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Archives de Catégorie: LES FILMS DE JULIEN DUVIVIER

« LA FEMME ET LE PANTIN » (1958)

Adapté du roman de Pierre Louÿs, « LA FEMME ET LE PANTIN » se situe dans la prestigieuse carrière de Julien Duvivier entre les excellents « POT BOUILLE » et « MARIE-OCTOBRE ». Dire que ce film n’est pas digne du réalisateur est une douce litote !

Manifestement produit pour exploiter le succès de Brigitte Bardot dans « ET DIEU CRÉA LA FEMME », sorti deux ans plus tôt, le film tourné à Séville, est une succession de cartes postales touristiques, suivant une jeune Française déambulant pieds nus dans les rues, une danseuse fantasque et allumeuse (mais vierge !) dont s’éprend un riche éleveur de toros (Antonio Vilar). Se dérobant sans cesse aux avances de l’homme mûr, BB va le mener jusqu’à la déchéance. Le sujet a déjà servi à plusieurs adaptations, mais celle-ci est probablement la pire. Le scénario part en tous sens, perdant un temps fou avec des seconds rôles ineptes (Michel Roux en bon copain fou d’amour, Dario Moreno en patron de boîte particulièrement glauque, Jess Hahn en… dessinateur collant) et on nous assène une révélation inopinée sur le passé de collabo du père de Bardot (Jacques Mauclair) qui ne mène absolument nulle part. Alors on passe le temps – très long, le temps ! – à découvrir la ville, à contempler des fiestas, des numéros de danse interminables et à tenter de comprendre ces personnages têtes-à-claques et dépourvus de substance. Bardot, belle et sauvage, tente d’arborer une expression dure et perverse qui ne lui va pas du tout. Vilar est totalement nul en bellâtre vieillissant et on reconnaît la Russe Lila Kedrova dans un rôle pénible d’ex-danseuse espagnole devenue une pochtronne braillarde. On ne sait que dire sur un ratage comme « LA FEMME ET LE PANTIN ». Normalement, c’est le genre de film qu’on zappe après vingt minutes sans remords, mais la signature de Duvivier incite à pousser plus loin : on doit bien déceler sa « griffe » quelque part ! Eh bien, non. La fin de parcours du cinéaste ne fut pas aussi grandiose que ses débuts, c’est sûr, mais là il s’est vraiment vautré dans les grandes largeurs. À fuir !

BRIGITTE BARDOT, ANTONIO VILAR, LILA KEDROVA, JACQUES MAUCLAIR ET MICHEL ROUX
 

« LE DIABLE ET LES DIX COMMANDEMENTS » (1962)

Julien Duvivier a débuté sa carrière de réalisateur au temps du Muet, a réalisé quelques-uns des plus beaux fleurons du cinéma français d’avant-guerre et encore plusieurs chefs-d’œuvre lors des décennies suivantes. Aussi serait-on tenté de considérer « LE DIABLE ET LES DIX COMMANDEMENTS » comme un faux-pas fâcheux et de l’oublier définitivement. Nobody’s perfect.

C’est un film à sketches avec comme fil rouge le Diable (représenté par un pauvre serpent maigrichon à la voix « off » exaspérante), montrant son pouvoir sur les faibles femmes et hommes. Et… c’est un échec sur toute la ligne ! Malgré un générique éblouissant, les plumes habituellement acérées de Henri Jeanson et Michel Audiard (entre autres), rien ne fonctionne. Les historiettes toutes empreintes de misogynie, s’enchaînent dans une uniforme médiocrité. Que retenir vraiment ? Des bribes çà et là : Alain Delon apprenant que sa vraie mère est une actrice (Danielle Darrieux) frivole et idiote, Louis De Funès plus grimaçant que jamais en braqueur de banques, Charles Aznavour en prêtre voulant venger sa sœur prostituée par un Lino Ventura méchant comme une teigne. À la rigueur… Mais il faut encaisser le cabotinage désinhibé  de Michel Simon en roue-libre, Fernandel dans le rôle de… Dieu (ou presque) jouant du sous-Giono. On notera les minuscules apparitions de Mireille Darc ou Claude Piéplu, Jean Carmet en clochard. C’est un véritable défilé ! Mais pourquoi ? On ne sourit jamais, tous les segments semblent plus interminables les uns que les autres et on ne retrouve jamais le sens du cadrage si personnel de Duvivier qui semble très mal à l’aise avec le format Scope. Quand on a signé « LA FIN DU JOUR », « LA BANDERA » ou « VOICI LE TEMPS DES ASSASSINS », il est certain qu’on a le droit de se vautrer de temps en temps. La fin de carrière de Duvivier n’a aucune commune mesure avec ses grandes années, aussi tirera-t-on un voile pudique sur ce « DIABLE… » bien lamentable.

LINO VENTURA, CHARLES AZNAVOUR, LOUIS DE FUNÈS, JEAN-CLAUDE BRIALY, ALAIN DELON ET DANIELLE DARRIEUX

À noter : pour sa récente sortie en Blu-ray, un 8ème sketch jusque-là inédit a été rajouté au montage. Le pire peut-être, avec Henri Tisot et Dany Saval. On comprend parfaitement qu’il ait été coupé à l’époque !

 

« DAVID GOLDER » (1931)

GOLDERInspiré d’un roman d’Irène Némirovsky, « DAVID GOLDER » est le 23ᵉ film de Julien Duvivier et son premier de l’ère du parlant.

Si dès les premières images, on retrouve la maestria du réalisateur, son sens inné du cadrage, ses mouvements de caméra virtuoses, surtout pour l’époque, on est en revanche révulsé par le portrait qui est fait du personnage joué par Harry Baur. Un business man juif venu de Pologne, obsédé par l’argent, un homme dur, avaricieux. On sent des remugles déplaisants dans la visualisation de Golder et de son associé aux mains crochues et marchant sur la pointe des pieds pour « ne pas user ses semelles ». On n’est pas loin de la propagande antisémite bien dans l’air du temps. Heureusement, cela se dissipe progressivement, alors qu’évolue Golder. Haï par sa femme, vampirisé par son idiote de fille (dont il apprend qu’elle n’est pas sienne), il va finir par faire un infarctus salutaire et remettre sa vie en question. Le scénario est vraiment très bizarre, se perdant en vues touristiques du pays basque, s’égarant sur la fin dans un voyage d’affaires en Russie et s’achevant par un gros-plan du visage barbu et apaisé de Golder filmé quasiment comme un saint. Malgré l’admiration et le respect dus à Duvivier, force est de reconnaître que, au-delà des réticences quant à sa vision des Juifs au début des années 30, « DAVID GOLDER » est extrêmement confus et ennuyeux, qu’il se vautre dans le mélodrame le plus sordide et décrit des personnages caricaturaux, s’attardant sur leurs vilains faciès grimaçants et tourmentés. On pense particulièrement à Paule Andral jouant l’épouse infâme ou à l’exaspérante Jackie Monnier en fille superficielle et pleurnicharde. Au fond, que raconte « DAVID GOLDER » ? Que l’argent ne fait pas le bonheur ? C’était vraiment une étrange façon de le démontrer et, malgré la magnifique photo signée Armand Thirard (et deux autres collègues !), on préférera oublier ce film dérangeant pour continuer d’aimer le reste de la filmographie de Julien Duvivier.

GOLDER2

HARRY BAUR ET PAULE ANDRAL

 

« LE RETOUR DE DON CAMILLO » (1953)

RETOUR CAMILLOProduit un an après le premier film par la même équipe, « LE RETOUR DE DON CAMILLO » en est une parfaite continuation et Julien Duvivier retrouve l’irascible curé Fernandel là où il l’avait laissé : dans le train de l’exil. Son arrivée dans le village de montagne « derrière les nuages » a presque des allures d’allégorie fantastique.

C’est avec un plaisir pépère qu’on assiste aux retrouvailles tonitruantes de Camillo et Peppone (Gino Cervi), à leurs engueulades homériques, à leur vieille amitié étonnamment touchante quand elle transparaît dans des demi-sourires ou des aveux bourrus. Alors qu’une terrible inondation menace le village et les environs, le scénario s’attarde sur la relation entre Fernandel, toujours bien dirigé (même s’il s’octroie quelques dérapages cabotins) et le petit ‘Beppo’ l’aîné rebelle du maire. La longue séquence de leur école buissonnière où ils apprennent à s’apprécier est vraiment émouvante. Dans un cast homogène, on reconnaît Paolo Stoppa en fasciste déguisé en Indien (sic !) et obligé par les deux compères à boire de l’huile de ricin. Ce retour est donc sympathique et au moins aussi réussi dans son créneau que le n°1. Les paysages sont très bien filmés dans un noir & blanc réaliste et même assez âpre dû à Anchise Brizzi et malgré la volonté de drôlerie à tout prix, il filtre tout de même çà et là des nuances de noirceur et de misanthropie où on retrouve la verve habituelle de Duvivier. À partir du film suivant de la saga – qui en compte cinq – la réalisation passera entre des mains purement italiennes.

RETOUR CAMILLO2

FERNANDEL, GINO CERVI ET PAOLO STOPPA

 

« LE PETIT MONDE DE DON CAMILLO » (1952)

CAMILLO2Inspiré du roman de Giovannino Guareschi publié en 1948, « LE PETIT MONDE DE DON CAMILLO » fut un des plus gros succès du cinéma français et a généré quatre suites, plus une sans la distribution initiale (remplacé par Gastone Moschin et Lionel Stander !). On peut être surpris par la signature de Julien Duvivier, peu accoutumé à la légèreté et à l’optimisme, mais le mélange se fait bon an, mal an. Le film se passe dans l’Italie rurale de l’immédiat après-guerre et raconte l’affrontement entre ‘Peppone’ le maire communiste d’un petit village (Gino Cervi) et ‘Don Camillo’ (Fernandel), le curé querelleur au caractère de cochon. Si le scénario décrit avec ironie une situation politique explosive, il le fait avec bonhommie et renvoie dos-à-dos les « rouges » vindicatifs et les gros propriétaires repliés sur eux-mêmes.

Si on est d’abord déconcerté par le parti-pris linguistique (tout le monde s’exprime en français avec l’accent du midi !), on s’accoutume assez vite. Force est de reconnaître que le duo formé par un Fernandel très bien « tenu » par Duvivier, grand directeur d’acteurs s’il en fut et Cervi, massif, jupitérien et dissimulant un cœur d’or, fonctionne à merveille. C’est même leurs face-à-face truculents qui donnent son âme au film, les bagarres et engueulades homériques vont jusqu’à rappeler certains John Ford. Avec entre eux un fond de tendresse réciproque qui fait tout le prix de l’histoire. Le film est truffé de jolis moments, comme les plans de ce clocher englouti qui sonne pour annoncer un malheur, la nuit où Peppone trompe la vigilance de ses propres troupes de grévistes pour aider Camillo à traire les vaches. Duvivier s’efface derrière son sujet, même si on retrouve son style dans certains travellings et mouvements de grue. Cela donne un film généreux et auquel il est difficile de résister longtemps. Les échanges entre le curé et Jésus dans l’église sont toujours aussi savoureux et spirituels.

CAMILLO

FERNANDEL ET GINO CERVI

 

« L’HOMME À L’IMPERMÉABLE » (1957)

IMPER2Adapté par Julien Duvivier et René Barjavel d’une Série Noire de James Hadley Chase, « L’HOMME À L’IMPERMÉABLE » est un drôle de film, une sorte de vaudeville macabre taillé aux mesures de Fernandel avec qui le réalisateur avait récemment tourné les deux premiers « DON CAMILLO ».

Précurseur d’œuvres comme « SÉRIE NOIRE POUR UNE NUIT BLANCHE » ou « AFTER HOURS » pour le principe de l’engrenage infernal broyant un pauvre quidam, le film se met au tempo de sa vedette, ce qui n’était pas ce qui pouvait lui arriver de mieux : Fernandel roule des yeux, multiplie les double-takes, tressaille, répète ad nauseam des « Houlala ! » plaintifs, et fait glisser plusieurs fois le scénario dans le burlesque pied-de-plomb et la pantalonnade boulevardière. C’est dommage, parce que la photo est magnifique, les décors de Montmartre sont superbes, comme extraits d’un roman de Zola et les autres comédiens ont su trouver le ton juste. Surtout Bernard Blier, absolument délectable en maître chanteur barbu, visqueux et positivement répugnant. Un grand numéro, entre pure comédie et ignominie. On remarque aussi Jacques Duby en pianiste voyou, l’Américain John McGiver en trafiquant d’œuvres d’art ou la gironde Claude Sylvain en chanteuse opportuniste. La réalisation de Duvivier n’est pas en cause, puisque le film contient des morceaux de bravoure épatants comme cette bagarre sur les quais de Seine ou la course-poursuite dans l’immeuble à la fin, mais l’équilibre entre le film noir et le véhicule comique pour Fernandel n’a pas vraiment été trouvé. Un Duvivier mineur donc, tourné entre deux de ses chefs-d’œuvre tardifs : « VOICI LE TEMPS DES ASSASSINS… » et « MARIE-OCTOBRE ». Pour le complétiste de la filmographie du maître et les fans de Fernandel qui y trouveront très certainement matière à se réjouir.

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FERNANDEL, BERNARD BLIER, JOHN McGIVER ET CLAUDE SYLVAIN

 

DUVIVIER ENCORE !!!

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BIENTÔT EN BLU-RAY, DEUX DES MEILLEURS DUVIVIER ! UN BONHEUR POUR LES AMATEURS DU PLUS GRAND RÉALISATEUR FRANÇAIS.

 

« LA BANDERA » (1935)

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JEAN GABIN

On n’est pas obligé de se passionner pour les faits d’armes de la Légion Étrangère pour tomber sous le charme intoxicant de « LA BANDERA ».BANDERA

Le film commence par un meurtre qu’on devine plus qu’on ne voit. L’assassin (Jean Gabin) fuit en Espagne. Acculé, il s’engage dans la Légion, mais un soldat (Robert Le Vigan) lui colle aux basques. Est-il un mouchard ? Un flic ? Le scénario, compact et elliptique, suit la marche à la mort de ces deux hommes liés pour toujours : le voyou brut-de-pomme et paranoïaque et sa Némésis, qui incarne à la fois sa soif de rédemption et le destin. Admirablement dialogué par Charles Spaak, cadré avec l’habituelle modernité de Julien Duvivier, ici au sommet de son art visuel, « LA BANDERA » est une œuvre inexplicablement envoûtante, où tout le monde semble exilé dans un purgatoire surchauffé et attend une forme de délivrance, quelle qu’elle soit. En plein dans sa grande période, Gabin donne chair à ce personnage tourmenté et pas franchement sympathique, obsédé par l’idée de mourir « en homme ». Face à lui, Le Vigan est magnifique avec son regard illuminé et son sourire inquiétant. Quel duo ! Parmi les seconds rôles : Aimos en « bon copain » titi parisien, Pierre Renoir excellent en capitaine scarifié par les combats. Annabella n’est guère convaincante en prostituée arabe. On aperçoit fugitivement la débutante Viviane Romance qui tente d’aider Gabin affamé à Barcelone.

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JEAN GABIN, ROBERT LE VIGAN ET ANNABELLA

Un film unique dans son genre à la fois réaliste et cauchemardesque. La dernière partie, dans le fort minuscule encerclé par les rebelles est d’un jusqu’auboutisme étonnant, d’un désespoir sec et sans rémission. Et quand on meurt, c’est d’une balle perdue, en une seconde, sans grand discours. En homme, peut-être, mais pas en héros.

GABIN ET VIVIANE ROMANCE AVANT « LA BELLE ÉQUIPE ».

GABIN ET VIVIANE ROMANCE AVANT « LA BELLE ÉQUIPE ».

 

« LA FIN DU JOUR » (1939)

FINIl est des films dont on ne garde aucun souvenir quelques semaines après les avoir vus. Puis d’autres dont on se souvient presque plan par plan des décennies plus tard. C’est le cas de « LA FIN DU JOUR », un des grands chefs-d’œuvre de Julien Duvivier, qui semble décrire le petit univers confiné des vieux comédiens dans une maison de retraite, mais qui nous parle au fond, d’un sujet bien plus vaste : la condition humaine.

C’est peut-être le plus beau texte, le plus incisif, cruel et tendre sur les acteurs, sur leur splendeur et leur misère. Au travers du portrait de trois « spécimens », le scénario montre ce qu’ils ont de grandiose et de mesquin dans un même élan : l’odieux égocentrique (Louis Jouvet), le grand professionnel amer et triste (Victor Francen) et le cabotin excentrique, vieux galopin pathétique (Michel Simon). Trois facettes d’une même passion : le théâtre. Comment oublier ce travelling sublime dans les couloirs de l’hospice, la nuit, où des applaudissements « fantômes » éclatent à chaque fois qu’on passe devant une porte close, rêves fanés de vieillards confits dans leurs souvenirs de gloire passée ou imaginée. Mais au-delà de l’aspect « métier », Duvivier et son scénariste Charles Spaak nous parlent surtout de la vieillesse, de l’abandon, de la petitesse humaine et – heureusement – de sa grandeur aussi, lors de l’épilogue bouleversant au-dessus d’une tombe fraîchement creusée. Le film parvient à n’être jamais anecdotique, à transcender son matériau en étant toujours drôle et simple en apparence. Le vrai Grand Art ! Lourdement grimés, Simon et Jouvet trouvent leurs meilleurs rôles. Le premier en vieil enfant casse-pied et mythomane dont l’effondrement (« Ce n’est pas ma faute, je suis vieux ») sera terrible. Le second en Don Juan compulsif, imbu de lui-même et dépourvu de cœur. Son « déboulonnage » aussi, sera impitoyable. Et son ultime regard égaré, absolument magnifique. Tous les seconds rôles sont formidables, chaque petit personnage a son « bout de gras » à défendre, même l’espace de quelques secondes. Sylvie en langue de vipère ou Gabrielle Dorziat en amoureuse oubliée, sont vraiment exceptionnelles. S’il fallait faire un reproche, ce serait la faiblesse insigne des rôles de « jeunes » (le boy-scout, la jeune servante ou François Périer en journaliste), vraiment pas à la hauteur du reste de la distribution. 75 ans après sa sortie, dépoussiéré par une splendide restauration, « LA FIN DU JOUR » renaît donc de ses cendres et réaffirme les souvenirs qu’on gardait de lui : c’est bel et bien un des plus beaux films du monde.

FIN2

VICTOR FRANCEN, GASTON MODOT, LOUIS JOUVET ET MICHEL SIMON

 

« LA BELLE ÉQUIPE » (1936)

BELLE2 - copieInvisible depuis des décennies à cause d’un conflit autour d’une fin « optimiste » imposée à Julien Duvivier et qu’il dut retourner lui-même, « LA BELLE ÉQUIPE » ressort enfin dans toute son intégrité, image et son magnifiquement restaurés.

Contemporain de l’avènement du Front Populaire, le film – au-delà de son sous-texte politique finalement assez discret – est avant tout une fable joyeuse et utopiste, qui s’achève en tragédie. Sous l’œil éternellement pessimiste du réalisateur, la joie-de-vivre, la camaraderie et les illusions d’une bande de potes ayant touché le loto, sont peu à peu réduites à néant par la sordide réalité de l’existence, personnifiée par une belle garce. La première partie est gaie et enlevée, le petit groupe de chômeurs excessivement sympathique et solidaire. La construction de la guinguette à Nogent culmine avec la longue scène du pique-nique et la chanson de Jean Gabin : « Quand on s’promène au bord de l’eau ». La seconde moitié voit la « belle équipe » se déliter, rattrapée par la loi, par le « pognon » (l’immonde personnage du propriétaire rapace qui vient réclamer son dû), par les rivalités amoureuses et par la mort elle-même. Et ce beau rêve collectiviste d’abord proposé par les auteurs, cette soudaine richesse des « petites gens », s’écroule et se métamorphose en cauchemar. C’est un très beau film, parfaitement équilibré, superbement joué par Gabin, au naturel confondant, par Viviane Romance dans un rôle monstrueux mais jamais caricatural, par Charles Vanel dans un personnage plus trouble de pauvre type influençable. Le jeu survolté d’Aimos a davantage vieilli et on a le bonheur de retrouver Charpin dans un petit rôle de gendarme débonnaire. C’est bon de redécouvrir « LA BELLE ÉQUIPE » aujourd’hui. En le voyant avec cette fin d’une totale dureté, on se rend compte qu’au fond, elle n’est pas tellement plus satisfaisante que la version « optimiste ». Pas très bien amenée (ce revolver sortant de nulle part, les caractères des protagonistes qui changent brutalement du tout au tout pour arranger le scénario), elle est certes déprimante, mais semble un peu expédiée et trop simple. C’est bien la seule réserve qu’on pourra avoir sur ce chef-d’œuvre d’un cinéma français alors à son pinacle.

BELLE - copie

JEAN GABIN, CHARLES VANEL ET VIVIANE ROMANCE