Archives Mensuelles: avril 2014
« RETOUR À HOWARDS END » (1992)
Il n’y a vraiment que les Anglais pour raconter autant de choses et aborder autant de thèmes, sous couvert d’une (apparemment) simple histoire de famille, de veuvage, de fratrie, de maison à la campagne.
« RETOUR À HOWARDS END » est une merveille de délicatesse, de précision dans le détail, maniant la suggestion et le non-dit avec une maestria inouïe et travaillant le moindre personnage jusqu’à la moelle. C’est l’étrange relation entre Vanessa Redgrave, épouse malade du bourgeois Anthony Hopkins, et sa jeune voisine Emma Thompson, qui fascine au premier abord : la première passe littéralement de relais à sa cadette en lui léguant sa maison. Et par la force du destin, celle-ci va devenir une sorte de double régénéré de son amie allant jusqu’à épouser son mari. C’est beau et émouvant, tout comme l’enchaînement de hasards, de coïncidences, de fatalités, qui vont priver la jeune femme de la maison pour ensuite la lui restituer. Le scénario suit également le parcours d’Helena Bonham-Carter, jeune sœur exaltée d’Emma Thompson, amoureuse d’un garçon pauvre qu’elle va mener à sa perte. C’est le côte cruellement lucide de l’histoire, qui fera du malheureux la seule victime de ces petits jeux entre nantis. Un « sacrifice » qui jette une lumière beaucoup moins romantique sur ces personnages engoncés dans leur milieu et défendant leur caste bec et ongles. La photo est sublime, le montage semble parfois heurté comme si des scènes étaient coupées avant d’être arrivées à terme, mais l’interprétation est au-delà de toute louange : Hopkins froid et dur sous ses dehors débonnaires. Sa façon de se cacher les yeux d’une main quand il a honte frise le pur génie. Thompson est douce et lumineuse, laissant tout de même entrevoir un aspect calculateur de sa personnalité. Tous les comédiens sont parfaits.
« RETOUR À HOWARDS END » est une des grandes réussites de James Ivory qui nage ici comme un poisson dans l’eau et parvient à captiver avec presque rien. Un « presque rien » qui traite pourtant de presque tout…
CHARLEY TALKS ! (24)
Au début de « KINJITE », le flic Charles Bronson punit un violeur d’adolescentes en lui rendant la monnaie de sa pièce avec un godemiché.
Quand il se retrouve face au « mac » responsable, il semble ne pas avoir envie de recommencer l’expérience. Aussi trouve-t-il une autre punition, encore plus choquante… Comment peut-on montrer aussi peu de respect envers une Rolex ?
« LES OMBRES DU COEUR » (1993)
Richard Attenborough est un acteur anglais qui tourna dans plusieurs classiques, apparut dans des productions U.S. et qui signa 12 films comme réalisateur. Pour la plupart des superproductions hypertrophiées, bourrées de stars jusqu’à la gueule et généralement peu convaincantes. C’est pourquoi « LES OMBRES DU CŒUR » est-il une si heureuse surprise. C’est – et de très loin – son plus beau film, même s’il s’agit une fois de plus d’un ‘biopic’ et d’une reconstitution « historique ».
Le scénario conte l’histoire d’amour de l’écrivain et professeur C.S. Lewis avec une admiratrice américaine venue lui rendre visite à Oxford. L’intérêt vient du choc des cultures et surtout des caractères : elle femme libre au franc-parler, se confrontant courageusement à la dure réalité, lui cloîtré dans son cocon, dans sa vie de vieux garçon cérébral et réprimant ses sentiments jusqu’à l’implosion. Un type de rôle dans lequel Anthony Hopkins excelle depuis longtemps et particulièrement depuis sa collaboration avec James Ivory. Là, il atteint certains sommets dans l’excessivement subtil… On pense à « 84 CHARING CROSS ROAD » où le même Hopkins entretenait déjà ce genre de relation avec une « yankee », mais uniquement par courrier. Ici le face-à-face est bien concret et la lumineuse Debra Winger est un parfait « sparring partner » pour Hopkins. Toutes leurs scènes ensemble génèrent une émotion de plus en plus difficile à contenir. Jusqu’à ce que la maladie vienne accélérer le processus et jeter un voile tragique sur le couple. Ça pourrait être un mélo épouvantable, d’autant qu’un jeune garçon est impliqué, mais par sa réalisation ample et agréablement académique, par la finesse extrême de sa direction d’acteurs, Attenborough tire tout le suc de cette belle histoire interrompue. Notons également la remarquable prestation de Edward Hardwicke en frère taciturne et porté sur le gin du professeur. « LES OMBRES DU CŒUR » est donc un petit miracle d’équilibre, de sensibilité, ce genre de film qui donne à réfléchir sur la précarité du bonheur, sur le temps qui passe, la vie qu’il ne faut surtout pas gaspiller… Beau film, vraiment.