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Archives de Catégorie: LES FILMS DE BURT LANCASTER

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AUJOURD’HUI, IL AURAIT EU 110 ANS…

 
 

« RACCROCHEZ, C’EST UNE ERREUR » (1948)

BURT LANCASTER

Écrit par Lucille Fletcher d’après sa propre pièce radiophonique à succès, réalisé par Anatole Litvak, « RACCROCHEZ, C’EST UNE ERREUR » est un thriller en huis clos aéré par de nombreux flash-backs imbriqués les uns dans les autres. C’est très alambiqué, pas toujours palpitant et les enjeux s’avèrent, à l’usage, un peu faibles, tous les personnages étant antipathiques.

Le plus déconcertant est d’avoir distribué deux acteurs réputés pour leur fort caractère et leur personnalité dominante, dans des rôles d’individus faibles, à l’intelligence limitée. Barbara Stanwyck, alitée la moitié du temps joue une héritière souffrant d’un mal psychosomatique. Pendue au téléphone, elle est cœur d’un complot difficile à suivre, qui fait d’elle la victime désignée d’un « contrat ». Elle pleure beaucoup, engueule les standardistes et tremble de terreur. C’était plutôt un rôle pour Joan Crawford ! Quant à Burt Lancaster, alors en pleine ascension, il campe un prolo ambitieux et peu scrupuleux qui épouse Barbara pour son argent. Il ne semble pas très à l’aise. Nous l’avons dit plus haut, le principal problème du scénario est qu’on ne s’attache à aucun des protagonistes, ce ne sont que des pantins sans profondeur, sans charme ni humour. Étonnant tout de même, avec des acteurs d’un tel calibre, qui étaient en plus des icônes du film noir, que la mayonnaise n’ait pas pris. Autour d’eux des seconds rôles sans épaisseur comme Ed Begley en père de notre piteuse héroïne ou William Conrad très bien en mafieux à la grosse figure débonnaire. Avec sa photo, son atmosphère inimitable, sa maîtrise du flash-back, « RACCROCHEZ, C’EST UNE ERREUR » avait tout pour être un classique du thriller psychologique. À l’arrivée, c’est une déception, un exercice de style froid et mécanique, qui gaspille son couple de stars. Dommage…

BARBARA STANWYCK, BURT LANCASTER ET WILLIAM CONRAD
 

« L’ODYSSÉE DU SOUS-MARIN NERKA » (1958)

« L’ODYSSÉE DU SOUS-MARIN NERKA » de Robert Wise est le digne représentant d’un sous-genre du film de guerre se déroulant aux trois-quarts sous l’eau. Il présente pour intérêt son réalisateur d’abord et son duo de vedettes : le vétéran et le jeune qui monte.

À 57 ans, Clark Gable fait beaucoup plus vieux que son âge et à 45 ans, Burt Lancaster fait bien plus jeune. L’aîné joue un officier qui retourne après un an dans la zone où son sous-marin fut coulé par les Japonais, désireux de venger son équipage. Le second, frustré de n’avoir pas été nommé commandant, s’oppose immédiatement à son autorité. L’affrontement est un peu émoussé par le jeu ankylosé et grimaçant de Gable qui ne fait vraiment pas le poids face à l’énergie contenue et la prestance physique de Lancaster. Moins bon comédien que Gary Cooper qui avait su éviter le piège dans « VERA CRUZ », Gable est éclipsé par son partenaire. Le suspense n’en demeure pas moins efficace, à condition de fermer les yeux sur les maquettes beaucoup trop visibles et sur un dialogue purement fonctionnel et truffé de vieux clichés. Le passé de monteur de Wise se ressent pendant tout le film : aucune scène inutilement diluée, une attention soutenue de bout en bout et des cadrages puissants. Autour du duo de stars, d’excellents seconds rôles : Jack Warden en bras-droit fidèle à son commandant, Brad Dexter en intrigant qui rappelle Fred McMurray dans « OURAGAN SUR LE CAINE », Don Rickles en rigolo de service et Nick Cravat, inséparable sidekick de Lancaster avec son accent du Bronx à couper au couteau. « L’ODYSSÉE DU SOUS-MARIN NERKA » se laisse regarder avec plaisir, sans enthousiasme démesuré certes, mais sans ennui. Un face à face Lancaster-Bogart, par exemple, aurait probablement rehaussé l’ensemble. Mais Bogie hélas, était mort l’année précédente !

BURT LANCASTER, RUDY BOND, BRAD DEXTER, CLARK GABLE ET DON RICKLES
 

« VIOLENCE ET PASSION » (1974)

« VIOLENCE ET PASSION » est l’avant-dernier film de Luchino Visconti et ressemble fortement à un testament, explorant plus avant les thématiques de « MORT À VENISE » tourné trois ans plus tôt.

Burt Lancaster, l’ancien Guépard, est un vieil érudit américain vivant dans un immeuble romain avec ses livres poussiéreux et ses toiles de maîtres accrochées aux murs. Son univers mortifère vole en éclats quand une famille de parvenus s’installe dans l’appartement au-dessus du sien (et qui lui appartient aussi !). Le solitaire est confronté à une mère autoritaire (Silvana Mangano), sa fille (Claudia Marsani) et le gigolo allemand de Madame (Helmut Berger). C’est un film en huis clos, très théâtral, sans le moindre extérieur, lourdement symbolique, mais auquel Lancaster apporte vie et émotion. À seulement 61 ans, il incarne un vieillard confiné et asocial, ressassant ses souvenirs et se découvrant subitement une famille dysfonctionnelle et insupportable alors qu’il s’y attendait le moins. Sa relation avec Berger, qui n’est pas sans évoquer celle de « MORT À VENISE » déjà mentionné, ne va hélas pas très loin, à cause de l’insigne transparence du jeune acteur. Maniéré, beaucoup trop présent à l’image, il a un long monologue « politique » vers la fin, qui devient embarrassant tant il tombe comme un cheveu sur la soupe et tant il est mal joué. Alors donc, tout ceci n’était en fin de compte qu’une parabole sociale ? Le gigolo était un terroriste ? À ce stade, le petit charme du film s’est complètement évaporé et l’agacement l’a emporté sur tout le reste. Mangano surjoue, toujours sur la même note, on aperçoit Romolo Valli en avocat et on entrevoit – le temps de deux caméos en flash-backs – Dominique Sanda jouant la mère de Burt et Claudia Cardinale son épouse. Les deux heures de « VIOLENCE ET PASSION » ne sont pas forcément très digestes, mais le côté autobiographique accroche tout de même l’intérêt, le tout dernier plan est superbe et prend à la gorge et la réunion Visconti-Lancaster valait le détour.

BURT LANCASTER, SILVANA MANGANO ET CLAUDIA CARDINALE
 

« AIRPORT » (1970)

Écrit et réalisé par George Seaton (et Henry Hathaway non mentionné au générique, qui a tourné les séquences d’extérieurs), « AIRPORT » est un film quasiment impossible à juger aujourd’hui de façon impartiale. Trop de sequels, de plagiats, de pastiches à commencer par « Y A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION ? », en ont définitivement pollué la vision.

Mètre-étalon du film-catastrophe inspiré d’un best-seller d’Arthur Hailey, c’est une énorme production décrivant les coulisses d’un grand aéroport international confronté à un saboteur monté à bord d’un Boeing. Le scénario, d’une absolue lourdeur, mélange les scènes « techniques » avec d’assommantes vignettes sorties d’un soap opera. Tous les personnages sont des clichés sur pattes et la brochette de stars réunie pour l’occasion n’a rien à se mettre sous la dent. Ils se rabaissent à jouer comme dans « LES FEUX DE L’AMOUR ». Un gros chèque justifiant ces prestations consternantes. Burt Lancaster en big boss de l’aéroport semble crispé, vexé d’être aussi sous-employé. Il passe tout le film à aboyer des ordres dans un micro et à se disputer avec sa femme qui demande le divorce. Dean Martin est un pilote totalement invraisemblable. Qui oserait monter dans un avion piloté par « Dino » ? Helen Hayes en fait des tonnes en petite vieille fraudeuse infiniment trop présente dans le montage, George Kennedy joue un chef-mécanicien à gros cigare, un personnage qu’il reprendra dans les trois suites. Les pauvres Jean Seberg et Jacqueline Bisset servent docilement la soupe à leurs mâles partenaires. Seuls Van Heflin et Maureen Stapleton offrent des prestations décentes dans les rôles du poseur de bombes loser et suicidaire et de sa femme stoïque. « AIRPORT » dure plus de deux heures et on en sent passer chaque minute. C’est un cinéma complètement dépassé, obsolète, qui a sans doute pu impressionner les foules il y a 50 ans, mais qui n’offre aujourd’hui qu’un spectacle à peu près aussi pénible que sa BO à se boucher les oreilles.

BURT LANCASTER, GEORGE KENNEDY, MAUREEN STAPLETON, VAN HEFLIN, DEAN MARTIN ET JACQUELINE BISSET
 
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AUJOURD’HUI, IL AURAIT EU 109 ANS…

 
 

« COUP DOUBLE » (1986)

« COUP DOUBLE » de Jeff Kanew n’est rien d’autre qu’un hommage respectueux et admiratif des auteurs aux héros de leur jeunesse : Burt Lancaster et Kirk Douglas, deux pilleurs de trains, qui viennent de purger 30 ans de prison et se retrouvent dans les années 80, complètement dépaysés et traités comme des vieillards impotents. Ce qu’ils ne sont pas encore tout à fait.

Avec le recul des années, le choc des époques a pris un autre sens, puisqu’aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les années 50 qui paraissent loin, mais aussi les eighties ! Aussi, les punks, les tags, les cours d’aérobic, les coupes de cheveux, semblent-ils encore plus désuets que les costards à rayures de nos héros. Douglas s’amuse de sa propre image narcissique, en exhibant ses biceps, alors que Lancaster – un peu plus âgé – apporte une espèce de gravitas au film tout entier. Enfermé dans une maison de retraite, usé, cafardeux, il compose un personnage bien plus réaliste et émouvant que son vieux co-équipier. Mais quand le tandem d’OK-Corral se reforme et ressort les flingues, le plaisir est total. Ils sont la raison d’être de ce film sympathique, un brin réac sur les bords, qu’ils habitent de leur présence encore intacte et de leur relation fraternelle et conflictuelle. Autour d’eux, de bons seconds rôles, particulièrement Eli Wallach absolument fabuleux en vieux tueur à gages à moitié aveugle et jurant comme un charretier, qui attend de leur régler leur compte depuis… 1956. On retrouve avec plaisir Alexis Smith qui renoue sa liaison avec Burt dans l’EHPAD. Curieux mélange de comédie débridée et de nostalgie donc, pour ce film-hommage vraiment touchant dans le principe, mais qui, à l’instar de ses deux protagonistes, a pris quelques rides. Mais malgré tout, c’est un tel bonheur de les revoir côte à côte, encore vaillants, après toutes ces années !

KIRK DOUGLAS, BURT LANCASTER ET ELI WALLACH
 

« LES PARACHUTISTES ARRIVENT » (1969)

« LES PARACHUTISTES ARRIVENT » inspiré d’un roman de James Drought, est le dernier des cinq films que John Frankenheimer tourna avec Burt Lancaster en tête d’affiche et c’est une plutôt belle sortie de scène pour le tandem.

Cette tranche d’Americana décrit le quotidien d’un trio de parachutistes acrobatiques présentant des spectacles de ville en ville, menant une vie de nomades sans attaches. L’un (Lancaster) atteindra bientôt l’âge limite, l’autre (Gene Hackman) est l’organisateur, le comptable, le troisième (Scott Wilson) est le jeunot. Ils s’arrêtent dans la ville natale de ce dernier, où les attend la tragédie et la fin de leur mode de vie. C’est un film réaliste, terriblement pessimiste, sans aucun artifice hollywoodien. La province est sinistre, triste à mourir, les aventures d’un soir sont déprimantes. Alors qu’il disparaît bien avant la fin, le personnage de Lancaster est le plus fascinant : discret et peu bavard, il se sent vieillir et semble habité d’un « death wish » qui rien ne saura dissiper. Il retrouve Deborah Kerr, sorte de Mme Bovary mal mariée, après « TANT QU’IL Y AURA DES HOMMES » et leur scène d’amour sera étonnamment plus déshabillée, mais moins glamour que la précédente. Hackman est remarquable en « beauf » sympathique, Wilson parfait. Parmi les seconds rôles, on retient Sheree North en strip-teaseuse sans illusion et sachant se contenter de peu et Bonnie Bedelia en étudiante compatissante. William Windom compose un bien trouble cocu complaisant. Les cadrages dynamiques coutumiers du réalisateur font merveille, la direction d’acteurs et sans faille, d’une finesse inouïe et les séquences de cascades aériennes font de l’effet même si elles sont un peu longuettes à l’arrivée. À voir donc, ce beau film triste, ancré dans une réalité peu reluisante, rarement montrée dans le cinéma U.S. Et puis… pour le grand Burt, cela va sans dire.

BURT LANCASTER, DEBORAH KERR, SHEREE NORTH, BONNIE BEDELIA ET GENE HACKMAN
 

« LE MERDIER » (1978)

BURT LANCASTER

« LE MERDIER » de Ted Post a précédé de très peu les classiques « VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER » et « APOCALYPSE NOW », et s’il traite de la guerre du Vietnam, il se déroule quelques années avant les deux œuvres citées, en I964 pour être précis, alors qu’elle n’en était qu’à ses prémices.

Dès le début, avec sa photo de téléfilm, ses décors sans ampleur et sa mise-en-scène dépourvue de tout style, on sent que le film ne boxera pas dans la même catégorie que les Cimino et Coppola. C’est pourtant loin d’être inintéressant et le scénario tiré d’un roman, dépeint une fois de plus l’absurdité de la guerre en rendant les enjeux confus et les massacres vides de sens. Tous les personnages ont une réelle épaisseur humaine, à commencer par Craig Wasson en « touriste » qui voulait voir à quoi ressemble une guerre et ne rêve plus que de rentrer à la maison. Evan C. Kim, authentique voleur de scènes, est excellent en guerrier vietnamien à la machette tranchante, Jonathan Goldsmith également en vétéran au bout du rouleau ou James Hong en vieil homme loyal et courageux. Mais c’est bien sûr Burt Lancaster qui attire tous les regards. À 65 ans, il campe un commandant boiteux et balafré, cynique et blasé, qui retrouve – pour un bref moment – ses idéaux de jeunesse grâce au naïf héroïsme de Wasson. Lancaster a un monologue en gros-plan où il explique pourquoi il n’est jamais monté en grade. Et son récit, plutôt salace, fait directement allusion à son personnage dans « TANT QU’IL Y AURA DES HOMMES ». « LE MERDIER » manque cruellement de moyens et de vision pour s’inscrire dans les classiques du genre, mais grâce à Lancaster et à ses jeunes partenaires, tous parfaitement castés, il capte l’intérêt malgré quelques coups de mou et mérite d’être revu.

CRAIG WASSON ET EVAN C. KIM
 

LE RETOUR DE DOC DELANEY !

Petit clin d’œil à l’ami Burt Lancaster, pour un sketch de 15 minutes, récemment exhumé sur YouTube et lui offrant un rôle comique face à… Jerry Lewis et Dean Martin.

BURT LANCASTER, DEAN MARTIN ET JERRY LEWIS

Réalisé en 1953 par Bud Yorkin et diffusé dans la série : « THE COLGATE COMEDY HOUR », ce petit téléfilm permet à Lancaster d’offrir un pastiche très outré de son rôle dans « REVIENS, PETITE SHEBA » (1952), celui d’un alcoolique. En réalité, il fait plutôt penser à une caricature débridée de Peter Lorre dans « M LE MAUDIT » ! Roulant des yeux, grimaçant, quasiment la bave aux lèvres, Burt s’introduit dans la chambre d’hôtel des deux comiques (qui dorment dans le même lit, soit dit en passant !) et les terrorise. C’est de la grosse comédie, sans aucune tenue, les dialogues sont faciles, les acteurs en font des tonnes. On ne retiendra qu’une excellente réplique de Burt, quand Doc Delaney appelle sa femme au téléphone et qu’elle ne le reconnaît pas : « C’est moi ! » s’écrie-t-il, « Ton mari ! Celui qui n’a pas eu l’Oscar ! ». Allusion plutôt drôle à sa partenaire Shirley Booth qui elle, l’avait obtenu pour ce même film. Une rareté donc, qui permettra peut-être de mieux comprendre pourquoi le grand Burt a préféré de pas persévérer dans la comédie.

À noter : Martin et Lancaster se retrouveront 17 ans plus tard en partageant l’affiche de « AIRPORT ».