RSS

Archives de Catégorie: LES FILMS DE JEAN GABIN

« LE MESSAGER » (1937)

JEAN GABIN

JEAN GABIN

« LE MESSAGER » est un pur mélodrame, se déroulant dans le Paris mondain des années 30 et dans une sinistre exploitation minière en Ouganda.

Là-bas, Jean Gabin business man ruiné, s’est exilé pour subvenir aux besoins de Gaby Morley qu’il vient d’épouser. Il devient rapidement alcoolique, en proie aux fièvres et se confie à Jean-Pierre Aumont son jeune adjoint. De retour à Paris, celui-ci a tellement entendu parler de l’épouse de son ami, qu’il en fait un transfert et a une liaison avec elle…MESSAGER

C’est extrêmement vieillot et poussiéreux. Les scènes « coloniales » sont difficilement acceptables aujourd’hui (la façon désinvolte dont sont filmés les « nègres », sans oublier les seins joyeusement dénudés des belles indigènes), mais malgré tout, le film ne manque pas d’un certain charme. D’abord Gabin y est magistral dans un personnage à facettes : jeune marié jovial et exalté, puis colon amer et suant le whisky délirant dans sa case et enfin mari trompé, froid et inflexible. Il passe d’un état à l’autre avec maestria, maintenant la cohérence du rôle et faisant preuve d’une complexité inespérée dans ce genre de film. Face à lui, Gaby Morlay est hélas complètement à côté de la plaque, vraiment pas taillée pour cet emploi de femme idéalisée et fatale. À 44 ans, elle était – et faisait ! – beaucoup plus âgée que Gabin, et cela déséquilibre leur relation. En jeune premier fébrile et geignard, Aumont rappelle ce qu’il fut dans « HÔTEL DU NORD ». Ce qui n’est pas un compliment. L’œil exercé du cinéphile reconnaîtra un tout jeune Bernard Blier, qui apparaît exactement trois secondes dans le rôle d’un chauffeur nommé… ‘Bernard’.

« LE MESSAGER » est un film un peu oublié dans cette période très faste de la carrière de Gabin, mais il vaut le détour pour son ambiance africaine bien glauque et pour son implacable mécanique psychologique.

JEAN GABIN, GABY MORLAY, BERNARD BLIER ET PIERRE COËDEL

JEAN GABIN, GABY MORLAY, BERNARD BLIER ET LUCIEN COËDEL

 

« CŒUR DE LILAS » (1932)

MARCELLE ROMÉE

MARCELLE ROMÉE

« CŒUR DE LILAS » est un très curieux mélodrame policier, inspiré d’une pièce de Tristan Bernard et réalisé par l’éclectique et international Anatole Litvak, surtout connu pour ses ‘films noirs’ américains.LILAS2

André Luguet, flic idéaliste infiltre un hôtel peuplé de prostituées et de malfrats, pour innocenter un malheureux accusé à tort d’un meurtre. En menant son enquête, il tombe amoureux de ‘Lilas’ une des « filles » qui s’avérera hélas, être la coupable. Le film est une véritable antiquité, l’image est abimée, le son à peine audible, mais la mise-en-scène et le montage sont souvent inventifs (le dramatique face-à-face entre les amants alors qu’autour d’eux a lieu une fête de mariage exubérante) et la personnalité de Marcelle Romée dans le rôle-titre est très marquante. Actrice de seulement quatre films, elle se donna la mort à l’âge de trente ans. Son visage triste, son regard maussade, hanté par on ne sait quels fantômes, en fait un personnage fascinant et étonnamment réaliste dans ce contexte désuet et poussiéreux. Elle vaut à elle seule de voir ce « CŒUR DE LILAS » tourné dans de jolis décors de studio et s’attardant parfois sur un Paris totalement disparu (les plans tournés aux Halles) et sur des chansons d’époque assez hallucinantes comme « La Môme Caoutchouc » chantée successivement par Jean Gabin et la légendaire Fréhel. Dans un rôle relativement secondaire, Gabin joue un « marlou » rouleur de mécaniques, portant un foulard blanc et jaloux de Luguet. Il est à la fois débonnaire et légèrement inquiétant et fait preuve – alors que c’est un de ses tout premiers films – d’un aplomb étonnant. Il fait une imitation hilarante d’un interrogatoire chez le juge d’instruction dans une séquence centrée sur lui. Parmi les petits rôles, on aperçoit un tout jeune Fernandel, jouant un garçon d’honneur chantant lors du mariage. Une fugitive silhouette. À voir pour les presque premiers pas de Gabin et surtout pour Marcelle Romée qui aurait probablement fait une belle carrière si le destin n’en avait décidé autrement.

JEAN GABIN ET FERNANDEL

JEAN GABIN ET FERNANDEL

 

« LE ROUGE EST MIS » (1957)

JEAN GABIN ET LINO VENTURA

Difficile de ne pas voir en « LE ROUGE EST MIS », une tentative d’exploiter le filon de « TOUCHEZ PAS AU GRISBI » sorti trois ans plus tôt. Jean Gabin y joue à nouveau un truand prêt à prendre sa retraite, entouré de Lino Ventura, Paul Frankeur et Gaby Basset (mariés comme dans le film de Jacques Becker). On trouve également pas mal d’autres points communs entre les deux scénarios. Seule l’ambiance change, puisque au lieu des boîtes de nuit de Pigalle, on est à présent dans l’univers des maraîchers et des p’tits restos familiaux.ROUGE

Même comparé au classique fondateur de 1954, Gilles Grangier ne démérite pas et son film est dense, noir, réaliste et d’une violence tout à fait surprenante : qu’il s’agisse de la baffe mémorable – et qui ne semble nullement feinte – que Gabin balance à Annie Girardot au bois de Boulogne, jusqu’à l’affrontement final entre le même Gabin et un Ventura bestial, c’est traité sèchement, frontalement. Le scénario d’Auguste Le Breton et Michel Audiard (qui curieusement ne signe pas le dialogue !) est une belle mécanique de ‘film noir’, basée sur le thème éternel de la trahison et du mensonge. C’est comme souvent à cette époque, d’une terrible misogynie : le personnage de Girardot, garce oisive et âpre au gain, prête à toutes les félonies pour un manteau de fourrure, n’est pas écrit avec la plus grande finesse. Mais les « hommes » sont parfaitement campés : Gabin, dur-à-cuire fatigué, vivant chez sa vieille maman, brave type pantouflard qui braque des banques et des fourgons comme on d’autres vont jouer au tiercé. Marcel Bozzuffi, excellent dans le rôle de son jeune frangin émotif et pas très finaud, Frankeur exceptionnel en dégonflé lamentable. Mais celui qu’on retient vraiment c’est Ventura, carrément terrifiant en malfrat gitan nommé ‘Pepito’ (sic !), un psychopathe enragé, prêt à sortir le flingue ou le cran d’arrêt à la moindre contrariété. C’est le méchant le plus impressionnant (et crédible) qu’ait jamais incarné l’acteur dont la seule présence crée un malaise tout au long du film. Rapide, sans chichi ni digression, « LE ROUGE EST MIS » est un polar bien français, à l’efficacité toute américaine, au montage rapide. Une œuvre totalement maîtrisée qui conforte un Gabin quinquagénaire dans son nouvel emploi et dans un univers où il évolue comme un poisson dans l’eau. Et puis – répétons-le – la bagarre finale entre lui et Ventura est d’une violence tellement inouïe, qu’elle coupe le souffle. Un authentique morceau de bravoure !

ANNIE GIRARDOT, JEAN GABIN, MARCEL BOZZUFFI ET GINA NICLOZ

 

« TOUCHEZ PAS AU GRISBI » (1954)

JEAN GABIN

Historiquement, « TOUCHEZ PAS AU GRISBI » marque le « retour aux affaires » de Jean Gabin après dix années d’après-guerre chaotiques où son étoile avait sérieusement pâli. Épaissi, mûri, l’acteur assume son âge et change brillamment d’emploi.GRISBI2

Inspiré d’une Série Noire, le film au scénario simple et linéaire (deux gangs du Milieu de Pigalle se disputent âprement le butin d’un hold-up), le film vaut essentiellement pour l’étude de mœurs et le regard dépourvu de tout romantisme que pose Jacques Becker sur ces malfrats vivant en marge de la société. Tout se passe entre voyous. Hormis quelques képis entrevus çà et là, on ne voit pas l’ombre d’un flic. C’est sec, frontal, efficace, mais sous ses dehors de polar pur et dur, ce n’est au fond que l’histoire d’une amitié « à la vie à la mort » entre le caïd Gabin, dur-à-cuire macho et paternaliste et son copain René Dary, sorte de petit frère pas bien futé qu’il traîne dans son sillage comme un boulet. C’est là que se situe le cœur du film qui se permet de démarrer APRÈS le braquage, qui aurait normalement dû en être le climax. L’argot d’Albert Simonin est délectable, la vision des femmes légèrement dérangeante ajourd’hui (ce sont soit des simples trophées qu’on exhibe, soit des putains peu fiables), mis à part le personnage de ‘Bouche’, la restauratrice qui sert de bonne fée aux gangsters. Autour de Gabin, Becker a réuni une formidable distribution : Jeanne Moreau en « morue » infidèle, Paul Frankeur en papy flingueur étonnamment brutal et surtout dans son tout premier rôle : Lino Ventura. Déjà en pleine possession de ses moyens, celui-ci compose un personnage de truand courtois mais implacable, qui n’a déjà plus une once du sens de l’honneur ou de la parole donnée de la génération précédente symbolisée par Gabin. En quelques scènes, Ventura impose cette incroyable présence physique qu’il ne fera qu’affiner avec les années. « TOUCHEZ PAS AU GRISBI » est un chef-d’œuvre du ‘film noir’ à la française, à la fois polar traditionnel, étude de milieu et autopsie d’une amitié aussi forte qu’inexplicable entre deux caractères opposés et complémentaires. C’est aussi une réflexion lucide et un peu triste sur le vieillissement et le moment de passer la main… Indispensable, autrement dit.

LINO VENTURA, JEANNE MOREAU, JEAN GABIN ET RENÉ DARY

 

« LE RÉCIF DE CORAIL » (1939)

JEAN GABIN

JEAN GABIN

« LE RÉCIF DE CORAIL » est le second film que Jean Gabin tourna avec Michèle Morgan. Il se situe entre les classiques que sont « LE QUAI DES BRUMES » et « REMORQUES » et c’est un film qui fut considéré « perdu » pendant des décennies, avant qu’une copie ne soit miraculeusement retrouvée en Serbie.RECIF3

Rareté donc. À tous points-de-vue, d’ailleurs. L’action se déroule en Australie et les comédiens sont censés être des « locaux », même s’ils parlent tous français. Ce petit détail mis à part, c’est une œuvre singulière et étrange, qui emprunte à la mythologie de Gabin dès les premières images : on ne connaîtra jamais les tenants et aboutissants du meurtre qui ouvre le film, mais on s’imagine très bien que l’homme à terre pourrait être Michel Simon ou Jules Berry. Gabin, brave ouvrier malchanceux, prend la fuite sur un bateau (ah ! Gabin et les bateaux !) mais la fatalité fait qu’il se retrouve à son point de départ, fuyant le policier qu’il pense être sur ses traces, tel un Javert au look de gestapiste. Ce n’est que dans la seconde partie du scénario qu’il rencontre Morgan elle aussi fugitive, dont il va tomber amoureux et qu’il rêve d’emmener vers ce fameux récif de corail mythique qu’il n’a fait qu’entrevoir lors de sa croisière.

Tout est reconstitué en studio, créant une atmosphère décalée et onirique, un exotisme factice mais envoûtant. Le scénario est léger, pas très structuré, mais le charme agit peu à peu et on finit par s’attacher à ces personnages symboliques et potentiellement tragiques. Tellement d’ailleurs, que la « happy end » est totalement inattendue ! Si Gabin n’a jamais été physiquement aussi affuté et séduisant, Morgan elle, est beaucoup moins ‘glamour’ que dans ses autres apparitions à ses côtés. Pierre Renoir écope du meilleur rôle, celui du flic opiniâtre, inquiétant mais finalement magnanime.

MICHÈLE MORGAN, JEAN GABIN ET PIERRE RENOIR

MICHÈLE MORGAN, JEAN GABIN ET PIERRE RENOIR

Un drôle de film donc que ce « RÉCIF DE CORAIL », mais bien ancré dans la panoplie de rôles qui cimentèrent la popularité de Gabin dans les années 30-40.

 

« GOLGOTHA » (1935)

GOLGOTHA« GOLGOTHA » est une de rares incursions du cinéma français dans le film « biblique » et la signature de Julien Duvivier, alors dans la meilleure période de sa carrière, laisse espérer une œuvre singulière.

En fait, le parti-pris est celui de l’imagerie d’Épinal et le scénario ressemble à un « best of » des derniers jours du Christ. L’histoire a été bien souvent racontée via Hollywood par la suite, mais ici, le point-de-vue esthétique rappelle par moments celui de Dreyer dans « LA PASSION DE JEANNE D’ARC ». Et Duvivier filme Jésus de façon oblique : en profil fuyant, en gros-plan dans la pénombre, de dos, en caméra subjective, etc. Le choix de Robert Le Vigan – étonnamment sobre – est surprenant, mais finalement assez judicieux. Alors pourquoi le film ne prend-il jamais vie ? Pourquoi a-t-on constamment l’impression de voir une succession de tableaux animés ? Un empilement de scènes de foules hurlantes qui finit par agacer et rendre le spectacle monotone et répétitif ? Difficile à dire, en fait. On ne s’attarde sur rien, on ne fait que survoler les moments forts d’un récit archi-balisé. Aucun personnage n’est approfondi et des vedettes viennent faire des participations incongrues : Harry Baur en Hérode rigolard ou Jean Gabin, avec une coupe de cheveux « romaine » incarnant un Ponce Pilate à l’accent parigot, incertain et sans caractère. Bien sûr, la photo est très belle, certains plans sont absolument magnifiques et les décors (le film fut tourné en Algérie) bien utilisés. Mais on s’ennuie ferme et ce fameux choix de Duvivier de laisser deviner Jésus au lieu de le montrer réellement, finit par rendre le film tout entier presque abstrait et sans moelle. Une curiosité, toutefois…

ROBERT LE VIGAN ET JEAN GABIN

ROBERT LE VIGAN ET JEAN GABIN

 

« MÉLODIE EN SOUS-SOL » (1963)

JEAN GABIN ET VIVIANE ROMANCE

JEAN GABIN ET VIVIANE ROMANCE

Il y a tout pour plaire dans « MÉLODIE EN SOUS-SOL », classique du film « de braquage », solidement produit, doté d’une distribution en béton-armé et dialogué par Michel Audiard d’après un polar américain.

Ce hold-up d’un casino cannois perpétré par un vieux truand à peine sorti de prison et un jeune « demi-sel » pas très fiable, marque la rencontre de Jean Gabin après « UN SINGE EN HIVER » du même Henri Verneuil, avec l’autre jeune premier en vogue de l’époque : Alain Delon. La magie opère un peu moins, il faut bien le dire. La mise-en-scène ultra-professionnelle devient mécanique, les personnages archétypiques manquent d’âme et de chair et sont à peine attachants. On aurait aimé que les deux heures de projection possèdent la force réaliste et l’humanité du prologue entre Gabin et sa femme, la remarquable Viviane Romance. Mais Verneuil a opté pour le grand spectacle « à l’Américaine » et si le film fonctionne très bien, on reste extérieur. Malgré sa présence, son poids, sa « gueule » fermée, Gabin demeure tout de même en retrait par rapport à Delon qui a le beau rôle, celui du séducteur amoral qui endosse toutes les scènes physiques et joue en même temps le grain de sable qui risque à tout moment de faire exploser la machine. Carnassier vorace à la vulgarité roborative, dont la « beauté du diable » est à peine écornée par une cicatrice à la pommette, Delon crève l’écran, oblitérant des partenaires faiblards (Carla Marlier) ou trop peu présents. « MÉLODIE EN SOUS-SOL » n’est donc pas le face-à-face annoncé – et espéré – entre deux stars de différentes générations, mais un suspense confectionné avec soin, excluant fantaisie et légèreté, au profit d’une efficacité sans faille. Que reste-t-il en mémoire, un demi-siècle plus tard ? De magnifiques échanges de répliques entre Delon et sa mère Germaine Montero, le personnage humain de Maurice Biraud coincé entre les deux grands fauves, le dialogue délectable de Delon avec Jean Carmet, barman d’hôtel qui le met « au parfum » au bord de la piscine et d’autres moments épars. Ce n’est déjà pas si mal !

ALAIN DELON, JEAN GABIN, MAURICE BIRAUD ET JEAN CARMET

ALAIN DELON, JEAN GABIN, MAURICE BIRAUD ET JEAN CARMET

À noter qu’on reverra cette fameuse (fausse) cicatrice dans quelques autres films de Delon comme « LA TULIPE NOIRE », « LE CLAN DES SICILIENS » ou « SCORPIO ».

 

« ARCHIMÈDE LE CLOCHARD » (1959)

ARCHIMEDELe générique-début de « ARCHIMÈDE LE CLOCHARD » de Gilles Grangier indique que l’idée originale est attribuée à un certain ‘Jean Moncorgé’, qui n’est autre que le vrai nom de Jean Gabin. Une idée sympathique, mais bien maigre en l’occurrence, qui consiste à offrir à l’acteur de 55 ans – mais qui en fait bien quinze de plus – un rôle de SDF truculent et fauteur-de-troubles.

Il n’y a pas de scénario à proprement parler. Le film suit les déambulations de ce bonhomme haut-en-couleurs, au langage châtié et aux colères homériques, terreur des bistrotiers. Gabin s’amuse visiblement beaucoup, il danse comme un jeune homme à plusieurs reprises, chante à tue-tête, balance avec enthousiasme les répliques d’un Audiard en bonne forme et occupe l’espace en ogre généreux. C’est indéniablement attachant, un brin complaisant aussi, très inégal. Ainsi, le face-à-face entre Gabin et Jacqueline Maillan, snobinette du 16ème arrondissement est-il franchement cocasse, alors que les scènes avec le cabotin Darry Cowl (c’est lui qui se prend la baffe traditionnelle) sont un brin pénibles et répétitives. On reconnaît avec plaisir des familiers de l’entourage de Gabin : Paul Frankeur, Gaby Basset, l’ex-Madame Gabin, Bernard Blier dans un petit rôle de limonadier cocu, Carette en voleur de chiens ou Noël Roquevert qui apparaît à la toute fin. « ARCHIMÈDE LE CLOCHARD » est donc un one-man-show parfaitement assumé, qui n’existe que pour permettre à Gabin de s’amuser en toute liberté, de s’ébattre sans contrainte dans un film qui n’est qu’un écrin à des saynètes dont il est le centre et l’unique raison d’être. À réserver au fan, donc.

JACQUELINE MAILLAN, JEAN GABIN ET BERNARD BLIER

JACQUELINE MAILLAN, JEAN GABIN ET BERNARD BLIER

 

« LES VIEUX DE LA VIEILLE » (1960)

JEAN GABIN, NOËL-NOËL ET PIERRE FRESNAY

JEAN GABIN, NOËL-NOËL ET PIERRE FRESNAY

« Une farce réalisée par Gilles Grangier » annonce d’emblée un carton du générique-début. Adapté d’un roman de René Fallet, dialogué par Michel Audiard qui se surpasse dans la formule-choc et rurale, « LES VIEUX DE LA VIEILLE » apparaît effectivement comme une pantalonnade décomplexée, où trois stars vieillissantes assument crânement rides et cheveux blancs, pour incarner des amis d’enfance, trois pécores alcoolisés et fauteurs-de-troubles.VIEUX2

L’entente entre Jean Gabin, Pierre Fresnay (comme elle paraît bien loin, « LA GRANDE ILLUSION » !) et Noël-Noël est parfaite. Ils offrent un festival d’accents « paysans » absolument ahurissant : Gabin est le plus crédible, Fresnay dérape souvent dans l’inflexion belge et Noël-Noël remplace, on ne sait pas bien pourquoi, les « r » par des « l » ! Ce joli trio de « vieilles canailles » se poivre la gueule, hurle, s’invective, se prend au collet, cabotine jusqu’à plus-soif et finit par attendrir et faire sourire, passé une première réaction de consternation. Ce qui touche dans le film, c’est qu’au-delà de la grosse comédie péquenaude, pointe un fond de tristesse : nos trois vaillants gaillards sont seuls au monde, l’un d’eux est même maltraité par son propre fils. Et leur grand projet est d’aller s’installer dans un hospice de vieillards. L’infantilisation des retraités est bien décrite, même si c’est sur le ton de la rigolade. Gabin est époustouflant d’énergie : l’œil qui roule, le verbe haut, la silhouette arrondie, il fait une fois encore preuve de son incroyable versatilité. Noël-Noël est très bien en casse-pied patenté, seul Fresnay trop grimé, paraît parfois en porte-à-faux. Mais le trio fonctionne tout de même à plein régime et donne son âme à ce film modeste et décomplexé et au bout du compte, tout à fait recommandable.

JEAN GABIN, PIERRE FRESNAY ET NOËL-NOËL

JEAN GABIN, PIERRE FRESNAY ET NOËL-NOËL

 
 

« L’ÂGE INGRAT » (1964)

AGE INGRAT2Jean Gabin et Fernandel, deux stars contemporaines, aux personnalités et aux styles diamétralement opposés, s’étaient déjà croisés à leurs débuts dans « CŒUR DE LILAS » et « LES GAITÉS DE L’ESCADRON ». Une trentaine d’années plus tard, ils s’associent pour monter « L’ÂGE INGRAT », une comédie censée exploiter leur popularité et confronter leurs différences.

Les noms de Pascal Jardin et Claude Sautet au scénario, du fidèle Gilles Grangier à la mise-en-scène et de Georges Delerue à la musique, laissent augurer d’un produit intelligent et proprement manufacturé. De fait, il ne s’agit pas d’une grosse pantalonnade sur le conflit de générations et le choc culturel entre les « Normands » et les « Marseillais », mais d’une modeste tranche de vie douce-amère sur deux hommes vieillissants totalement « largués » par la mentalité de leur progéniture. Au lieu de rivaliser en cabotinage avec son partenaire (comme il le fera hélas, dans « LE TATOUÉ » face à De Funès, quelques années plus tard), Gabin demeure prudemment en retrait et compose un personnage étonnamment convaincant de Français moyen râleur et peu aventureux, mais au fond bien brave. Tellement brave d’ailleurs, que la seule baffe qu’il distribue, c’est à lui-même, en chassant un moustique ! Fernandel fait son sempiternel numéro aux côtés de son fiston. On aperçoit des vétérans tels que Paulette Dubost en épouse soumise ou Noël Roquevert en vacancier ronchon. Mais c’est le sourire éblouissant de Marie Dubois et sa personnalité « moderne » qui retiennent l’attention. Elle parvient par son seul charme à faire passer le discours féministe en filigrane, qui paraît plaqué et mal amené. « L’ÂGE INGRAT » n’est pas le navet qu’on a bien voulu décrire, il tente au moins de dire quelque chose sur une France en mutation et sur le rôle de la femme dans cette société archaïque. Le face-à-face entre les vieux monstres sacrés est un peu décevant, hormis peut-être cette séquence à Paris, où ils partagent un homard après une nuit d’insomnie à attendre des nouvelles de leurs enfants respectifs.

JEAN GABIN, FERNANDEL ET MARIE DUBOIS

JEAN GABIN, FERNANDEL ET MARIE DUBOIS