« VICTORIA » est un film quasi-expérimental, valable non pas pour ce qu’il raconte mais par la manière dont il le raconte. C’est en effet – que le procédé soit « truqué » ou non – un long plan-séquence de plus deux heures, en temps réel, suivant la nuit d’une jeune Espagnole exilée à Berlin, sa rencontre avec une bande de voyous pas trop futés qui l’entraînent dans un engrenage fatal.
Le pari est osé. Les quarante premières minutes – et ça peut être très long, quarante minutes ! – sont consacrées à des scènes quotidiennes en boîte de nuit, à des impros plus ou moins passionnantes dans les rues de Berlin, à l’idylle naissante entre l’agaçante Laia Costa et un des glandeurs alcoolisés. Il faut s’accrocher car l’envie de zapper se fait de plus en plus pressante. Mais quand le scénario se précise, qu’on comprend que la bande de bras-cassés doit commettre un braquage pour le compte d’un gangster et que notre héroïne (un peu stupide) accepte de les suivre, le film s’emballe et entre dans un rythme plus soutenu, montrant nos idiots allant de charybde en scylla.
Le parti-pris du « temps réel » oblige à attendre la suite, quitte à s’infliger d’interminables trajets en voiture, des séquences dialoguées vraiment indigentes et des impasses parfois trop raides. Mais qu’on le veuille ou non, on suit ce qui n’est au fond qu’un banal ersatz de ‘film noir’ jusqu’au bout, pris en otage par ce torrent d’images fluide et ininterrompu, proche du reportage de guerre.
Pari réussi donc, malgré les longueurs et l’absence de substance psychologique ou émotionnelle. On a beau être « accro », on se fiche royalement de ce qui peut arriver aux protagonistes et on sent déjà, en regardant le dernier plan, qu’il ne restera pas grand-chose en mémoire de ces 130 minutes.