Adapté d’un roman de George Markstein par Michel Audiard, réalisé par Yves Boisset, « ESPION, LÈVE-TOI » est un thriller d’espionnage situé à Zurich et prenant pour héros Lino Ventura, conseiller financier embourgeoisé, mais en réalité espion « en sommeil » qui voit ses collègues assassinés les uns après les autres.
Audiard et Ventura ont déjà fait dans les films de barbouzes parodiques, mais là le ton est extrêmement sérieux, voire sombre, et l’acteur retrouve son emploi préféré d’homme traqué dont il s’est fait une spécialité depuis « LE SILENCIEUX », seul face à un système qu’il ne comprend plus. On peut arriver en s’accrochant, à suivre l’action, à déchiffrer le sous-texte politique, mais à vrai dire, ce n’est pas cela qui séduit encore dans le film. C’est la distribution « first class » qui maintient l’intérêt. La grande idée est d’avoir confronté Lino égal à lui-même à Michel Piccoli, maestro de l’ambiguïté suave et de la traîtrise affable. Difficile d’imaginer deux comédiens plus différents et, a priori, incompatibles. Pourtant, cela marche et même très bien. Autour d’eux, le jeu de Krystyna Janda est très abîmé par son français tâtonnant, Bernard Fresson apparaît peu hélas, on aperçoit Heinz Bennnent en bibliothécaire gay, Marc Mazza en flingueur-zombie monosyllabique. Et Bruno Cremer, excellent en espion froid et dépourvu d’humanité. De grands professionnels qui font passer un scénario abscons, un whodunit dont on saisit mal les tenants et aboutissants et une photo sans style. La filmographie de Boisset (qui apparaît en figuration dans quelques plans) a étonnamment bien vieilli et certains de ses films ont pris une vraie patine avec les années. Et ne pas oublier la BO d’Ennio Morricone, certes pas une de ses meilleures, mais dont on reconnaît l’auteur aux premières notes du générique entêtant.