RSS

Archives de Catégorie: LES FILMS DE ROBERT RYAN

« FEUX CROISÉS » (1947)

ROBERT RYAN

Écrit par Richard Brooks, réalisé par Edward Dmytryk, « FEUX CROISÉS » a tout du ‘film noir’ : une ambiance, des comédiens iconiques comme Robert Mitchum, Robert Ryan ou Gloria Grahame, puis il semble évoluer en whodunit avec la mort d’un quidam dans une chambre d’hôtel et la traque d’un militaire soupçonné du crime.

Seulement voilà, on entend des insultes antisémites, des théories fumeuses, on lit des moues méprisantes sur les visages et on comprend que l’identité du véritable assassin n’est pas au cœur du scénario. Ce sont plutôt ses motivations qui intéressent l’auteur : le malheureux a été tué pour la seule raison qu’il était juif, par un raciste imbécile. Pour le moins culotté dans un film américain de 1947 ! L’histoire elle-même offre peu d’originalité, les flash-backs sont parfois redondants, les changements de point-de-vue lassent l’attention et l’enquête du flic Robert Young (qui s’est fait une silhouette à la Maigret, l’embonpoint en moins) assez convenue. C’est le portrait du tueur qui impressionne : Robert Ryan fait froid dans le dos en brute épaisse aigrie, aux accès de folie homicide. Il cristallise sur sa personne tous les racismes, les xénophobies, les rejets de l’Autre. Un grand numéro d’acteur. À ses côtés, Young se sort bien du très long et didactique laïus sur l’intolérance, qui est la raison d’être de tout le film. Mitchum, qui a toujours l’air d’avoir été arraché à une bonne sieste, se traîne dans un rôle secondaire de sergent bon-enfant et Grahame joue ce personnage de bad girl amère dont elle a le copyright. Pas assez développé en tant que polar, trop bavard pour passionner, « FEUX CROISÉS » n’en demeure pas moins une œuvre courageuse et estimable vu son année de production. Et – on ne le répétera jamais assez – Robert Ryan est un immense comédien. De l’espèce rarissime qui n’avait strictement rien à faire de son image.

GLORIA GRAHAME ET ROBERT MITCHUM
 

« LONELY HEARTS » (1958)

Adapté d’un roman lui-même inspiré d’une pièce de théâtre, « LONELYHEARTS » de Vincent J. Donehue est un film excessivement bavard, au dialogue parfois abscons, parfois brillant, mais qui ne parvient jamais – malgré plusieurs décors et extérieurs – à faire oublier ses origines théâtrales.

Mais il faut l’avoir vu, pour les cinq comédiens principaux, tous au sommet de leur art, remarquablement dirigés, qui font des étincelles. Montgomery Clift d’abord, en aspirant journaliste naïf qui est engagé par un patron de presse cynique et aigri magnifiquement incarné par Robert Ryan, qui a rarement été meilleur. Le second entreprend de faire perdre ses illusions sur l’espèce humaine au premier, en lui confiant une rubrique « cœurs solitaires » dans son journal. Tourmenté, empêtré dans ses mensonges et sa vulnérabilité à fleur de peau, Clift habite l’écran comme personne, tout en s’abandonnant sans retenue à la « Méthode ». Myrna Loy est émouvante en épouse de Ryan, soumise et humiliée sans relâche, la jeune Dolores Hart est très bien en fiancée pure et virginale. Et il faut avoir vu l’époustouflant numéro de Maureen Stapleton en épouse frustrée vivant avec un impuissant. Sa scène de « séduction » avec Clift est à la fois sordide et touchante. Le réalisateur eu une chance folle d’avoir le concours de ces merveilleux comédiens, car le reste de son film laisse à désirer : le noir & blanc n’est pas toujours très heureux, les cadrages sont parfois maladroits et l’enchaînement de séquences sur-dialoguées met la patience à rude épreuve. Toutefois, il s’y dit parfois de belles choses sur l’âme humaine, sur la duplicité des hommes et des femmes, sur la solitude. À tenter.

MONTGOMARY CLIFT, FRANK MAXWELL, MYRNA LOY, ROBERT RYAN ET MAUREEN STAPLETON
 

« LE TRAÎTRE DU TEXAS » (1952)

« LE TRAÎTRE DU TEXAS » de Budd Boetticher est un excellent petit western bien ancré dans sa réalité historique : le retour des Sudistes vaincus au Texas, qui retrouvent un pays métamorphosé.

Le scénario ramasse en 81 minutes une foule d’événements et d’informations, et offre à Robert Ryan un personnage central des plus complexes. En effet, cet ex-officier amer et revanchard est à la fois le héros de l’histoire et… également le méchant. Avec sa carrure, son faciès tourmenté, Ryan est comme toujours intense et crédible, ne cédant jamais au manichéisme. Cet homme courageux se transforme en hors-la-loi puis en prédateur capitaliste sans le moindre scrupule, allant jusqu’à prendre son propre père (John McIntire) en otage. Face à Ryan, la belle et fougueuse Julie Adams amoureuse de lui, le tout jeune Rock Hudson en jeune frère naïf et courageux, Raymond Burr odieux et répugnant en rancher méprisant et des visages familiers tels que Dennis Weaver, Rodolfo Acosta amusant en général mexicain d’opérette, James Arness en fidèle compagnon de route des deux frères. Le montage est nerveux sans aucun temps mort, le technicolor est magnifique et le film passe en un éclair. Sans être un chef-d’œuvre, « LE TRAÎTRE DU TEXAS » est à voir pour Robert Ryan avant tout, un des rares acteurs de l’époque à accepter d’incarner des personnages aussi difficiles à cerner, aussi odieux qu’admirables et pour quelques scènes étonnamment violentes pour l’époque (Burr torturant Hudson en le fouettant avec la boucle de son ceinturon, la gifle humiliante que le même Burr balance dans la bouche de Ryan à la fin d’une partie de poker). Une petite pépite, ce film…

ROBERT RYAN, JOHN McINTIRE, JULIE ADAMS, JAMES ARNESS ET ROCK HUDSON
 

« L’APPÂT » (1953)

ROBERT RYAN ET JANET LEIGH

« L’APPÂT » est un des huit films qu’Anthony Mann tourna avec James Stewart en vedette. Il a aidé à complexifier l’image de l’acteur, à révéler son côté sombre, spécialement dans ses westerns. Celui-ci est un des meilleurs.

Ancien rancher ruiné par la guerre et la trahison d’une femme, Stewart traque un hors-la-loi (Robert Ryan) pour toucher les 5000 $ de prime, afin de racheter ses terres. Mais il n’est pas seul sur l’affaire : un vieux prospecteur (Millard Mitchell) et un ex-soldat (Ralph Meeker) veulent leur part du gâteau. Les quatre hommes, flanqués d’une fille (Janet Leigh) protégée de Ryan, cheminent vers Abilene, se haïssant les uns les autres, toujours prêts à se sauter à la gorge. Le scénario entre immédiatement dans le vif du sujet, le « héros » qu’on nous propose est un chasseur-de-primes très antipathique, guère souriant, au point que sa Némésis (Ryan) paraît au premier abord infiniment plus attachant. C’est toute l’ambiguïté de cette histoire presque théâtrale dans son écriture, une vaste scène en plein air, dans des paysages majestueux. Mann alterne avec maestria les plans très larges de montagnes et de forêts, avec d’extrêmes gros-plans de visages, révélant toute la duplicité des personnages, leur mesquinerie, leurs vices. La distribution est parfaite : Stewart très inhabituel dans cet emploi d’antihéros geignard et faillible, Meeker excellent en salopard sans honneur. Janet Leigh est ravissante avec ses cheveux blonds coupés à la garçonne. Mais c’est Ryan, dans un de ses meilleurs rôles, qui se taille la part du lion. En voyou décontracté, constamment souriant, il crée un méprisable individu manipulateur, tuant comme il respire, une ordure sans foi ni loi, qui demeure fascinant de bout en bout. « L’APPÂT » n’est, curieusement, pas aussi célébré que d’autres classiques de Mann, mais c’est indéniablement un de ses chefs-d’œuvre et un western tragique, qui brosse un panorama peu reluisant de la condition humaine.

JAMES STEWART, MILLARD MITCHELL, ROBERT RYAN, JANET LEIGH ET RALPH MEEKER
 

« 12 SALOPARDS » (1967)

JOHN CASSAVETES ET LEE MARVIN

« 12 SALOPARDS » de Robert Aldrich est un de ses plus gros succès commerciaux et le film auquel son nom est le plus souvent associé. C’est un film de guerre au scénario totalement improbable, inspiré d’un roman plus que moyen, mais qui bénéficie de l’énergie forcenée du réalisateur et d’une distribution extraordinaire.

Lee Marvin, officier indiscipliné, doit réunir douze ex-soldats condamnés à mort ou à de lourdes peines, les entraîner, les motiver pour aller faire exploser un château en France où se réunissent de grosses huiles du 3ᵉ Reich. Cela méritait-il de durer 149 minutes ? Probablement pas. Et la construction du scénario en quatre chapitres bien distincts (le recrutement, l’entraînement, la mise à l’épreuve et finalement l’attaque elle-même) fait parfois sembler le temps bien long. Ce n’est pas le seul défaut du film : la BO est d’une lourdeur exaspérante parfois proche du cartoon et le montage devient très confus dans les séquences d’action. Pourtant… pourtant… comment résister à cette réunion de grands comédiens dans la fleur de l’âge ? John Cassavetes et Donald Sutherland, redoutables voleurs de scènes font des étincelles, Charles Bronson au style opposé, marque le film en demeurant impassible et implacable, Telly Savalas s’éclate en détraqué total (quelle drôle d’idée d’avoir distribué un Grec dans un rôle de bigot raciste du Vieux Sud ?), il faudrait tous les citer. Même les hauts-gradés sont incarnés par des pointures telles qu’Ernest Borgnine ou George Kennedy. Ils sont tous formidables et servent de charpente au film. On aurait préféré moins d’apartés comiques pas très drôles, davantage de psychologie et moins de longueurs dans l’interminable séquence des « jeux de guerre » où la « sale douzaine » bat les soldats de Robert Ryan à plate couture en trichant de bon cœur. « 12 SALOPARDS » a pris un coup de vieux, c’est indéniable et semble manquer de rigueur, mais son discours en filigrane demeure intact : qu’est-ce qu’un héros ? Un psychopathe, attardé mental de préférence, capable de tuer comme il respire, répond Aldrich. À méditer…

CHARLES BRONSON, CLINT WALKER, DONALD SUTHERLAND, JIM BROWN, ROBERT RYAN ET LEE MARVIN
 

« ARE THERE ANYMORE LIKE YOU OUT THERE ? » : épisode de « Haute tension »

ROBERT RYAN ET KATHARINE ROSS

« ARE THERE ANYMORE LIKE YOU OUT THERE ? » est un épisodes de la première saison de « HAUTE TENSION », réalisé par Elliot Silverstein, futur responsable de « CAT BALLOU » ou « UN HOMME NOMMÉ CHEVAL ».

Quatre étudiants éméchés renversent un passant, le soir de Noël. L’homme meurt, mais les amis trouvent une parade : ils affirment ne pas se souvenir qui tenait le volant, bloquant complètement l’enquête. Robert Ryan, honnête commerçant et père de l’une des deux jeunes filles (Katharine Ross) tente de la faire parler, en vain. Le quatuor est soudé et le pauvre homme se retrouve entre les griffes d’un maître chanteur (Jay Novello) : il a vu la conductrice qui n’est autre que Ross. Le scénario est assez faiblard, le suspense mollasson, tous les personnages sont stupides, voire têtes-à-claques. Sans compter une « sensibilité » d’époque, qui dépeint cette jeunesse libérée comme des monstres d’amoralité et de cynisme, capables des pires abominations comme faire l’amour sans être mariés ! Apprenant que sa fille chérie n’est plus vierge, le pauvre Ryan s’écroule comme une chiffe, alors que l’annonce d’un homicide l’avait à peine ébranlé. L’autre fille du groupe d’idiots est jouée par Sharon Farrell, Phyllis Avery écope du rôle le plus débile et ridicule du téléfilm, celui de l’épouse qui ne comprend rien à rien. Un film comme celui-ci ne peut être vu qu’en tant que document sur des mentalités révolues et en rangeant son sens critique au vestiaire. C’est réac et grossier et franchement, on aurait préféré voir Ryan et Ross ensemble à l’écran dans d’autres circonstances.

KATHARINE ROSS
 

« LA HORDE SAUVAGE » (1969)

WILLIAM HOLDEN

De nombreux ouvrages ont été écrits sur l’œuvre de Sam Peckinpah et plusieurs centrés uniquement sur « LA HORDE SAUVAGE ». Tout a été disséqué, du rapport à la violence, à la femme, au Mexique, à l’amitié virile, à la trahison, etc. Que dire de plus aujourd’hui ?

Une nouvelle vision fait ressortir le thème principal de ce film fondateur, qui a dominé les années 70 et influence encore des cohortes de cinéastes. C’est celui de l’enfance perdue. « LA HORDE SAUVAGE » démarre sur des enfants qui jettent des scorpions en pâture à des milliers de fourmis et les regardent mourir en riant innocemment. Ce même rire qui secoue à plusieurs repris les hors-la-loi de la « wild bunch », des durs à cuire plus tout jeunes, des tueurs-nés, capables de se payer un fou-rire digne du « TRÉSOR DE LA SIERRA MADRE » pour un hold-up foiré, une bouteille de whisky passée de main en main et de s’illuminer comme des gamins farceurs au moment de déclencher l’apocalypse et… leur propre mort. La maîtrise du cadre, du mixage et surtout du montage de Peckinpah est impressionnante, même avec le recul des années. Son film semble capter au hasard des petites parcelles de vie, des échanges de regards. Il distille sa narration de très courts flash-backs qui éclairent les relations entre personnages sans en dire trop, et chacun a quelque chose d’humain à défendre. Même les pires d’entre eux, comme le général Emilio Fernández, le temps d’une courte scène avec un garçonnet admiratif. Côté casting, c’est royal : William Holden le visage tanné par le soleil et le mescal dégage une sorte de noblesse dévoyée, Robert Ryan est son jumeau de l’autre côté de la barrière, Ernest Borgnine dans son plus beau rôle, est extraordinaire en bras-droit secrètement amoureux de son chef, Ben Johnson et Warren Oates crèvent l’écran en frères sanguinaires. Sans oublier tous les autres, particulièrement L.Q. Jones et Strother Martin en chasseurs de primes totalement dégénérés. Il y a tant à dire sur « LA HORDE SAUVAGE », sur son œil démystificateur sur le western, sur le héros « yankee » et sur la vieillesse qui vient tout balayer, inexorablement. C’est un chef-d’œuvre indémodable et « Bloody Sam » ne fera jamais mieux. Les carnages qui ouvrent et clôturent le film ont été très souvent plagiés, mais jamais égalés dans la sauvagerie lyrique.

BEN JOHNSON, WARREN OATES, ERNEST BORGNINE, L.Q. JONES, STROTHER MARTIN ET ROBERT RYAN

 

« 7 SECONDES EN ENFER » (1967)

HOURLa légende de Wyatt Earp a souvent été adaptée à l’écran et John Sturges en avait donné sa version avec « RÈGLEMENT DE COMPTES À OK-CORRAL », film imparfait, mais entré dans l’anthologie du genre en 1957. Dix ans plus tard, le réalisateur revient à la légende en tentant cette fois de coller davantage aux faits réels. Quelle drôle d’idée, quand son premier essai avait tellement marqué les esprits !

« 7 SECONDES EN ENFER » démarre par le célèbre duel, alors que la plupart des autres films s’achevaient par celui-ci. Le scénario explore les représailles des Clanton contre les Earp suivies de la vengeance de Wyatt après la mort d’un de ses frères. Il y a beaucoup de bla-bla, des scènes de procès inertes, des magouilles politiques sans grand intérêt, avant d’entrer dans le vif du sujet. Mais il est hélas, trop tard. En choisissant de ne pas mythifier les protagonistes, Sturges les a rendus non pas plus réels, mais falots et ennuyeux. James Garner, qu’on aime ironique et pétillant, incarne un Earp impassible, psychorigide, pour tout dire franchement antipathique. Jason Robards est un Doc usé avant l’âge, qui s’efforce de défendre un dialogue illogique dans sa bouche : il incarne la mauvaise conscience du marshal en lui reprochant sans arrêt de ne plus respecter la loi, d’agir comme un vigilante. Difficile de trouver une cohérence là-dedans ! Robert Ryan est sous-utilisé en Clanton constamment en colère et les petits rôles manquent de relief, y compris le tout jeune Jon Voight en pistolero ricanant. On notera que les femmes ou compagnes des deux héros n’existent carrément pas, sans pour autant qu’on ne ressente la moindre ambiguïté entre eux, contrairement à la relation plus que trouble entre Douglas et Lancaster dans le premier Sturges. « 7 SECONDES EN ENFER » n’est pas mal fait, mais la vie n’y pénètre jamais, pas un instant. Ces événements qu’on connaît maintenant par-cœur, on préférera les revoir dans l’autrement plus efficace « TOMBSTONE » ou même dans le moins flamboyant « WYATT EARP ».

HOUR2

JAMES GARNER, ROBERT RYAN ET JASON ROBARDS

 

« ÉCHEC À L’ORGANISATION » (1973)

OUTFIT2

ROBERT DUVALL ET JOE DON BAKER

Écrit et réalisé par John Flynn, d’après un roman de Donald E. Westlake très proche de son propre « POINT DE NON-RETOUR », « ÉCHEC À L’ORGANISATION » est une sorte de concentré du polar « hard boiled » des années 70 et une perfection dans le genre.OUTFIT

À peine sorti de prison, le braqueur Robert Duvall est aussitôt assailli par des tueurs de la mafia qui ont déjà tué son frère. En effet, leur dernier job fut l’attaque d’une banque appartenant – à leur insu – à la mafia. Avec l’aide de sa fiancée Karen Black et de son vieux complice Joe Don Baker, Duvall va réclamer 250 000 $ au chef des gangsters (Robert Ryan) et lui rendre coup pour coup. Sujet simple, exécution sobre et violente. Duvall n’est pas un « héros » facile à aimer : il est froid, taiseux, maltraite les femmes, se montre entêté jusqu’à la folie suicidaire. Son acolyte Baker, dans ce qui est peut-être son meilleur rôle, est plus humain tout en demeurant une brute sans états d’âme. Face à ce tandem de bulldozers, Karen Black illumine trop brièvement l’écran en gentille fille amoureuse d’un sale type. Le reste de la distribution est un éblouissant défilé de figures du film noir des années 40 (Marie Windsor, Jane Greer, Elisha Cook, Jr., Emile Meyer) et de trognes contemporaines telles que Timothy Carey, Bill McKinney, Richard Jaeckel, Tom Reese, sans oublier les « bad girls » Sheree North et Joanna Cassidy. Mené à un train d’enfer, truffé de séquences d’action bluffantes de réalisme, « ÉCHEC À L’ORGANISATION » tient en haleine pendant plus de 100 minutes sur un sujet pourtant assez mince. Mais, cousin du Lee Marvin du film de John Boorman cité plus haut, le ‘Macklin’ de Duvall est un parfait anti-héros de son temps, défini par ses actions et son habileté aux armes à feu. L’attaque de la maison du caïd à la fin, est un admirable morceau de bravoure. Un petit chef-d’œuvre qui n’a pas pris la moindre ride.

OUTFIT3

JOANNA CASSIDY, ROBERT RYAN, ROBERT DUVALL ET JOE DON BAKER

 

« LA COURSE DU LIÈVRE À TRAVERS LES CHAMPS » (1972)

LIÈVRE2

ROBERT RYAN

Inspiré d’un roman de David Goodis, « LA COURSE DU LIÈVRE À TRAVERS LES CHAMPS » est l’avant-dernier film de René Clément. Mais il est avant tout l’œuvre de l’auteur, Sébastien Japrisot, dont on retrouve les obsessions (l’enfance jamais totalement oubliée, Lewis Carroll, l’amitié entre hommes) et l’étrangeté.LIÈVRE

Tourné en extérieurs au Canada et en studio en France, c’est à la base un « caper movie », mais le scénario est si bizarrement construit, qu’on ne sait pas très bien à quel genre il appartient vraiment. En deux mots : un Français (Jean-Louis Trintignant), fuyant des Gitans qui veulent sa peau à la suite d’un accident d’avion, se réfugie dans une auberge occupée par des gangsters. Ceux-ci s’apprêtent à faire un kidnapping. Sur cette trame, se greffent des flash-backs sur des enfants à Marseille, sans réel rapport avec le reste de l’histoire, hormis des similitudes de situations. C’est assez perturbant à vrai dire. La photo manque de mystère, le film met plus d’une heure à introduire l’aspect policier et la durée (140 minutes, tout de même !) se fait parfois ressentir. Mais le charme agit. Difficile d’expliquer pourquoi : les plans rougeoyants de l’île pendant l’été indien ? La BO poignante de Francis Lai ? Le dialogue décalé ? Peut-être. Et surtout le superbe cast. Trintignant assez inhabituel en opportuniste manipulateur, Robert Ryan magnifique en vieux tough guy lessivé mais tenace, Aldo Ray hilarant en ex-boxeur demeuré, Jean Gaven excellent et des actrices superbes comme Lea Massari sensuelle et désabusée et Tisa Farrow en « sauvageonne ». Ils se sortent tous très bien d’un texte pas facile, qui les oblige souvent à jouer comme de vieux gamins mal grandis. « LA COURSE DU LIÈVRE… » ne ressemble à aucun autre polar, il a sa petite musique, sa folie douce, lorgne parfois vers le western (l’ouverture à la gare, clin d’œil à Leone), assume sa fascination pour l’Amérique et ses mythes, et à condition de se laisser porter, imprime durablement la mémoire.

LIÈVRE3

ALDO RAY, JEAN-LOUIS TRINTIGNANT, ROBERT RYAN, LEA MASSARI, TISA FARROW ET JEAN GAVEN

À noter : il n’existe apparemment pas de version en anglais du film, puisqu’il a été édité en Bu-ray aux U.S.A. avec la VF. Une des petites filles aperçues au début à Marseille, n’est autre qu’Emmanuelle Béart.