rares à l’époque : les apartés face-caméra, les dialogues « imaginaires » avec des passants dans la rue pour exprimer ses sentiments intimes, la présence de personnages du présent dans leur propre passé, etc. C’est brillant de bout en bout, souvent à hoqueter de rire (toute la séquence dans la famille WASP des Hall), souvent bouleversant (le manque d’Annie qui se fait cruellement ressentir quand Alvy sort avec d’autres femmes qui font pâle figure en comparaison) et la fin laisse un arrière-goût déroutant, d’une infinie tristesse. « ANNIE HALL » est une œuvre parfaitement ronde et indémodable, dont le charme agit toujours malgré les re-visions multiples. C’est un des plus jolis rôles d’une Diane Keaton radieuse et, dans une distribution très riche, on retiendra Christopher Walken en frère de celle-ci, un fou-à-lier suicidaire, Carol Kane en première épouse, Tony Roberts en éternel « meilleur copain » et, dans des silhouettes : Jeff Goldblum dans une party à L.A. et Sigourney Weaver (impossible à identifier) dans un plan très large à la fin du film. « ANNIE HALL » est un chef-d’œuvre, à voir et à revoir, à savourer, car – comme l’explique la voix « off » finale – on a besoin des œufs !

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WOODY ALLEN ET DIANE KEATON

 

« MEURTRE MYSTÉRIEUX À MANHATTAN » (1993)

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WOODY ALLEN ET DIANE KEATON

Après dix ans à écrire des rôles pour Mia Farrow pour le meilleur et pour le pire, Woody Allen retrouve sa liberté et son coscénariste de « ANNIE HALL » et « MANHATTAN », Marshall Brickman, pour « MEURTRE MYSTÉRIEUX À MANHATTAN », comédie policière pour laquelle il reforme son tandem avec Diane Keaton. On ne saurait rêver nouveau départ plus adéquat !MEURTRE.jpg

Doté d’une intrigue tenant parfaitement la route (un couple de quinquas new-yorkais soupçonne un vieux voisin d’avoir assassiné sa femme), le film est un pur régal de gourmet de bout en bout, un feu d’artifices de bons mots, de situations cocasses et même de suspense. Mais il parle surtout de l’usure du couple, de l’angoisse de devenir « une paire de vieilles chaussures confortables » et du désir beau et dérisoire de faire quelque chose d’insensé avant d’être trop vieux. Avec leur passé commun, Allen et Keaton sont instantanément identifiables comme « vieux couple ». Lui retrouve le goût du slapstick de ses premiers films (il lutte contre les objets, bégaie, trébuche) et elle n’a jamais été aussi énergique et charmante qu’en détective improvisée jouant avec le feu. Ils sont très bien entourés par Alan Alda en vieux copain amoureux d’elle qui l’accompagne dans ses délires, Anjelica Huston en romancière joueuse de poker et Jerry Adler, excellent en assassin potentiel aux faux-airs de papy collectionneur de timbres. « MEURTRE MYSTÉRIEUX À MANHATTAN » est truffé de répliques hilarantes (le dernier échange entre Diane et Woody à la fin mérite d’être revu plusieurs fois d’affilée !), empreint de nostalgie et d’espoir, et les hommages cinéphiliques à Orson Welles ou Billy Wilder sont très finement intégrés et servent l’intrigue au lieu de la plomber comme c’est généralement le cas avec ce genre de clin d’œil. Un petit bijou donc, que ce film-charnière qui marque la fin d’une ère pour l’auteur et va l’emmener à quitter sa zone de confort et à tenter toutes sortes d’expériences inédites pour lui.

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DIANE KEATON, ALAN ALDA, ANJELICA HUSTON ET WOODY ALLEN

 

« RADIO DAYS » (1987)

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RENÉE LIPPIN, SETH GREEN, MICHAEL TUCKER ET JULIE KAVNER

Tourné en plein dans la plus prolifique partie de la carrière de Woody Allen, « RADIO DAYS » est basé sur ses souvenirs d’enfance à New York dans les années 40, bercés par les émissions de radio écoutées nuit et jour par toute la famille.RADIO.jpg

C’est indéniablement un des plus jolis films de l’auteur, qui assure la voix « off » tout du long. Une mosaïque nostalgique, à l’ironie bienveillante, qui brosse un portrait à la fois lucide et attendri de la vie d’un clan familial pittoresque, un peu ridicule, mais extrêmement attachant et chaleureux. La vie quotidienne est entrecoupée de vignettes sur la vie rêvée des stars de la radio, des personnages hauts-en-couleur, dont Woody Allen relate les beaux jours avec les yeux émerveillés de l’enfance et le désenchantement de l’âge adulte. On retrouve l’influence fellinienne de « STARDUST MEMORIES » dans cet amoncèlement d’images, de chansons, le Fellini de « AMARCORD », cette fois. « RADIO DAYS » est un véritable chef-d’œuvre d’équilibre et de tendresse. Autour du petit Seth Green, idéale incarnation de Woody enfant, le casting est un pur miracle : Michael Tucker et Julie Kavner sont drôles et émouvants en parents qui ne cessent de se houspiller en s’adorant, Dianne Wiest trouve son plus joli rôle en tante malchanceuse en amour (scène sublime avec un de ses « soupirants », joué par Robert Joy, qui s’avère être homosexuel !), Mia Farrow est formidable en gourde à la voix suraiguë qui couche pour réussir, il faudrait citer aussi les apparitions de Danny Aiello, Wallace Shawn, Tony Roberts, etc. Sans oublier le délicieux caméo de Diane Keaton, le temps d’une chanson. Un enchantement donc, que ce « RADIO DAYS » qui en révèle tant, sans en avoir l’air, sur la personnalité de Woody Allen. Le genre de film si foisonnant, si riche visuellement et thématiquement, qu’on peut le revoir fréquemment sans jamais en être complètement rassasié. Dans le top five du réalisateur.

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WALLACE SHAWN, MIA FARROW, TONY ROBERTS, DIANE KEATON, DIANNE WIEST ET ROBERT JOY

 

« TOMBE LES FILLES ET TAIS-TOI ! » (1972)

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DIANE KEATON ET WOODY ALLEN

Adapté de la pièce de théâtre qui fit connaître Woody Allen du grand public U.S., « TOMBE LES FILLES ET TAIS-TOI ! » (horrible titre français s’il en fut) réutilise le casting original et c’est Herbert Ross qui se charge de la mise en images et de « l’aération » du huis clos de la pièce.PLAY

Après avoir vu évoluer l’écriture et le personnage d’Allen de film en film au fil des décennies, ce « Allan Felix » semble bien simpliste et caricatural : un critique de cinéma immature, terrifié par les femmes, hypocondriaque et préférant se réfugier dans les fantasmes adolescents plutôt qu’affronter la vie d’adulte. Il est gaffeur, maladroit (le pénible et peu drôle numéro avec le séchoir à cheveux), ridicule, attachant à la longue, mais à trop vouloir accumuler les bons mots, les situations comiques, le scénario empêche toute profondeur. Cela reste truffé de bonnes idées, déjà présentes dans la pièce, comme les apparitions de l’ami imaginaire qui prend les traits d’Humphrey Bogart (excellente imitation de Jerry Lacy) et ce final calqué sur « CASABLANCA », adroitement amené. Mais le cœur du film, ce qui a le moins vieilli, c’est encore la relation évolutive de Woody et de Diane Keaton, l’épouse compatissante de son meilleur ami (Tony Roberts). Les deux acteurs fonctionnent si parfaitement ensemble, qu’ils apportent de l’humanité et de la tendresse au film tout entier. Tous leurs face-à-face sont un vrai régal et rehaussent ce film sympathique mais extrêmement daté et mécanique dans sa progression. « PLAY IT AGAIN, SAM » aurait pu être le troisième film de Allen en tant qu’auteur-réalisateur, il n’aurait pas déparé dans sa filmographie, et peut-être aurait-il pu y apporter un peu plus de fantaisie et de légèreté. Dans une distribution assez réduite, on reconnaît la belle Susan Anspach (« CINQ PIÈCES FACILES ») jouant l’ex-femme de Woody.

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DIANE KEATON, WOODY ALLEN ET JERRY LACY

 

« WOODY ET LES ROBOTS » (1973)

SLEEPER.jpg« WOODY ET LES ROBOTS » (épouvantable titre français parmi les épouvantables !) est le 4ᵉ long-métrage réalisé par Woody Allen. C’est une fable futuriste qui démarre comme « HIBERNATUS », pioche ensuite dans Orwell, Lang et Chaplin pour suivre un quidam du 20ᵉ siècle cryogénisé pendant 200 ans, qui se réveille dans une société totalitaire dirigée par un Big Brother tout-puissant.

L’idée est bonne, mais force est de reconnaître que le film a terriblement vieilli dans sa forme comme dans son fond. Allen sacrifie tout au bon mot, au slapstick, aux gags les plus primaires et « SLEEPER » apparaît aujourd’hui comme l’embryon torché à la va-vite de l’œuvre à venir de l’homme de Manhattan. Bien sûr, on sourit de temps en temps à des répliques assassines sur l’American Way of Life des seventies, on se laisse aller au charme de Diane Keaton qu’on voit passer du stade de poétesse (nulle) et frigide à celui de passionaria au sang chaud. Quelques instants, çà et là, laissent entrevoir sa complicité avec Allen qui sera bien mieux exploitée quelque temps plus tard. On pense à cette scène délirante où il se prend pour Blanche DuBois, tandis qu’elle imite Brando (qu’elle venait de côtoyer dans « LE PARRAIN »)  en Stanley Kowalski ! C’est donc dans la perspective de la filmographie de l’auteur, qu’il faut envisager de revoir « SLEEPER ». Il se cherchait encore, s’appuyait sur un humour visuel qu’il abandonna rapidement par la suite et désirait manifestement créer un personnage à la Charlot ou Buster Keaton pour asseoir son vedettariat naissant. Mais on sent trop l’influence de ses sketches télé, du one-man-show, et l’ensemble n’est pas maîtrisé. Deux ans plus tard, Allen fera un véritable bond en avant avec « GUERRE ET AMOUR », film-charnière qui l’amènera logiquement à « ANNIE HALL » et au reste de son parcours.

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DIANE KEATON ET WOODY ALLEN

 

« GUERRE ET AMOUR » (1975)

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DIANE KEATON ET WOODY ALLEN

« GUERRE ET AMOUR » est le dernier film de la première période de la carrière de Woody Allen, c’est-à-dire les films purement « comiques ». C’est aussi un des plus délectables, toutes époques confondues, et contenant en germe tout l’avenir du cinéaste.GUERRE

C’est, à la base, un pastiche de la littérature russe du 19ème siècle, surtout de Tolstoï et Dostoïevski, truffé d’anachronismes, d’hommages visuels à Ingmar Bergman, et suivant deux personnages extrêmement bien dessinés : Woody d’abord, fils de paysans couard et obsédé sexuel et Diane Keaton femme libérée avant l’heure, sorte de Mme Bovary exaltée. Ensemble, ils traversent les guerres napoléoniennes, tentent même d’assassiner l’empereur dans une espèce d’euphorie contagieuse provoquée par une avalanche ininterrompue de bons mots, de situations absurdes et d’allusions salaces. Tourné en France et en Hongrie, avec des moyens conséquents, avec une équipe principalement française (Ghislain Cloquet à la photo), « GUERRE ET AMOUR » ne cesse de faire sourire et réserve plusieurs éclats de rire mémorables. Comment résister au vieux père de Woody trimbalant sur lui son minuscule lopin de terre ? Au premier mari de Diane obsédé par les harengs ? À la balle tirée en l’air qui retombe sur notre « héros » ? À tant d’autres gags verbaux ou visuels qui font mouche pratiquement à chaque fois… Diane Keaton n’a jamais été aussi charmante, aussi précise dans le timing de comédie, aussi excentrique. Elle fait jeu égal avec Woody, pareil à lui-même. Les apparitions de la Grande Faucheuse vêtue de blanc renvoient à Bergman, le petit rôle de Jessica Harper à la fin est un magnifique clin d’œil à « PERSONA » et la danse finale de Woody avec la Mort dans un décor bucolique, clôture ce petit chef-d’œuvre d’humour référentiel et trivial, sur une note idéale.

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WOODY ALLEN, DIANE KEATON ET HOWARD VERNON

 

« INTÉRIEURS » (1978)

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DIANE KEATON, SAM WATERSTON ET MARY BETH HURT

« INTÉRIEURS » est le premier film entièrement « sérieux » réalisé par Woody Allen et, s’il fut très moyennement accueilli par la critique à sa sortie, il a été réévalué depuis, mais il reste souvent raillé aujourd’hui comme n’étant qu’un décalque de l’œuvre d’Ingmar Bergman à la sauce Tchekhov. Ce n’est d’ailleurs pas entièrement faux, mais le film vaut bien mieux que cela et mérite qu’on mette enfin de côté cette étiquette réductrice et vaguement condescendante.INTERIORS.jpg

Le scénario conte le divorce d’une « femme remarquable » (Geraldine Page), élégante, distinguée, grande décoratrice d’intérieur new-yorkaise qui est brutalement quittée par son mari (E.G. Marshall). Autour d’elle, ses trois filles (Diane Keaton, Mary Beth Hurt et Kristin Griffith) qu’elle n’a jamais su aimer. C’est la rapide décomposition de cette famille dysfonctionnelle que décrit « INTÉRIEURS » avec austérité et sans le moindre trait d’humour. Photographié par Gordon Willis, c’est une œuvre blanche et beige, glaciale, dont le seul point de couleur est apporté par la nouvelle fiancée du père (Maureen Stapleton) et ses robes rouges-vif, qui à sa façon va redonner vie à ces intellectuels névrosés et dépourvus de toute spontanéité ou joie de vivre. Il est aisé de rejeter le film en bloc, tant il est homogène et, à sa façon, jusqu’au-boutiste. Mais pour peu qu’on pénètre dans cet univers feutré, hors du temps, qu’on passe l’irritation provoquée par ces personnages cérébraux, plaintifs et tristes à pleurer, pour capter leur humanité, c’est un très beau film profond et universel sur la famille et la difficulté à s’aimer. Outre les magnifiques comédiens déjà cités – et tous exceptionnels – on voit également Sam Waterston en journaliste politique fiancé à la cadette (il a du mérite !) et Richard Jordan en écrivain raté, aigri et déplaisant. À redécouvrir donc, « INTÉRIEURS » qui dépasse rapidement ses faux-airs bergmaniens pour un « trip » difficile d’accès et angoissant, qui s’achève en tragédie antique.

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MAUREEN STAPLETON, MARY BETH HURT, SAM WATERSTON, GERALDINE PAGE ET E.G. MARSHALL